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Le sujet des lecteurs: que fait vraiment Wouter Vandenhaute à Anderlecht?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

À la fin du mois d’avril, Sport/Foot Magazine s’interrogeait sur le rôle de Wouter Vandenhaute, alors conseiller externe à Anderlecht. N’avait-il vraiment pas d’influence notable sur le club?

La communication a beau avoir quelques ratés en ces temps troublés pour l’institution mauve, la date n’est sans doute pas choisie au hasard. Le lundi 6 avril, Anderlecht dégaine sur ses réseaux le Corona Call, une interview à distance de Vincent Kompany et Karel Van Eetvelt au cours de laquelle de nombreux sujets sont évoqués. Le rôle de Wouter Vandenhaute y occupe une place importante. Deux jours avant le verdict sur l’octroi de la licence au Sporting pour la saison 2020-2021, la manoeuvre n’a rien d’innocent. Elle incarne le rêve de longue date des penseurs de la communication anderlechtoise, qui a toujours aspiré à un dialogue direct entre les canaux du club et les supporters, sans passer par la potentielle contradiction médiatique.

Van Eetvelt y joue cartes sur table: « Wouter n’a même pas de contrat avec notre club. Il existe un accord de coopération avec la société du président, et nous l’avons aussi transmis au comité des licences. Bien sûr, je ne suis pas du monde du football, mais je continue de trouver cette discussion assez curieuse. »

Anderlecht a pris la peine de contourner le problème: son « conseiller externe » est payé par Alychlo, la société de Marc Coucke.

Le monde du football, lui, renvoie au règlement. Celui qui dit, à l’article 407.2, que « la licence ne sera pas octroyée à un club dont une ou plusieurs personnalités juridiques liées exerce l’activité d’intermédiaire. » Or, Wouter Vandenhaute est à l’origine de la structure Let’s Play, un bureau d’agents lancé au printemps 2018 en compagnie de Bob Claes (ancien directeur général du Standard) et de Peter Smeets, qui avait par le passé gagné la confiance de nombreux talents de Neerpede. La société gère les intérêts de Youri Tielemans, Vadis Odjidja ou encoreBenito Raman, pour ne citer que ses clients les plus célèbres, et place donc Vandenhaute dans la position de conflit d’intérêts pointée du doigt par l’article 407.2.

Youri Tielemans est le nom le plus ronflant dont les intérêts sont gérés par Let's Play.
Youri Tielemans est le nom le plus ronflant dont les intérêts sont gérés par Let’s Play.© iStock

LA PARADE MAUVE

Anderlecht a évidemment pris la peine de contourner le problème. D’abord, en précisant dès l’annonce de sa venue que Vandenhaute officierait comme « conseiller externe ». Le patron de Let’s Play se défend par ailleurs en personne sur son implication dans la société d’agents, expliquant qu’il n’est « pas l’homme qui mène des négociations avec les clubs ». Convaincant pour certains, mais pas assez pour faire avaler la copieuse couleuvre à la Commission des Licences.

Le 6 avril, Vincent Kompany explique donc à ses fans qu’il voit l’intégration de Vandenhaute « non pas comme [celle d’]un agent, mais comme un supporter. Il ne peut prendre aucune décision et ne le veut pas. » En parallèle, Van Eetvelt et Marc Coucke rédigent une déclaration adressée à la Commission des Licences, dont le rapport du 8 avril dévoile le contenu: « La déclaration […] stipule qu’il n’existe aucune relation contractuelle entre le club et Mr Vandenhaute ; que Mr Vandenhaute ne fournit que des avis externes au club et uniquement à la demande spécifique du CEO ou du Président du club ; que les avis de Mr Vandenhaute ne concerneront pas la politique de transfert du club et que ces avis ne seront en aucun cas contraignants pour le club ; que le club ne lui accorde aucun pouvoir de management au sein du club ; que Mr Vandenhaute n’exerce, d’une manière ou d’une autre, aucune influence notable sur le club. »

Quelques mois avant de devenir conseiller externe des Mauves, Wouter Vandenhaute a repoussé les avances de Michel Preud’homme pour intégrer l’actionnariat du Standard.

La Commission des Licences se contente de cette déclaration pour offrir le sésame aux Mauves. Officiellement, Vandenhaute n’est pas un employé du club, puisqu’il est un conseiller externe et que ses avis sont rémunérés par Alychlo, la société de Marc Coucke. Une manoeuvre indispensable pour contourner les menaces de sanctions.

L’AMOUREUX DES MAUVES

Qu’est-ce qu’une influence notable? L’énigme peut se résoudre de plusieurs manières. En fouillant dans le passé de Wouter Vandenhaute, d’abord, amoureux transi des Mauves mais pas au point de faire une croix sur les juteux revenus garantis par Let’s Play. En 2009, déjà, l’homme avait été approché par Roger Vanden Stock pour intégrer le conseil d’administration du RSCA, devenu société anonyme. Huit ans plus tard, il avait longtemps tenu la corde pour succéder à RVDS à la tête du club, avant d’être finalement doublé à la surprise générale par Coucke.

À l’époque, c’est son ami de longue date Christophe Henrotay (avec qui il est brouillé depuis plus de deux ans) qui l’avait emmené sur la piste d’une reprise, l’agent imaginant une étrange association avec Paul Gheysens, alléché qu’il était par la perspective d’une belle commission à sept chiffres. Lui qui a toujours rêvé secrètement de prendre les rênes de son club de coeur, au point de rédiger en 2018 un rapport sur la manière dont il imagine le fonctionnement de « son » Anderlecht, aurait-il désormais accepté un rôle sans véritable pouvoir décisionnel?

L’agence Let’s Play était à l’origine de l’arrivée de Vercauteren à OHL.

Quelques mois plus tôt, il avait encore envisagé de reprendre le club néerlandais de Roda, et finalement repoussé les avances de Michel Preud’homme qui voulait le voir intégrer l’actionnariat d’un Standard en quête de liquidités.

Quand on se demande qui a amené l’autre, les versions divergent également. Au Nieuwsblad, Karel Van Eetvelt explique avoir contacté son compagnon de cyclotourisme Wouter Vandenhaute pour lui proposer ce rôle de conseiller, lui disant : « I need your competence ». Dans les colonnes de Sudpresse, par contre, on peut lire que c’est Vandenhaute qui a convaincu Van Eetvelt de rejoindre l’aventure, s’imaginant mal dans le costume de consultant sans avoir de bons rapports avec le CEO.

Les mouvements en coulisses ont été nombreux ces derniers mois à Neerpede.
Les mouvements en coulisses ont été nombreux ces derniers mois à Neerpede.© BELGA / Thierry Roge

LE CHEVAL DE TROIE

Dans le milieu, beaucoup voient Vandenhaute comme « un cheval de Troie, qui finira par placer ses hommes à Anderlecht ». S’il n’a rien à voir dans l’arrivée de Frankie Vercauteren chez les Mauves, puisque le Petit Prince du Parc avait été contacté directement par Michael Verschueren et avait gouverné les négociations en solo, c’est cependant Let’s Play qui avait amené Vercauteren à OHL. La boîte de Vandenhaute a ses entrées dans le club détenu par les propriétaires de Leicester grâce à des relations nouées lors du prêt de Youri Tielemans chez les Foxes l’hiver dernier. Brouillés suite au court-circuitage de Let’s Play par Vercauteren, les deux hommes se sont réconciliés autour d’une bonne table italienne de la capitale lors de l’arrivée de Vandenhaute chez les Mauves.

Nouveau patron sportif du Sporting, Peter Verbeke est également arrivé à Bruxelles sur les conseils de Vandenhaute. Les deux hommes se sont longtemps tenus en haute estime mutuelle, Verbeke vantant déjà publiquement les mérites de Let’s Play quand il était employé par La Gantoise, les considérant comme une exception notable dans un monde des agents dont il déplore la majorité des pratiques.

Rayane Bounida, présenté comme le plus grand talent de Neerpede, a confié ses intérêts à la société de Wouter Vandenhaute.

Du côté de Neerpede, enfin, on dénombre seulement une petite dizaine de talents mauves dont le sort est lié à Let’s Play. Parmi eux, il y a Rayane Bounida, leader de la génération 2006 et déjà présenté comme le plus grand talent du vivier anderlechtois. Le joueur et la boîte ont uni informellement leur destin depuis l’été dernier, bien avant l’arrivée de Vandenhaute à Neerpede. Son grand frère est, par ailleurs, devenu scout freelance au service de l’agence.

DE MOUSCRON À ANDERLECHT

D’étroites relations avec le CEO et une consultation mutuelle au moment d’entrer en fonction, une collaboration passée avec le coach, un respect mutuel très marqué avec le nouveau chef de la cellule scouting et un partenariat avec le plus grand talent de Neerpede. Tout cela ne suffit pas pour être une « influence notable » aux yeux de la Commission des Licences, qui préfère toujours baser ses verdicts sur des documents que sur les bruits charriés par le milieu.

Il a, par exemple, fallu attendre un jugement de l’antenne tournaisienne du Tribunal de l’entreprise du Hainaut pour sanctionner Mouscron sur « l’existence d’activités de gestion du club réalisées par les agents de joueur », constat devenu depuis longtemps un secret de Polichinelle dans le milieu.

Toutes ces questions ont donc le don d’étonner Karel Van Eetvelt : « Nous avons annoncé notre coopération de manière ouverte et transparente. Tout le monde sait que dans le monde du foot, il existe des liens étroits entre les clubs et les agents, et plus encore entre la gestion des clubs et des agents. Seulement, tout se passe en coulisses […] C’est hypocrite et ça affecte la crédibilité de notre sport. »

L’explication n’est pas dénuée d’intérêt, mais tout le monde ne partage pas cet avis. À commencer par la Commission des Licences.

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