© belga

Le sans neuf du Standard

Face à Anderlecht, vendredi dernier, le duo Preud’homme-Ferrera a fait le choix de n’aligner aucun attaquant de pointe spécifique. Une première en play-offs, qui pourrait en appeler d’autres. Explications.

C’était il a un peu plus de dix ans, le 26 septembre 2008. Anderlecht, version Ariel Jacobs, avait affiché toute son impuissance offensive en n’alignant aucun numéro neuf de formation lors de son déplacement à Sclessin. Une tactique considérée comme frileuse mais proche d’être payante puisque le but de la délivrance de Milan Jovanovic avant un stage diving d’anthologie au coeur de ses supporters, n’avait été inscrit que dans les arrêts de jeu (2-1).

Vendredi dernier, à la grande surprise de beaucoup, ce sont les visités qui n’ont aligné aucun attaquant spécifique. Pas de Renaud Emond ou encore moins d’Orlando Sá (à nouveau blessé) au coup d’envoi mais bien une tactique axée sur la vitesse d’un trio explosif et déroutant formé par Moussa Djenepo, Mehdi Carcela et Alen Halilovic, soutenu par Paul-José Mpoku à la pointe du triangle du milieu de terrain.

Quatre éléments offensifs dont les déplacements et les dribbles allaient rapidement faire sauter le verrou mauve fragilisé par la lenteur de ses défenseurs et le duo Lawrence (envoyé au casse-pipe sur le côté gauche)-Kara.

Un schéma travaillé depuis des mois

Après la débâcle de Bruges cinq jours plus tôt, le Standard de Michel Preud’homme se devait d’apporter une réponse à ses détracteurs. Et ça n’a pas loupé. Au vu de la première demi-heure, on est même en droit de se demander quelle aurait été la violence de la claque infligée aux Mauves si la rencontre avait été au bout des 90 minutes.

Face à Bruges, hormis dix premières minutes plutôt sereines, le Standard n’a jamais su sortir de la pression mise par les champions en titre, obligeant les flancs, Djenepo et Carcela, à joueur très bas, laissant Emond (souvent) peu en réussite, seul sur son île.

Un remake de ce que les Rouches avaient proposé à Gand, à la différence notoire que les visiteurs avaient pu compter sur la maladresse de leur hôte et sur pas mal de réussite. Durant les quelques jours qui ont séparé la défaite à Bruges et le succès face à Anderlecht, le Standard n’a pas pour autant bouleversé ses entraînements.

Deux équipes ont été préparées. L’une avec un attaquant de pointe spécifique, l’autre sans, comme illustré vendredi. Deux schémas que le duo Preud’homme-Ferrera travaille depuis longtemps. Et pourtant, rares sont les fois, où le staff technique choisit l’option sans neuf véritable, à l’exception d’un déplacement à Genk et à Bruges, avec l’infortuné Djenepo dans le rôle de l’avant-centre, ou alors avec un Carcela plus axial qui lui autorise plus de liberté, et Emond décalé sur la droite.

Game changer : Halilovic

Mais à l’inverse d’il y a un mois, le duo MPH-Ferrera peut aujourd’hui compter sur un Alen Halilovic en pleine forme. Sa montée au jeu face à Gand a mis en lumière ses grandes qualités techniques et a permis à l’équipe de garder davantage le cuir et de faire remonter un bloc, incapable de sortit du pressing gantois en première période. Un vrai game changer qui monte en puissance du côté de Sclessin.

Vendredi, c’était au tour des Bruxellois d’être noyés par le pressing visité. Halilovic, c’est l’archétype d’un  » ailier  » à la sauce Ferrera. Un joueur bercé par la technique des Balkans et à l’écolage catalan, capable de jouer court, dans les petits espaces, et qui aime piquer vers l’axe, ce qui doit permettre de libérer de l’espace pour les latéraux.

Avec ce système sans numéro neuf, le rôle d’un Paul-José Mpoku est également essentiel. Si son manque d’explosivité ne lui permet plus de faire la différence sur son flanc, repositionné dans l’axe, à la pointe du triangle, sa force dans les duels et sa capacité à garder la balle, permettent à l’équipe de jouer plus haut.

Reste à voir si Polo est capable de reproduire ce type de copie à l’extérieur où il a pris la mauvaise habitude de sombrer, à l’image de nombreux de ses coéquipiers.

Emond, le coup de mou ?

Renaud Emond sera-t-il la victime expiatoire d’un système qui a payé vendredi dernier, symbolisé par la grande forme d’Halilovic ? Peut-être, d’autant que l’attaquant a un énorme besoin de souffler après avoir été de tous les combats ou presque en saison régulière (où il n’a loupé que deux matches). Lors de trois premiers rencontres en play-offs, Emond a d’ailleurs à chaque fois été remplacé dans le dernière demi-heure.

Début février, l’attaquant gaumais a prolongé son contrat au Standard jusqu’en 2021 après d’âpres négociations qui ont duré de longs mois. Une marque de confiance ou plutôt une forme de reconnaissance pour services rendus durant une année 2018 exceptionnelle où Emond a marqué 24 fois, lui qui a pourtant longtemps été mis de côté par Ricardo Sa Pinto avant d’exploser l’an dernier lors de la deuxième partie de saison.

 » Durant le stage, je n’avais même pas ma place dans l’équipe B ! Sa Pinto me faisait régulièrement courir à l’écart du groupe, je faisais des tours de terrain « , rappelait-il dans nos colonnes.

La saison dernière, c’est en grande partie le trio Edmilson-Emond-Carcela qui a permis de masquer de nombreuses lacunes plus structurelles grâce à une efficacité particulièrement redoutable sur la fin de saison mettant au fond des filets 41 % de leurs tirs cadrés.

Cette saison, Renaud Emond, avec douze buts au compteur, continue à faire ce qu’il sait faire de mieux. Mais l’homme tire de plus en plus la langue dans un schéma qui l’oblige à multiplier les courses. Avec près de 12 km par match, il est d’ailleurs en tête de ceux qui courent le plus par rencontre, laissant Cimirot et Marin derrière lui.

Le fiasco Sá

Une nouvelle preuve de son implication et de sa bonne mentalité mais cette accumulation d’efforts grossit aussi ses lacunes techniques dans le jeu dos au but et en déviation. Autre problème de taille : Renaud Emond n’est jamais aussi fort devant le but que quand il peut reprendre le ballon en un temps et venir couper la trajectoire. Mais dans le système MPH-Ferrera, le jeu passe plus souvent par l’axe que par les ailes (les latéraux peinent encore à apporter offensivement), ce qui impose un jeu en déviation.

Au Standard, Renaud Emond est considéré par ses supérieurs comme un bon deuxième attaquant mais la méforme chronique d’Orlanda Sá et les blessures d’Obbi Oulare l’ont imposé par défaut comme un titulaire quasi inamovible. Le retour aux affaires de l’attaquant portugais était un joli coup financier (puisque la balance entre son départ en mars 2018 et son retour quatre mois plus tard a rapporté beaucoup d’argent en caisse) mais il se transforme en fiasco sportif.

Depuis son retour de Chine, Sá n’est plus que l’ombre de lui-même. Même ses équipiers sont frappés de le voir autant traîner la patte à l’entraînement, où son manque de confiance et son absence d’explosivité font peine à voir. Son avenir n’est plus à Sclessin, reste à trouver le club qui sera prêt à lui proposer une porte de sortie.

À son retour de blessure, Obbi Oulare avait lui marqué bien plus positivement les esprits à l’entraînement. Son but inscrit lors de sa seule titularisation à Saint-Trond n’avait fait que confirmer un retour en forme qui a finalement été reporté à la saison prochaine, suite à la fracture du tibia encoure sur la pelouse de Akhisar.

Qui comme leader d’attaque ?

L’an prochain, l’ex-international espoir devrait postuler à la place de numéro un à un poste où la concurrence devrait être renforcée. Après l’échec de Zinho Gano qui avait opté (ou son agent) pour Genk en dernière minute, Michel Preud’homme avait fait d’Oulare sa priorité car un big man en pointe est quasiment indispensable à la bonne évolution de son système.

Voilà pourquoi le Standard s’est tourné en janvier vers Felipe Avenatti, le buteur uruguayen de Courtrai, impressionnant pour ses qualités de pivot, à la fois dans les airs et au sol, qui était déjà suivi depuis l’été. La vente de Christian Luyindama allait cependant faire monter les enchères du club vendeur et finir par faire capoter le transfert.

L’arrivée sur le gong d’Halilovic pouvait étonner puisque le technicien croate ne remplissait pas les mêmes critères, mais elle pourrait s’avérer déterminante au coeur du sprint final. Si le Standard ambitionne un titre de champion endéans les deux ans à venir, ses dirigeants savent que cela passe par une ligne d’attaque plus armée.

Au Standard, Renaud Emond est considéré par ses supérieurs comme un bon deuxième attaquant, c'est tout.
Au Standard, Renaud Emond est considéré par ses supérieurs comme un bon deuxième attaquant, c’est tout.© belgaimage

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire