Le dessert tactique de la 3e journée de championnat : Donnum ambivalent, Bruges déséquilibrant, Charleroi lent
Retour en cinq bouchées sur les tendances du jeu de la troisième journée de Pro League. Au menu notamment, un Charleroi trop prévisible, un Aron Donnum la tête dans le guidon et un équilibre précaire en Venise du Nord.
L’étonnante lenteur de Charleroi
Servis par un calendrier favorable et un noyau peu chamboulé, les Zèbres devaient profiter du début de saison pour prendre un peu d’avance dans la course aux places d’honneur. Battus à domicile par un Ostende réaliste et dynamique, les Carolos doivent pourtant déchanter. La faute, notamment, à un football bien moins fluide que lors des premiers mois de la saison écoulée. Dans le jeu, la progression promise par Edward Still peine à s’affirmer sous les yeux d’un public clairsemé.
Face à des Côtiers toniques, les hommes du Brabançon ont souvent donné l’impression d’avoir les jambes alourdies et l’esprit embrumé. Ils ont touché l’une des limites du jeu de position voulu par leur coach : devenir trop prévisible. Sans l’effet de surprise pour désarçonner l’organisation ostendaise, Charleroi est condamné à prendre ses opposants de vitesse. Difficile avec une possession dans laquelle les milieux de terrain ont souvent fait une touche de balle de trop. Impossible quand, à l’exception de Ken Nkuba voire Anass Zaroury, les éléments offensifs semblent incapables de faire une différence individuelle. Au coeur du jeu, le détonateur Ali Gholizadeh paraît manquer de fraîcheur et de spontanéité, avec des remises qui manquent de justesse et des accélérations sevrées de force. Le résultat, c’est que les Carolos franchissent trop péniblement le deuxième tiers du terrain pour se mettre dans de bonnes conditions à l’entrée des trente derniers mètres, et que personne ne semble capable de corriger ce tir collectif trop laborieux par un exploit individuel d’envergure.
En trois sorties, les Zèbres affichent une moyenne de 1,29 xG par match, insuffisante pour peser considérablement sur le marquoir sans un buteur capable de transformer l’anecdotique en or.
Donnum, frustrant mais précieux
Avec un front qui semble aimanté par le sol une fois qu’il a le ballon dans les pieds, Aron Donnum a l’allure d’un apprenti conducteur. Ceux qui, une fois au volant, regardent leurs mains plutôt que la route. Aux abords de la zone de vérité, même s’il a fini par obtenir un penalty, le Norvégien et son nez dans le guidon ont compréhensiblement agacé les tribunes de Sclessin. Tout choix potentiellement décisif semblait, presque systématiquement, être le mauvais. Pourtant, en compagnie de Denis Dragus et Selim Amallah, ses qualités techniques ont été une part précieuse du plan de Ronny Deila.
Le plan du Cercle de Dominik Thalhammer, disciple de la nouvelle école allemande, est une histoire de réaction. Quand toute l’Europe s’est mise à vouloir imiter les relances basses et le jeu court de Pep Guardiola, les portes du pressing se sont ouvertes, profitant notamment des habiletés techniques parfois bien moindres des imitateurs. Adversaire historique du coach catalan, José Mourinho se vante encore de sa victoire face à l’Ajax en finale de l’Europa League, à base de longs ballons envoyés vers Marouane Fellaini, avec cette bravade : « Si le ballon n’est pas là, qu’est-ce qu’ils vont presser ? »
Le plan de Deila était un peu celui-là. Sans verser excessivement dans le jeu long, mais en faisant confiance aux pieds de ses trois milieux offensifs pour recevoir la balle puis absorber, voire anéantir le pressing adverse. Souvent enfermés dans des prises à deux par la pression en zone du Cercle, les dribbleurs rouches ont fait respirer leur équipe dans sa partie de terrain, réussissant onze dribbles et obtenant neuf fautes à eux trois.
Les dépassements de fonction de Louis Patris
Sur la droite d’une défense à trois qui permet à OHL de réussir son début de saison, Marc Brys fait confiance à Louis Patris. En 270 minutes, le jeune Patris le lui rend bien, avec déjà un but et trois passes décisives au compteur. De quoi faire de lui le joueur le plus décisif de l’élite après trois sorties, en compagnie de Mike Trésor et Cyriel Dessers. Tout ça en étant le membre d’un trio défensif où les dépassements de fonction sont visiblement encouragés.
C’est l’un des atouts des défenses à trois jouées avec audace. Quand l’un des défenseurs apporte le surnombre par une course verticale, rares sont les adversaires qui sont prêts à le défendre. Clinton Mata à Bruges, Stefan Knezevic à Charleroi ou encore Koji Machida à l’Union sont des exemples récents d’une tendance popularisée à l’international par l’Atalanta de Gian Piero Gasperini ou l’éphémère Sheffield United version Premier League de Chris Wilder. Face à l’Antwerp, Louis Patris a rejoué sa partition favorite, dédoublant un Musa Al-Tamari souvent à l’intérieur du jeu pour offrir de précieux centres à ses couleurs. Décisif à deux reprises aux abords de la surface adverse, le Namurois a été bien plus en difficulté à proximité de ses filets, spectateur privilégié de la deuxième mi-temps canon de Michel-Ange Balikwisha.
Les problèmes d’équilibre de Carl Hoefkens
Si le mauvais départ de Bruges n’est pas une nouveauté, après des sorties de starting-blocks déjà poussives ces dernières saisons, le déséquilibre du onze de Carl Hoefkens continue à sauter aux yeux, journée après journée. Face à Zulte Waregem, il a une nouvelle fois fallu un grand Simon Mignolet pour pallier les carences d’un milieu de terrain trop facilement mis sous pression et d’une défense démesurément exposée. Les quatre briques les plus basses du bloc brugeois sont condamnées aux miracles, et seul Big Si semble actuellement capable de les effectuer. Avec 2,44 prevented goals en trois sorties, le deuxième gardien des Diables est actuellement le portier ayant « arrêté » le plus de buts potentiels depuis le coup d’envoi du nouvel exercice.
Même Clinton Mata, meilleur correcteur défensif du championnat, semble parfois noyé dans les transitions adverses, mal protégé par un flanc droit que le gaucher Andreas Skov Olsen a le droit permanent de déserter. Plus ouverts que jamais, les matches du Club offrent des opportunités offensives conséquentes grâce à l’accumulation de talents individuels aux avant-postes, mais le manque de structure des schémas offensifs dédouble l’impression de solitude défensive à la perte de balle. L’équilibre passera sans doute par le mercato, mais devra aussi venir des méninges du banc de touche.
Le système idéal de Francis Amuzu
Parfois, un changement de système peut changer un homme. Longtemps cantonné au rôle de supersub sous les ordres de Vincent Kompany, avant de se faire une place dans le onze lors des derniers play-offs, Francis Amuzu est devenu une valeur sûre du plan installé par Felice Mazzù. Dans le couloir d’un 3-5-2, le virevoltant mais parfois brouillon droitier est devenu plus régulièrement menaçant en multipliant les phases de jeu qui le trouvent lancé et face au jeu.
Pas toujours adroit quand il reçoit dos au but adverse et sous pression, meilleur pour les longues courses que pour les départs à l’arrêt qui étaient la spécialité de son acolyte Jérémy Doku, Amuzu profite de la présence de deux attaquants et d’un milieu de terrain offensif devant lui pour être servi avec les yeux rivés vers les filets. Et puisque depuis la gauche, son mouvement naturel le rapproche du but, l’ailier peut multiplier sa menace potentielle au marquoir. Face à un Seraing faible et naïf, il a pu s’en donner à coeur joie. À voir si le festin peut se poursuivre quand le menu sera moins digeste.
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