Luciano D'Onofrio enfilera-t-il à nouveau bientôt une casquette de dirigeant? © BELGA PHOTO LAURIE DIEFFEMBACQ

Lucien D’Onofrio peut-il (et veut-il) vraiment sauver le Standard?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Une nouvelle fois cité comme sauveur potentiel d’un Standard à la dérive, Lucien D’Onofrio reviendra-t-il à Sclessin? Ce serait sans doute par amour du business, bien plus que des Rouches.

Le nom revient comme un refrain. «Le retour de Lucien D’Onofrio au Standard, c’est un peu comme Didier Drogba à Marseille», compare Nicolas Taiana, auteur du livre biographique Le Système D’Onofrio. Un retour maintes fois annoncé, une arrivée salvatrice attendue comme celle d’un prophète, un fantasme de supporters jamais concrétisé. Alors que la contestation populaire à l’encontre des propriétaires américains de 777 Partners est plus forte que jamais, empêchant la tenue du match face à Westerlo, l’heure est à une nouvelle revente du club phare de Liège.

Inévitablement, la presse charrie donc à nouveau le nom de Lucien D’Onofrio. L’ancien homme fort du club (entre 1998 et 2011) viendrait, selon certains, soutenu par les millions de son ami Robert Lesman, l’homme d’affaires déjà actionnaire du Standard dans les années 1990. Pour d’autres, ce sont des billets qataris qui accompagneraient le retour de D’Onofrio à Sclessin, grâce aux contacts noués de longue date par le Liégeois avec les hommes forts de l’état pétrolier. Partout, la rumeur et le mystère. La preuve que le fantasme des Rouches n’a pas son pareil pour œuvrer dans le brouillard. Quelques mois avant la revente du club par Bruno Venanzi, alors que l’investissement promis par son ami François Fornieri était tombé à l’eau, Lucien D’Onofrio avait d’ailleurs tâté le terrain auprès du patron du Standard. Il débarquait avec une promesse financière de 20 millions d’euros dont même les plus proches collaborateurs de Venanzi ne connaissaient pas la provenance. Les relations alors glaciales entre les deux hommes avaient mis un terme très rapide aux négociations.

«Ce qui est certain, c’est que s’il revient, ce ne sera pas seulement avec son propre argent, parce qu’il ne l’a jamais fait nulle part, reprend Nicolas Taiana. Il s’entoure toujours d’investisseurs et prend seulement une part financière minoritaire dans le club, ce qui lui permet de réduire le risque tout en ayant les coudées franches sur le plan décisionnel.» C’est ainsi qu’à l’Antwerp, là où il a occupé sa dernière fonction officielle dans le football belge, entre 2017 et 2021, il se dit que son contrat contenait une clause qui lui permettait d’acquérir 10% des parts du club pour un montant fixé lors de la signature, et donc bien inférieur à la valeur qu’elles avaient obtenue quatre ans plus tard.

Là où la plupart des clubs comptent sur le marché des transferts pour faire gonfler leur trésorerie, D’Onofrio spécule surtout sur la valeur des clubs pour augmenter celle de son portefeuille. En 2012, quelques mois après la fin de son aventure au Standard, il avait ainsi sauvé le club d’Eupen en virant sur ses comptes le million d’euros nécessaire à l’obtention de la licence des Pandas. Alors en lutte pour une montée au sein de l’élite, le club germanophone aurait sans doute permis à Lucien D’Onofrio, qui se montrait alors dans les tribunes du Kehrweg, de faire son retour en fanfare dans les hautes sphères du football belge. Son échec dans la course à la D1 a finalement fait les affaires du portefeuille de D’Onofrio, qui a pris une importante commission lors de la revente du club des cantons de l’est aux Qataris d’Aspire.

D’Onofrio et les rivaux du Standard

Certes, Lucien aime rappeler à la moindre occasion son amour pour le Standard, véritable club des passions de sa jeunesse. «C’est un club qui est dans mon cœur même si je n’ai plus rien à voir avec lui, ni de près ni de loin», déclarait-il au Soir en 2020. Depuis qu’il a quitté sa loge de Sclessin, l’homme d’affaires liégeois a pourtant multiplié les flirts plus ou moins prononcés avec des clubs rivaux. Un comportement presque logique pour un individu qui, peu de temps avant de poser ses valises chez les Rouches au bout des années 1990, avait emmené son ami Bernard Tapie dans le stade Vélodrome de Rocourt en envisageant d’investir chez le voisin honni du RFC Liège.

En parallèle de son sauvetage d’Eupen, Lucien D’Onofrio avait ainsi envisagé une reprise de Charleroi. En négociant avec Abbas Bayat d’abord, pour être finalement pris de court par le duo Fabien Debecq-Mehdi Bayat. Par l’intermédiaire de l’avocat Jean-Louis Dupont, ensuite, qui le recommande comme prête-nom (rémunéré, évidemment) ou comme actionnaire minoritaire lorsqu’il sonde le marché belge pour le compte de Manchester City en 2013, dans des échanges de courriels révélés par les Football Leaks.

Il y a les rivaux locaux, le RFC Liège mais aussi Seraing où D’Onofrio établit ses quartiers, y plaçant encore le directeur sportif Carlos Freitas ou l’un des fils de son ami Sérgio Conceição l’an dernier. Le grand ennemi régional, avec Charleroi. Il ne manquait plus que l’historique ennemi mauve. Là aussi, les rapprochements sont nombreux. Dans sa relation plus que cordiale avec l’ancien président Roger Vanden Stock, Lucien use de son entregent et de ses entrées au club de Porto pour jouer un rôle discret mais majeur dans le transfert de Steven Defour, l’ancien capitaine du Standard, vers Anderlecht en août 2014. Quelques années plus tard, quand le club est mis en vente, il tente de convaincre le riche Paul Gheysens de laisser de côté ses rêves anversois pour prendre ensemble les rênes du club le plus titré du pays. Doublé par Marc Coucke, il sera encore recontacté par ce dernier pour prendre la direction sportive du club bruxellois avant que les clés de Neerpede échouent finalement entre les mains d’un Vincent Kompany avec qui D’Onofrio se voyait mal partager le pouvoir.

Ce sera finalement à l’Antwerp qu’il fera à nouveau l’usage de ses recettes liégeoises. De nombreux anciens de la maison rouche sur le terrain, dans les vestiaires du staff (László Bölöni, Vedran Runje ou Emile Mpenza) et même dans les bureaux, avec son bras droit Frédéric Leidgens installé dans le costume de responsable de la communication du club sans parler un mot de néerlandais. Les confrontations entre le matricule 1 et le Standard sont alors plus brûlantes que jamais, Lucien D’Onofrio présentant Bruno Venanzi comme «un anesthésiste» dans une interview et se réjouissant en privé de chaque succès face aux Liégeois. Une certaine vision de l’amour.

Des méthodes dépassées?

Parce que beaucoup semblent avoir décidé de laisser les infidélités au vestiaire, les voix influentes s’élèvent malgré tout en nombre croissant pour réclamer un retour de l’homme des deux derniers titres de champion en Cité ardente. Il faut dire que tant dans l’entourage du club que parmi les suiveurs du Standard, Lucien D’Onofrio a conservé une bonne partie de ses relais d’autrefois. Surtout, la fascination qu’il exerce sur les tribunes reste importante. Un retour aux affaires liégeoises serait donc forcément accueilli avec enthousiasme, parce que son nom reste sur les lèvres de nombreux supporters à l’heure de dresser le portrait-robot du repreneur idéal.

Le problème est que l’homme n’a pas changé de recettes et que sa marmite commence à prendre de l’âge. Dans les couloirs du Bosuil anversois, on lui reprochait ainsi de plus en plus vertement son allergie aux méthodes modernes de recrutement et une confiance démesurée en un carnet d’adresses aux pages pourtant jaunies par le temps. En quatre saisons dans la métropole, ses 76 transferts entrants et 57 sortants avaient ainsi très peu rempli les caisses du club, à l’heure où le mercato doit générer d’importantes recettes dans tous les clubs belges. A l’inverse, les dépenses en transferts étaient rares et la masse salariale décente malgré le recours à de nombreuses anciennes gloires du football belge comme Kevin Mirallas, Steven Defour, Jordan Lukaku ou Jelle Van Damme, pas toujours avec succès.

Dans le milieu, nombreux sont ceux qui disent aujourd’hui que Lucien D’Onofrio est un homme du passé. Encore capable de flairer les coups où il est possible de se remplir les poches, bien moins ceux qui permettent à un club de retrouver les sommets. Son passage à l’Antwerp, certes soutenu par les possibilités financières alors presque illimitées de Paul Gheysens, parle pourtant pour lui. Comme une preuve que les recettes de grand-père peuvent encore séduire les pelouses belges. «Au milieu des années 2010, je l’avais revu et il m’avait donné l’impression d’être un agent sur le retour, uniquement en contact avec des gens vieillissants, glisse un habitué du milieu. Finalement, force est de constater que je m’étais trompé. Un an après, il remettait l’Antwerp sur pied. Aujourd’hui, j’aurais peut-être encore tendance à penser que c’est la fin pour lui, mais rien ne dit que j’ai plus de flair que la première fois

Parce que Lucien D’Onofrio reste capable de tout. Même d’être salué en conférence de presse par José Mourinho en personne, à la veille d’un duel européen entre l’Antwerp et Tottenham fin de l’année 2020. C’est probablement pour cela que l’homme reste aussi discret dans les médias, ne répondant presque jamais aux sollicitations. Il sait parfaitement que les autres parleront toujours pour lui.

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