© BELGAIMAGE

Les tops et les flops de la Pro League: la grande analyse de mi-saison

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Alors que la fin du premier tour se joue ce week-end et que le mercato d’hiver approche, la Pro League est déjà riche en leçons. Tour des stades, sur la route des tendances de saison.

UNION SAINT-GILLOISE

Plus que le départ du coach Karel Geraerts, c’est l’effritement de la colonne vertébrale unioniste qui faisait craindre le pire au public du parc Duden. En plus des offensifs Victor Boniface et Simon Adingra, le capitaine Teddy Teuma et le taulier défensif Ismaël Kandouss ont quitté la capitale, suivis par le joueur de flanc Bart Nieuwkoop. De quoi faire rentrer l’Union dans le rang en Pro League? Les Saint-Gillois sont déjà assurés de virer en tête à mi-parcours avec l’attaque la plus prolifique de l’élite. Alexander Blessin est passé par là. Recruté par Ostende il y a trois ans alors qu’il était encore inconnu, l’entraîneur allemand est revenu en Belgique adoubé par sa sixième place avec les Côtiers et pas vraiment endolori par un passage délicat à Gênes, en Italie. Il a imposé son football dynamique, avec ou sans le ballon, qui fait de l’Union une impressionnante machine à se créer des occasions sans porter préjudice à l’équilibre défensif. Homme fort du début d’exercice alors qu’il n’était qu’un deuxième choix l’an dernier, le Suisse Cameron Puertas raconte à merveille cette nouvelle harmonie: meilleur passeur du championnat avec neuf assists, il est également le deuxième joueur de l’élite à avoir disputé le plus de duels défensifs.

Le contre-pressing, cette façon de réagir à la perte du ballon pour tenter de le récupérer haut sur le terrain face à un adversaire en déploiement pour attaquer, est un mantra de Blessin. Il incite son équipe à jouer «contre le ballon», refusant de parler de phases «en perte de balle» pour qualifier ces moments où l’Union n’est pas en possession. La recette régale: personne ne tire plus au but que les Bruxellois (15,28 tentatives) par match, ni ne concède moins d’opportunités (6,42 tirs adverses par match). Une formule qui ne gagne pas à tous les coups, mais qui limite les possibles déceptions.

LA GANTOISE

Sensation du début de l’année 2023, l’attaquant nigérian Gift Orban formait un duo redoutable avec le Belge Hugo Cuypers, sacré meilleur buteur de la saison écoulée. Principal animateur des offensives gantoises avant l’émergence du duo, le Marocain Tarik Tissoudali a donc pu prendre son temps pour revenir de la lourde blessure qui l’avait privé de Coupe du monde. Cette saison, Hein Vanhaezebrouck peut donc compter sur trois talents hors norme pour deux postes à la pointe de son éternel 3-5-2. Un problème de luxe compensé par un calendrier surchargé pour cause de Coupe d’Europe, mais un problème quand même.

Au classement des buteurs de la Pro League, aucun des trois artificiers gantois ne joue pourtant les premiers rôles. Les Buffalos n’ont d’ailleurs que la sixième meilleure attaque de l’élite malgré leur prolifération de buteurs potentiels. Réputé pour être bien rôdé autour de joueurs modestes cadrés dans un système rigide, le plan immuable de Vanhaezebrouck doit désormais composer avec une bonne dose de talent imprévisible aux avant-postes. Il faudra trouver la bonne formule pour se mêler à la course au titre en Pro League.

ANDERLECHT

Si Anderlecht aime se raconter avec un jeu dominant et léché, celui qu’avait ramené au Lotto Park le passage de Vincent Kompany, l’histoire récente des Mauves est plutôt faite de titres gagnés avec des talents individuels majeurs plutôt qu’une symphonie collective accomplie. Plus amoureux du football énergique de Jürgen Klopp que des possessions minutieuses de Pep Guardiola, le coach danois Brian Riemer rappelle surtout aux fans bruxellois le passage dans la capitale de René Weiler. Un entraîneur suisse qui avait emmené le Sporting jusqu’au titre (son dernier) et aux quarts de finale de l’Europa League en 2017 avec une organisation défensive stricte et des talents capables de faire la différence devant.

La recette semble avoir inspiré Jesper Fredberg, le directeur sportif qui a empilé les grands noms dans le noyau mauve cet été. Le buteur Kasper Dolberg, le Diable Rouge Thorgan Hazard, le milieu de terrain Thomas Delaney ou le gardien Kasper Schmeichel ont fait passer Anderlecht du Top 5 des équipes les plus jeunes à celui des équipes les plus âgées du championnat. Surtout, ils ont permis au Sporting de prendre une autre dimension, défiant les statistiques avec six buts marqués hors de la surface adverse ou un ratio de tirs cadrés insolents pour Dolberg (69,2%), déjà auteur de neuf buts en Pro League.

Anderlecht défend en nombre et attaque en comité réduit, mais cela suffit aux Bruxellois pour s’inviter de façon crédible dans la course au titre. Tant pis si la télégénie du jeu proposé fait encore grincer de nombreuses dents chez ceux qui estiment que le Sporting se doit d’offrir une certaine qualité. Joueurs et dirigeants répondent que le club de la capitale est surtout synonyme de titres, et que la disette de sept longues années en cours doit prendre fin dès que possible. Si en possession de balle, ce RSCA n’est pas encore une machine, amener le ballon aux talents qui s’accumulent aux abords de la surface adverse semble largement suffire pour faire trembler les filets.

MALINES

Entamée à l’été 2022, quand il a fallu trouver un remplaçant à Wouter Vrancken sur le banc de touche, la mue de Malines est toujours en cours. Danny Buijs l’an dernier, puis Steven Defour il y a quelques semaines en ont payé le prix, laissant à Besnik Hasi le soin de trouver ce si difficile équilibre entre des joueurs offensifs qui ont besoin de combiner pour créer le danger et une défense fébrile dès qu’elle est exposée aux reconversions rapides de l’adversaire. Mixer ces ingrédients difficilement compatibles dans une bonne recette sera indispensable pour éviter la zone rouge de la Pro League.

EUPEN

C’est presque devenu une tradition dans les Cantons de l’Est, initiée par Stefan Krämer voici deux ans: l’été rime autant avec départ en fanfare qu’avec surrégime statistique. Trouver les Pandas hors de la zone rouge, pourtant élargie à quatre clubs, à l’approche de la mi-parcours est en effet une anomalie, tant leurs chiffres sont dramatiques. Sur le plan défensif, surtout, les Germanophones effraient, avec 33 expected goals concédés, de loin la pire performance de Pro League, et peuvent remercier leur jeune gardien américain Gabriel Slonina, toutefois insuffisant pour leur éviter d’être la pire défense de l’élite.

WESTERLO

Les dirigeants campinois auraient pu céder à la panique après le départ catastrophique (1/21). Ils se sont rappelés que Jonas De Roeck, leur coach, était sur la short-list de Bruges voici quelques mois, et qu’il fallait le laisser reconstruire un noyau en lambeaux. Depuis, Westerlo n’a perdu qu’une fois en sept sorties, malgré des déplacements à Sclessin ou à Genk. Seuls le bilan total et la famine offensive restent inquiétants, notamment à cause de contre-attaques moins efficaces que l’an dernier, avec deux petits buts marqués sur des phases qui étaient déjà devenues une marque de fabrique.

CHARLEROI

Débutée avec la gourmande ambition de s’inviter dans le Top 6, la saison des Zèbres a rapidement pris un autre chemin. Aujourd’hui, au boulevard Zoé Drion, on confie que la douzième place, à l’abri des périlleux Relegation Play-offs, suffirait à faire le bonheur des décideurs. Entre-temps, il y a eu un jeu qui s’étiole, désormais orphelin des principes rigoureux nés d’une saison et demie de jeu de position. Surtout, la rigueur défensive sur laquelle Felice Mazzù a toujours bâti ses plus belles équipes a disparu. Après quatorze journées, Charleroi compte donc trois points de moins qu’il y a un an, quand un 16/42 avait coûté son poste à Edward Still.

Dans le Pays Noir, on parle intensité et mentalité, alors que le jeu est évacué des débats. Il y a pourtant énormément à dire sur cette équipe qui fait tourner le ballon sans sembler savoir qu’en faire, ou sur cette manie de se replier vers son but sans aucun profil offensif armé pour amorcer un contre dévastateur. L’histoire d’un club perdu dans ses paradoxes, avec le coach qui lui correspond le mieux mais une équipe qui semble avoir été bâtie pour un autre.

ANTWERP

Plus fréquemment qualifiée de puissante que d’attractive au printemps dernier, quand elle a conquis le doublé Coupe-Championnat qu’aucun club belge n’avait pu accomplir depuis le début du millénaire, l’équipe de l’Antwerp poursuit sa mue vers un jeu de possession dominant et un contre-pressing chirurgical. Un style qui peine à se faire une place à l’échelle européenne mais qui fait souffrir l’essentiel de ses adversaires en Pro League, surtout sur la pelouse de son Bosuil.

Chez lui, le Great Old active à merveille sa possession ambitieuse, emmenée par les relances de Toby Alderweireld en défense centrale. Les ailiers étirent l’adversaire en collant la ligne de touche, prêts à plonger pour dégainer leurs dribbles rapides quand ils sont laissés trop libres, alors que le flair d’Arthur Vermeeren fait la loi au cœur du jeu. La symphonie est complétée par Vincent Janssen, pivot le plus technique de l’élite, et permet aux Anversois d’enchaîner de longues séquences avec le ballon. La formule manque parfois de coups de génie, mais un but précoce suffit à transformer l’équipe en rouleau compresseur.

CLUB BRUGES

Le départ de Clinton Mata n’a rien arrangé à un problème déjà bien visible dans la défense brugeoise depuis plusieurs saisons, même si Simon Mignolet s’est longtemps employé à le masquer, s’offrant un Soulier d’or au passage pour ses exploits entre les perches. Le Club souffre en défense, et Ronny Deila n’a toujours pas trouvé la solution. Exposés par un jeu dominant qui installe leur défense à hauteur du rond central, les Brugeois doivent compter sur un Jorne Spileers trop jeune et un Brandon Mechele vieillissant pour gérer la profondeur, abandonnés par des milieux trop aventureux et des latéraux trop offensifs. Une mission impossible sans un correcteur, défenseur athlète de haut vol capable de rectifier des situations compromises par sa vitesse et sa puissance.

Bruges le cherche, en vain, et ne compense pas assez son absence à l’autre bout du terrain. Sans buteur fiable malgré les millions dépensés pour Igor Thiago, les Blauw en Zwart s’en remettent (trop) souvent aux exploits de Skov Olsen ou au flair de Hans Vanaken pour marquer. Encaisser moins passera probablement par la case mercato. Encore.

RWDM

Il se dit souvent qu’un grand gardien et un grand attaquant font la différence entre une saison rythmée par le danger et une année calme sur les pelouses de Pro League. Si Théo Defourny a sorti quelques arrêts importants pour le RWDM, c’est surtout à l’autre bout du terrain que les Molenbeekois ont les armes suffisantes pour vivre au-dessus des positions à risque. En début de saison, la vitesse exceptionnelle de Mickaël Biron a permis aux hommes de Claudio Caçapa de terroriser les défenses adverses sans trop se désorganiser. La blessure du Martiniquais a contrarié la bonne forme bruxelloise, alors que son duo avec Makhtar Gueye promettait de faire des étincelles. Depuis, c’est en solitaire que le puissant Sénégalais doit sauver les Coalisés.

Colossal, Gueye joue avec les muscles et les centimètres pour faire la loi dans la surface de l’adversaire et multiplier le danger sur chaque ballon qu’il reçoit. Seuls Kévin Denkey, Vincent Janssen et Kasper Dolberg, bien mieux entourés que lui, ont créé plus d’occasions de qualité que le buteur du RWDM cette saison. Au stade Machtens, le jeu passe par lui. Le maintien aussi.

CERCLE

S’asseoir dans le Top 6 de la Pro League au détriment du grand voisin pourrait permettre aux fans du Cercle Bruges de fermer les yeux sur beaucoup de choses. A première vue, les chiffres racontent une équipe morne, deuxième meilleure défense mais incapable de marquer plus de seize fois en quatorze sorties. A y regarder de plus près, les Vert et Noir doivent pourtant ce régime offensif à un manque de lucidité face aux filets adverses, puisque leurs 26 expected goals en font la troisième équipe belge la plus prolifique en matière d’occasions créées.

Les hommes de Miron Muslic forment surtout une bande atypique. A l’ère des relances courtes, ils emmènent très largement les classements de longs ballons et de duels aériens disputés, font moins de passes que tous les autres et proposent un pressing qui n’est pas seulement une référence nationale, mais également européenne. Difficile de mieux les résumer que par Kevin Denkey, meilleur buteur qui est également le joueur à avoir commis le plus de fautes cette saison.

SAINT-TROND

Si la présence de Toby Alderweireld au sommet du classement du nombre de passes tentées depuis le début de saison (1 084) n’a rien de surprenant, rares sont ceux qui imaginaient que ses compagnons de podium viendraient du Stayen. Avec 1 058 et 1 017 passes en quatorze matchs, Bruno Godeau et Matte Smets sont les symboles de la métamorphose des Canaris, installés dans le Top 3 des équipes qui monopolisent le plus le ballon au sein de la Pro League.

Nouveau coach intronisé cet été, Thorsten Fink avait pourtant prévenu: il ne partageait avec son prédécesseur Bernd Hollerbach qu’un passeport allemand, mais le jeu n’aurait pas grand-chose à voir. Confortablement posés dans le ventre mou du championnat les années précédentes, les Trudonnaires n’enthousiasmaient pas grand monde avec leur football très bien organisé et leurs vétérans. Rajeuni et dynamisé, le onze canari gazouille les noms de Matte Smets, Mathias Delorge ou Jarne Steuckers, animateurs d’une équipe passée de 44% à 56% de possession de balle moyenne en un été.

STANDARD

Pour analyser les gardiens, les statisticiens ont rapidement constaté que la simple mesure des expected goals ne suffisait pas. Une position de frappe anodine pouvait se transformer en missile téléguidé vers la lucarne, il fallait donc évaluer la qualité de la tentative non pas à son départ mais à l’arrivée. On appelle ça les post shot expected goals, et les prevented goals sont, par extension, la mesure de la capacité des gardiens à les arrêter. Cette saison, ce classement belge est largement dominé par Arnaud Bodart. Sans lui, les Rouches ont passé un mauvais après-midi à Anvers, avec six buts encaissés. Un peu plus largement, en trois matchs – synonymes de la baisse de régime d’un Zinho Vanheusden jusque-là aérien depuis son retour au bercail – les Liégeois ont vu s’envoler leurs belles statistiques défensives du début de saison. Là aussi, les chiffres avancés plaidaient pourtant la thèse du surrégime, soutenu par les prestations hors norme de Bodart et Vanheusden. Le retour à la réalité est d’autant plus brutal.

Arrivé en bord de Meuse pour succéder à Ronny Deila, Carl Hoefkens ne parvient pas encore à dessiner les contours de son Standard. Le onze de base semble pourtant trouvé, avec une défense à trois qu’il avait abondamment utilisée à Bruges, mais les automatismes offensifs sont inexistants, et la création d’occasions dépend bien trop de la faculté du colossal Wilfried Kanga à bousculer les défenses adverses. Une fois l’Ivoirien neutralisé, ces Rouches-là n’ont plus grand-chose à proposer, et sont d’ailleurs bien englués dans la deuxième partie de tableau quand on classe la qualité des opportunités créées par chaque équipe après quatorze journées.

Soumis à des miracles défensifs à répétition pour pouvoir soutenir un rythme de candidat au Top 6 malgré ce désert offensif collectif, le Standard peine à trouver sa voie. Après la lourde défaite en Métropole, Carl Hoefkens a remis l’intensité au centre du débat. Et le jeu, dans tout ça?

OH LOUVAIN

Les installations sont si confortables que la Fédération y prend souvent ses quartiers, y compris quand les Diables Rouges doivent être accueillis en urgence. L’école des jeunes voit émerger des talents comme Joël Schingtienne ou Richie Sagrado. Le budget permet de dépenser près de dix millions d’euros lors du marché estival pour attirer des Youssef Maziz ou Jonatan Braut Brunes. Pourtant, Louvain est dans la zone rouge, loin de ses rêves de sommet de la Pro League exposés par Marc Brys il y a trois ans. C’est peut-être pour ça que l’Anversois n’est plus là, remplacé par le très coté Oscar García.

GENK

En janvier dernier, la vente de Paul Onuachu à Southampton était probablement le tournant de la course au titre. Impérial jusque-là, Genk n’a plus su faire trembler aussi souvent les filets adverses et s’est fait rejoindre dans le sprint final. Tolu Arokodare à la fin du mois de janvier, puis Andi Zeqiri au bout de l’été sont certes arrivés, mais le problème de productivité n’est toujours pas réglé.

Le football de Wouter Vrancken reste pourtant une machine à occasions. Avec 33 expected goals en quatorze sorties, les Limbourgeois ne sont devancés que par l’Union dans la qualité des opportunités offensives. S’ils ont marqué six buts de moins que les Saint-Gillois, c’est peut-être parce que leur meilleur buteur est actuellement Daniel Muñoz, leur défenseur droit. Le véloce Joseph Paintsil n’est pas aussi efficace depuis son côté gauche, alors que le prodige Bilal El Khannouss reste plus créateur que buteur. Il faudra pourtant marquer pour lutter pour les trophées.

COURTRAI

A le voir sur la pelouse du stade des Eperons d’or, on a parfois l’impression qu’Abdelkahar Kadri est un adulte qui joue avec ses enfants. Plus en verve sous Edward Still, discret depuis l’arrivée d’un Glen De Boeck surtout concentré sur la rigueur de l’organisation défensive, l’Algérien est toujours en quête de sa première passe décisive. Une statistique encore plus étonnante quand on sait qu’avec 3,05 expected assists, Kadri est à la huitième place des passeurs qui mettent leurs coéquipiers dans les meilleures conditions pour marquer. Pour le Fennec, l’enfer, c’est probablement les autres.

1 084

Personne en Pro League n’a tenté plus de passes depuis le début de saison que Toby Alderweireld (Antwerp).

10

Aboubakary Koita (Saint-Trond) et Kévin Denkey (Cercle) se partagent la tête du classement des buteurs avec dix réalisations.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire