Le règne de Bruno Venanzi au Standard résumé en cinq moments marquants
Avec 777 Partners, le Standard a changé de propriétaire et l’ère de Bruno Venanzi va s’achever. Retour sur cinq moments forts du règne de l’entrepreneur liégeois sur Sclessin.
Le 24 juin 2015, Roland Duchâtelet, l’excentrique président du Standard, annonçait lors d’une conférence de presse qu’il allait vendre Standard. Propriétaire de six clubs à travers l’Europe, il renonçait à celui qui devait être sa tête de gondole. Les dernières années de sa présidence ont été marquées par la contestation. Des manifestations dans les rues de Liège à celles, des échauffourées dans le stade et dans le bureau de Duchatelet, tout indiquait que la relation entre le président et les supporters s’était dégradée.
Assis à côté de lui, son ancien vice-président est prêt à prendre la relève. Bruno Venanzi, fondateur de la société énergétique Lampiris et enfant de la ville de Liège, allait reprendre 99,7% des actions du club mosan. Lors de la conférence de presse, l’homme est est rayonnant. Il déborde d’ambition et parle de créer une nouvelle génération qui pourra ramener le titre de champion à Liège. Mais ses ambitions ne s’arrêtent pas là. Venanzi, abonné de longue date et lui-même fan du Standard, veut accroître la voix des supporters dans le club de leur coeur. Non seulement grâce à une « charte du supporter », mais aussi, sur le long terme, en permettant aux fans d’acheter des actions du Standard. « Certains clubs ont des spectateurs, nous avons des supporters », déclarait avec fierté le nouveau président. Les supporters font malgré tout preuve d’un optimisme prudent. La coopérative Socios Standard se dit enthousiaste à l’idée d’une plus grande participation dans les parts du club.
Sept ans plus tard, le Standard occupe une triste 13ème place en championnat. A trois journées de la phase classique, le risque d’une relégation n’est pas écarté mathématiquement. Sportivement, on ne voit aucune amélioration à l’horizon. Le coach Luka Elsner semble mécontent et désespéré de la situation. La semaine dernière, la vente du club à la société d’investissement américaine 777 Partners a été annoncée. L’accord ne mentionne pas de participation des fans et les paroles du début de règne de Venanzi semblent être un très lointain souvenir. Retour sur une période désastreuse en 5 moments.
1. Une première Coupe de Belgique après une saison chahutée
Un mois seulement après la vente, il apparaît qu’il y avait un hic dans celle-ci. Duchâtelet avait soutiré 10 millions d’actifs supplémentaires au club juste avant de le vendre. En combinaison des 21 millions qu’il avait déjà versés en 2013, la somme totale s’élève donc à 31 millions. Venanzi commence donc son règne avec un trou supplémentaire dans les caisses. Tout au long de la saison, les tensions en interne entre le nouveau et l’ancien propriétaire des Rouches grandissent. Venanzi accuse Duchâtelet d’avoir fait du Standard une « vache à lait ». Et pour couronner le tout, la situation sportive n’est pas plus brillante. Le début de saison est catastrophique et le point d’orgue est atteint sur la pelouse du Jan Breydel stadion où les Liégois essuient une déculottée historique sur le score de 7-1. Il est apparaît évident que la première saison de Bruno Venanzi à la tête de sa nouvelle acquisition ne sera pas de tout repos. Le malaise grandit et l’optimisme prudent des débuts disparaît totalement en octobre quand le Standard se retrouve même brièvement à la dernière place du classement.
Mais le vent a fini par tourner en bord de Meuse avec la nomination de Yannick Ferrera dans le rôle d’entraîneur. Son arrivée, couplée à celle de quelques bonnes recrues hivernales parmi lesquelles le vainqueur de la Ligue des Champions Víctor Valdés, permet aux Principautaires de réaliser une seconde partie de saison plutôt honorable. Cerise sur le gâteau, les Rouches atteignent la finale de la Coupe de Belgique où ils retrouvent le FC Bruges qui l’avait martyrisé quelques mois plus tôt. Les Blauw en Zwart sont en plus entraînés par une légende rouche, Michel Preud’homme, qui deviendra champion plus tard dans la saison. Le Standard remporte cependant cette finale grâce à un but tardif d’Ivan Santini, l’une des premières recrues de l’ère Venanzi. Après un début de mandat dramatique, le président liégeois peut reprendre son souffle. Il vient de gagner son premier titre, l’avenir est peut-être plus prometteur qu’il n’y paraît…
Mais lors de la deuxième saison du règne de Venanzi, le Standard ne parvient à nouveau pas à se qualifier pour les Play-offs 1. Il subit en plus un affront en Coupe en étant sorti par Geel, modeste pensionnaire de troisième division. La pression est de nouveau très fortement présente sur les épaules de Bruno Venanzi qui limoge Yannick Ferrera malgré le gain d’une Coupe de Belgique quelques mois auparavant et le remplace par le Serbe Aleksandar Jankovic, qui n’obtiendra pas plus de résultats positifs. Le Standard joue sans passion avec des peu concernés. Les promesses de la fin de saison dernière se sont déjà envolées.
2. Le licenciement controversé de Ricardo Sa Pinto
Mais Bruno Venanzi décide de réagir à l’été 2017 en recrutant l’ancienne star portugaise Ricardo Sá Pinto qui était passé par Sclessin lorsqu’il était joueur. L’entraîneur est réputé pour sa passion et son enthousiasme, ainsi que pour sa capacité à faire travailler les joueurs. Il incarne les valeurs du club liégeois et semble être l’homme idéal pour redonner à Sclessin les allures d’enfer qui ont forgé sa légende. Pourtant, il existe déjà quelques doutes sur son recrutement. Sá Pinto enchaîne les clubs depuis qu’il est passé sur le banc et ses contrats ne vont que rarement au-delà d’une saison. Pourra-t-il s’inscire dans la durée en bord de Meuse ?
Le Portugais devient rapidement une attraction du championnat belge. Au début de la saison, les performances du Standard sont à nouveau médiocres, mais Sá Pinto se distingue par son comportement parfois clownesque sur la touche. On se souvient de sa démonstration de joie et de sa montée sur le terrain lorsque Paul-José Mpoku a marqué le but de la victoire contre Lokeren à la dernière minute. Un mois plus tard, il vole la vedette lors du Clasico contre Anderlecht qui se déroule dans le cadre de la Coupe de Belgique. Lorsque qu’un spectateur en tribunes lui jette un gobelet en plastique dans sa direction, il pousse un cri de douleur avant de s’effondrer sur la ligne de touche. Cette interruption porte ses fruits puisque les Anderlechtois ne parviendront jamais à rentrer dans leur match et que les Rouches finissent par se qualifier sur le score de 0-1. Tant à l’extérieur qu’au sein du club, Ricardo Sá Pinto se forge une réputation d’enfant terrible. Elle finira pas lui coûter très cher.
Lors de la seconde moitié de la saison, le Standard réussit une véritable remontada. En janvier, le club a fait revenir à Sclessin le chouchou du public, Mehdi Carcela. Il devient rapidement une superstar de notre compétition et mène les Rouches à une finale de Coupe tout en leur offrant aussi un billet qualificatif pour les Play-off 1. Le Standard remporte la finale contre le Genk de Philippe Clément et brille en Play-offs où il est inarrêtable avec un bilan de 21 sur 30. Les Rouches terminent la saison à la deuxième place. Pour la première fois depuis des années, le Standard est de retour dans le haut du classement et retrouve une place à la hauteur de ses ambitions et de son prestigieux passé.
Mais le conte de fées de Sá Pinto ne durera pas. Malgré ses résultats, le Portugais paie ses relations conflictuels avec sa direction et le milieu des entraîneurs belges. Hein Vanhaezebrouck et László Bölöni, d’autres spécialistes du trash talking, l’ont critiqué lors de conférences de presse. Pour beaucoup, Sá Pinto est une mauvaise publicité pour le football. Venanzi ne veut plus travailler avec ce technicien trop clivant et prévoit un plan pour sa succession. La légende du Standard, Michel Preud’homme, revient comme entraîneur et directeur sportif. Malgré ses bons résultats sur le plan sportif, le Standard change à nouveau de cap. La stabilité espérée ne se matérialise pas encore.
Le mercato estival 2019
La première saison sous Preud’homme est encore encourageante. Les Rouches ont été éliminés de justesse dans un groupe difficile d’Europa League et ont terminé troisième en championnat derrière Genk et le Club de Bruges. Beaucoup d’argent est entré dans les caisses grâce aux transferts sortants de joueurs clés comme Marin, Djenepo et Luyindama. L’été suivant, MPH reçoit toute la latitude qu’il souhaite pour réinvestir cet argent dans un noyau de joueurs adaptés à son projet de jeu. L’entraîneur principal semble avoir tout préparé pour permettre au Standard de renouer avec le titre dix ans après le dernier, mais les choses se passeront pas comme souhaitées.
Les neuf ( !) transferts réalisés par le Standard a réalisés cet été-là sont presque tous des flops. Denis Dragus et Selim Amallah sont les seuls toujours au club à l’heure actuelle mais on ne peut pas pour autant les qualifier de réussites à cause de leurs performances en dents de scie. Toutes ces recrues n’ont surtout pas rapporté grand chose à la revente à l’exception de Mergim Vojvoda parti au Torino en laissant un bénéfice dans les causses liégeoises. Les Limbombe, Avenatti, Boljevic et Oulare sont pour le part des flops sportifs et financiers.
Le Standard n’a donc pas été en mesure de rivaliser pour le titre lors d’une saison marquée par l’interruption du virus corona. Ils n’étaient que cinquièmes lorsque la compétition a été arrêtée. Les caisses ont en plus été vidées pour des transferts ratées alors que le club manque d’argent et que la charge salariale est plus importante que ce que le club peut supporter. Les médias relatent cette situation financière préoccupante. D’anciens joueurs comme Axel Witsel et Marouane Fellaini investissent dans l’immobilière du club afin qu’il puisse obtenir sa licence. Les nuages noirs s’amoncelent au-dessus de Sclessin. Lors de l’été 2021, Preud’homme prendra sa retraite en tant que T1 pour se concentrer davantage sur son rôle de manager. Son deuxième passage comme T1 au sein du club de son coeur n’aura pas été aussi fructueux que le précédent.
4. La crise du coronavirus
A partir de ce moment commence la véritable crise. Le coronavirus frappe durement le Standard. Plusieurs joueurs doivent renoncer à une partie de leur salaire pour éviter la faillite du club. Venanzi lui-même ne semble pas disposer du capital nécessaire pour permettre au Standard de s’en sortir. Les rumeurs concernant le rachat du matricule 16 et les noms d’investisseurs commencent à circuler en nombre dans les travées de Sclessin. On évoque l’arrivée de l’homme d’affaires François Fornieri comme nouvel investisseur mais le deal ne se réalisera jamais. Les supporters sont aussi affectés par cette situation préoccupante. Les banderoles critiquant la politique du club sont de plus en plus nombreuses à Sclessin, surtout après l’annonce du départ de Michel Preud’homme de son poste de manager en 2021. Bruno Venanzi n’est plus le successeur espéré de Duchâtelet qu’il était lors de son arrivé.
Sur le plan sportif, la situation n’est guère meilleure. La campagne d’Europa League se termine une fois de plus dès la phase de groupe. Après un léger redressement ces dernières années, les rouge et blanc peinent à retrouver leur place au sommet du football belge. Après un début de saison raisonnable, Philippe Montanier enchaîne les contre-performances et prend la porte au mois de janvier. Son successeur Mbaye Leye apporte une brève éclaircie, mais le Standard loupera encore les Play-offs des champions. Il aurait pu s’offrir une troisième Coupe de Belgique sous l’ère Venanzi mais s’inclinera cette fois en finale contre Genk. Cette saison, le Standard touche le fond. Le club mosan n’a jamais trouvé ses marques et même des talents prometteurs comme Nicolas Raskin ne représentent plus qu’un minuscule rayon d’espoir dans un tunnel de plus en plus noir. Les transferts réalisés atteignent rarement le niveau espéré. De plus, l’on apprend que le Standard subira une nouvelle perte de 21 millions d’euros lors de la saison 2020-21. Ses fonds propres négatifs seront de 11,5 millions d’euros. La position de Venanzi devient intenable.
5. De tristes adieux
Conséquence de cette situation, Venanzi lui-même se met en quête d’un nouvel acquéreur, sentant que le vent ne risque plus de tourner favorablement . Au cours des derniers mois, le président a été en contact avec des sociétés d’investissement américaines et russes. Venanzi aurait souhaité conserver une partie des actions et un rôle de gestionnaire dans le club. Cela aurait été possible s’il avait choisi d’aller au bout des négociations avec la société russe Total Sports Investments LLP. Mais la situation géo-politique avec l’invasion russe en Ukraine a forcément rendu un accord impossible.
Pendant longtemps, l’américano-canadien JKC Capital semblait être le favori pour reprendre Standard. Mais après une semaine de négociations, c’est finalement l’option 777 Partners qui a été choisie. Ils possèdent également des parts dans Genoa (entraîné par Alexander Blessin qui aurait pu être à la place d’Elsner s’il l’avait souhaité), le FC Sevilla et dans Vasco Da Gama. Bruno Venanzi va donc assister à ses derniers matchs du Standard depuis la tribune présidentielle ces prochaines semaines. Le club qu’il supporte depuis son enfance et qu’il espérait mener vers de nouveaux moments de gloire. Il n’a pas réussi sa mission malgré deux victoires en Coupe de Belgique et dimanche soir, les Rouches ont de nouveau sombré en s’inclinant à domicile dans le derby liégeois contre Seraing, pourtant seulement 17e au classement. Ce revers est surtout une première dans l’histoire du club. Une triste fin pour un volcan endormi que les nouveaux propriétaires auront pour tâche de réveiller.
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