Le double duel entre l’Union et le Club de Bruges risque d’être déterminant dans la course au titre. Une nouvelle habitude depuis quatre ans. © David Catry / Isosport

L’Union face à Bruges: est-ce le nouveau «classique» du football belge?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

L’Union Saint-Gilloise est l’équipe belge la plus prolifique en points depuis bientôt quatre ans. Elle est devenue la plus grande rivale du Club de Bruges.

On dit des leaders du vestiaire de l’Union que leur mémoire fait partie de leurs atouts. Que s’ils parviennent à sublimer les joueurs arrivant chaque été des quatre coins de l’Europe, c’est parce qu’ils n’oublient jamais de regarder dans le rétroviseur. Ils y voient des années de galère dans les divisions inférieures, se souvenant d’où ils viennent pour mieux savourer où ils sont. Gardien des perches du parc Duden, Anthony Moris est l’un de ceux-là.

Au mois de février 2024, le dernier rempart luxembourgeois se souvient donc forcément de ce visage cruellement familier que le Club de Bruges envoie sur le terrain après 89 minutes de la demi-finale aller de Coupe de Belgique. Parce que huit mois plus tôt, Shion Homma a privé l’Union du titre dans un match où ses couleurs n’avaient pourtant plus rien à gagner. Au cœur de l’hiver, le changement est vu comme une provocation, le Japonais n’ayant plus disputé la moindre minute de jeu sur le sol belge depuis.

Bruges titille l’Union sur le terrain, mais aussi dans les tribunes. Parce que ce jour-là, on peut voir les supporters du Club hisser une banderole: «Union Saint-Gilloise = Brighton, no pounds = no Union.» Un clin d’œil prononcé à une phrase de Bart Verhaeghe, lâchée au bout de la saison 2021-2022 au terme d’un duel éprouvant pour le titre avec les Bruxellois: «Je n’avais pas l’impression de lutter contre l’Union mais contre Brighton, qui est un club de Premier League qui possède bien plus de ressources que nous.» Alors double champion de Belgique en titre, le Club avait mal vécu l’éclosion de cet adversaire inattendu, les analystes locaux jetant même en privé un œil soupçonneux sur les performances athlétiques des hommes de Felice Mazzù.

Mastodonte sportif et financier sur le sol belge, le Club de Bruges version Verhaeghe semble effectivement sans concurrence nationale. Le «one shot» réussi en 2023 par l’Antwerp de Paul Gheysens a été suivi de gros ennuis financiers, alors que l’Anderlecht de Marc Coucke et Wouter Vandenhaute peine à trouver sa stabilité et que Genk n’est qu’un challenger occasionnel. Peut-être que si le président des Blauw en Zwart est si virulent envers les Saint-Gillois, c’est parce qu’il a identifié le club du parc Duden comme son seul véritable adversaire, soutenu par des méthodes venues de l’étranger.

Les Brugeois n’ont jamais caché qu’ils lorgnaient le savoir-faire saint-gillois.

Remous de rivalité

Si le premier gros coup «national» fait pour dépouiller l’Union de ses atouts avait été porté par Anderlecht, quand les Mauves avaient profité de pourparlers tirés en longueur pour attirer Felice Mazzù sur leur banc de touche, les Brugeois n’ont jamais caché qu’ils lorgnaient le savoir-faire et la qualité présents à l’ouest de la capitale. Dès le terme de la saison 2021-2022, ils ont âprement négocié avec leurs nouveaux rivaux pour obtenir le transfert de Casper Nielsen, moteur danois du milieu de terrain saint-gillois.

Un an plus tard, alors que le remplacement de Carl Hoefkens par l’Anglais Scott Parker sur le banc de Bruges a tourné au fiasco, les dirigeants du Club de la Venise du Nord placent leur ancien joueur Karel Geraerts sur leur short-list. Domicilié à cinq minutes du stade Jan Breydel, l’ex-adjoint de Felice Mazzù a pourtant lancé sa carrière d’entraîneur principal sur le banc de l’Union. En vue des play-offs, où Bruges est trop distancé pour revendiquer mieux qu’une quatrième place alors que les Saint-Gillois luttent pour le titre avec Genk et l’Antwerp, une rencontre entre Geraerts et les patrons des Blauw en Zwart est discrètement organisée pour évoquer un éventuel retour à la maison bleu et noir la saison suivante. Si elles n’aboutissent pas, les discussions déplaisent fortement aux patrons des Unionistes, qui n’hésiteront pas à se séparer de leur entraîneur au terme de la saison.

L’été dernier, c’est presque sans remous que le géant suédois Gustaf Nilsson quitte Saint-Gilles pour Bruges, en échange d’un coquet montant d’un peu plus de six millions d’euros. Les rivaux sont désormais capables de faire des affaires entre patrons. Sans pour autant se priver d’exacerber leur concurrence à la moindre occasion. Voici quelques semaines, c’était au tour de Philippe Bormans, CEO des Bruxellois, de critiquer indirectement Bruges en remettant en question le nouveau format de la compétition, taillé sur mesure pour rejoindre les exigences de calendrier réduit des Blauw en Zwart. Comme une preuve supplémentaire que sur la scène belge, l’Union Saint-Gilloise est devenue le meilleur ennemi du ténor brugeois. Pour ajouter un peu de piment à cette nouvelle rivalité, les Union Bhoys –groupe de supporters le plus influent des tribunes du stade Joseph Mariën– ne cachent par leurs affinités avec les fans de l’autre entité footballistique de Bruges, le Cercle, colocataire et ennemi intime du Club brugeois.

Les titres de Bruges, les points de l’Union

Il faut dire que si Bruges a collecté le plus de titres (champion en 2022 et 2024) lors des trois saisons écoulées depuis le retour de l’Union au sein de l’élite, les chiffres plaident en faveur des Saint-Gillois.

En cumulant les points récoltés en phase classique et en Champions Play-offs sur les saisons 2021-2022, 2022-2023 et 2023-2024, personne ne fait effectivement mieux que le club bruxellois, qui a récolté 251 points. C’est 25 de mieux que Bruges (226 points) qui paie sa décevante saison 2022-2023, tout en haut d’un podium complété par l’Antwerp (208), lequel cèdera toutefois sa troisième place à Genk une fois ajoutés les points de la saison en cours. Même un sans-faute des Blauw en Zwart jusqu’au terme de la saison cumulé à une série noire d’une Union qui n’engrangerait plus la moindre unité ne suffirait pas pour permettre à Bruges de reprendre seul la tête de ce classement particulier.

Si les titres restent principalement dans l’escarcelle des Brugeois, l’émergence de ce nouveau rival a eu le don de remettre en question certaines certitudes acquises depuis plusieurs années dans la Venise du Nord. Principalement dans le chef de Bart Verhaeghe, qu’on disait plus inquiet que son ancien bras droit Vincent Mannaert face à la montée en puissance de ce rival d’un genre nouveau, dirigé par des méthodes inspirées de la Premier League et donc éloignées de l’habituelle réalité belge.

Si Bruges a collecté le plus de titres, les chiffres plaident plutôt en faveur des Saint-Gillois.

Amoura et la recette data

Si le Club de Bruges s’est offert Gustaf Nilsson l’été dernier, c’est sans doute parce que son acolyte au sein du duo offensif de l’Union était hors de la portée financière des champions de Belgique. Vendu pour près de 20 millions d’euros au club allemand de Wolfsburg, Mohamed Amoura était la véritable perle rare offensive du noyau unioniste. En Belgique, les cellules de recrutement de tous les grands clubs s’interrogeaient alors sur l’éclosion spectaculaire de ce rapide buteur algérien, acheté quatre millions d’euros à Lugano après une saison avec seulement 33% de temps de jeu au sein d’un club qui avait conclu le championnat de Suisse à la troisième place. Sur papier, rien de spectaculaire. Le problème, c’est que dans tous les clubs d’élite du royaume, on vit désormais avec la crainte de découvrir un tweet ou un article annonçant la signature à Saint-Gilles d’un joueur qu’on ne connaît pas ou qu’on a snobé en l’analysant.

A Bruges, Vincent Mannaert accordait assez peu d’importance à ces fameuses analyses de données dont on dit qu’elles sont la recette du succès de l’Union Saint-Gilloise. Certes, le CEO avait instauré le développement d’une cellule data, mais sans doute plus par volonté de suivre la tendance observée dans la plupart des grands championnats européens que par conviction personnelle. Tout le contraire de Bart Verhaeghe, bien plus enclin à pousser les portes du département lors de ses visites occasionnelles au Belfius Basecamp de Westkapelle. Par affinité pour les chiffres? Plutôt par crainte de ne pas être à la pointe dans un domaine de plus en plus important dans l’évolution du jeu, et surtout dans lequel son nouvel adversaire majeur sur le sol national est considéré unanimement comme une référence.

Quel que soit le verdict de la double confrontation qui les attend, ainsi que celui de la lutte pour le titre à laquelle se mêle également un Racing Genk toujours plus ambitieux, Bruges et l’Union sortiront une nouvelle fois de la saison avec l’étiquette de places fortes du football national. Leurs duels s’annoncent équilibrés et incertains, à l’image de ceux de la phase classique, tous deux conclus par un match nul. Bruges conserve sans doute l’avantage psychologique, avec ses six succès (contre quatre pour l’Union) en 17 confrontations depuis quatre ans. A la différence que cette fois, Shion Homma suivra le match depuis Osaka.

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