Diables Belges
La colère de Kevin De Bruyne, quittant le terrain après le match nul contre l’Ukraine lors du dernier Euro, a rouvert une plaie purulente entre les Diables et leur public. © Isosport

Les Diables contre les Belges: qu’est-ce qui pourrait sauver l’amour?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Entre les Diables et leurs supporters, le désamour est à son comble. La Fédération multiplie les actions pour tenter de réconcilier les Belges avec leur équipe nationale.

De l’Ukraine à l’Ukraine, mais des huées aux applaudissements. Voilà l’objectif lancé dans les couloirs de Tubize, au siège de la Fédération belge de Football, où le mot d’ordre des dernières semaines est particulièrement clair: les Diables rouges doivent faire en sorte que leurs supporters retombent amoureux d’eux.

On croyait pourtant les disputes conjuguées au passé. A la triste fin de cette génération dorée virée du Mondial qatari dès la phase de poules et gentiment balayée par une nouvelle génération prometteuse. Une année 2023 conclue sans défaite, pimentée par une victoire amicale mais prestigieuse en Allemagne, avait donné au futur un goût savoureux. Un peu plus d’un an plus tard, toujours en Allemagne, c’est pourtant avec une qualification obtenue à la calculatrice que les bruits de divorce refont leur apparition. L’heure n’est peut-être pas à la fête, mais le soulagement de la qualif’ sur le terrain contraste bruyamment avec les sifflets descendus des tribunes. Capitaine vexé, Kevin De Bruyne somme ses troupes de faire demi-tour vers le vestiaire sans saluer le public, et les insultes volent. En conférence de presse, la Belgique envoie alors un Thomas Meunier qui lui a toujours servi de caution patriotique. Même l’arrière droit prend la défense de son vestiaire: «La réaction des fans était compréhensible, mais disproportionnée.»

Les claques s’enchainent. La France, rivale majeure du supporter belge francophone (principal vivier des tribunes diaboliques), en distribue trois, une en huitième de finale puis deux autres en Ligue des Nations. De quoi remettre une dose d’amertume sur les papilles nationales, surtout quand deux de ces trois revers sont subis avec une cruelle passivité. Kevin De Bruyne monte au créneau pour fustiger le manque d’engagement des siens, et les critiques sortent du terrain. Dans sa chronique sur La Première, l’ancien patron des sports de la RTBF Michel Lecomte évoque «une génération qui ne manque certes pas de talent, mais dont on ne sent pas le souffle collectif». Pour SoFoot, le sociologue du sport Jean-Michel De Waele (ULB) va plus loin: «Il n’y a jamais personne qui va mourir pour ce pays».

Slogan et voyages

«On doit avoir un discours fédérateur, à l’image de la devise du pays», disait Thomas Meunier dans la foulée du nul blanc contre l’Ukraine lors de l’Euro. La Fédération l’a visiblement pris au mot, puisqu’une nouvelle campagne de séduction a été lancée par la RBFA avec pour slogan: «L’Union fait la force».

Le lien entre les tribunes et le terrain se trouve alors clairement au cœur de la cible du message. Manu Leroy, responsable Marketing&Communications de la Fédé, explique d’ailleurs dans Le Soir que la volonté est de «redonner de la consistance au lien entre les joueurs et les supporters». Une proximité à retrouver depuis les gradins, avec une désertion de plus en plus fréquente du stade Roi Baudouin dans les mois à venir.

Après Genk, dont la Cegeka Arena sera le cadre de la rencontre de barrage retour face à l’Ukraine en Ligue des Nations, on devrait ainsi voir Thibaut Courtois et consorts fouler les pelouses d’Anderlecht, de La Gantoise ou du Standard sur la route de la Coupe du monde nord-américaine. De quoi renforcer la chaleur des relations, mais aussi éviter des épisodes comme celui du Monténegro, qui n’avait rassemblé que 19.000 spectateurs dans les tribunes du Heysel à l’approche du dernier Euro. A titre de comparaison, ils étaient 21.000 dix ans plus tôt pour assister à un Belgique-Russie pourtant diffusé sur écran géant lors du Mondial 2014 au Brésil. Si le désamour devait être un chiffre, ce serait probablement celui-là.

Un Français pour remarier les Belges et les Diables

Rouverte à l’Euro, approfondie par la Ligue des Nations, la querelle entre les Belges et les Diables n’a finalement pas été arrangée par un Domenico Tedesco dont les expérimentations tactiques manquaient de passion. Pour retrouver l’engouement sportif, la Fédération a d’abord confié les rênes sportives à Vincent Mannaert. A Bruges, l’ancien bras droit de Bart Verhaeghe avait développé l’identité du club bleu et noir et lui accolant un slogan évocateur: «No Sweat, No Glory». Pas de gloire sans sueur. Parce que dans toutes les tribunes du monde, ceux qui paient leur place attendent que ceux qui sont payés pour entrer sur la pelouse montrent par leur débauche d’énergie qu’ils ont envie d’être là. Ce n’est pas un hasard si l’une des raisons du climat de défiance entre les supporters et les Diables à l’approche du Mondial 2018 était l’absence de Radja Nainggolan, lui que les fans romains de son club présentaient comme «un supporter sur le terrain».

A Rome, justement, le «Ninja» évoluait sous les ordres d’un certain Rudi Garcia, entraîneur français choisi pour redonner à la Belgique l’amour de sa sélection. La pirouette est audacieuse, mais les premiers discours de l’ancien entraîneur de Marseille, Lille ou Lyon vont dans le sens voulu de la réconciliation. «J’accorde beaucoup d’importance à la fibre patriotique», a clamé le sélectionneur dès l’annonce de son premier groupe diabolique, avant de profiter des passages devant les micros de la télévision pour sonner le rassemblement: «On a besoin du peuple belge derrière la sélection. On a besoin de démontrer qu’on va se battre à chaque seconde.»

Charismatique et rassembleur, le sélectionneur a la gouaille de ceux qui peuvent fédérer. Ses appels à la mobilisation nationale sont, sans surprise, ceux que la cellule de communication autour des Diables partage à foison sur les réseaux sociaux. De là à imaginer que la plaie largement élargie par la triade de défaites contre la France soit suturée par un coach venu de l’Hexagone, il n’y a pas qu’un pas. Le premier sera contre l’Ukraine, mais la marche rédemptrice risque d’être longue.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire