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Le Cercle dit merci à Monaco !

Il y aura à nouveau un derby brugeois en Jupiler Pro League. Trois ans après sa relégation, le Cercle est remonté. Avec le soutien financier de l’AS Monaco et sous la direction sportive de Franky Vercauteren, mais non sans quelques difficultés.

La finale pour la montée en D1A, au stade Jan Breydel, a connu son dénouement à la 90e, sur un penalty contestable mais validé par le VAR. Jusque là, le Beerschot était promu, grâce au but inscrit à la 84e. Le Cercle menait 2-0 grâce à une formidable première mi-temps qui avait gommé le 1-0 du match aller. La victoire 3-1 du Cercle Bruges était sa quatrième en six matches contre le Beerschot, le vainqueur de la première tranche. Le Cercle est aussi l’équipe qui a gagné le plus de points au classement et marqué le plus de buts. Pourtant, en début de saison, la seconde formation brugeoise allait nettement moins bien.

N’oublions pas que la saison passée, le Cercle a lutté jusqu’à l’avant-dernière journée pour éviter sa relégation en amateurs. L’AS Monaco avait déjà dû intervenir financièrement pour maintenir l’association en vie. Le club français a repris le Cercle en mai et investi dans un noyau quasi complet, pour la montée. L’été dernier, l’entraîneur, José Riga, nous avait confié que la structure était plus professionnelle que celle qu’il avait connue au Standard. Vincent Euvrard, l’adjoint de son successeur, Franky Vercauteren, le confirme.  » On a créé des conditions fantastiques pour les joueurs. Vous devriez voir tout ce qui est mis à leur disposition pour préparer de manière optimale les séances et les matches… Je pense que vous ne trouverez pas ça dans un club de D1A, sauf peut-être dans les tout grands. C’est ce que j’apprécie tant dans ce projet. L’AS Monaco et le manager sportif François Vitali nous fournissent des joueurs mais créent aussi une véritable structure. Bains de glace, repas, cuisinier, conseils nutritifs, soutien psychologique, cours de langue pour les étrangers, trois kinésithérapeutes, un médecin présent chaque jour… Tous les ingrédients nécessaires sont réunis.  » Le Cercle allait au vert le soir précédant chaque match.

Les Monégasques ont cru qu’ils feraient rapidement la différence mais ça n’a pas été le cas. Ils ont même dû se battre pour être repris sur la feuille de match.  » – Vincent Euvrard

Teambuilding

Cette saison, le Cercle n’a pas redouté la relégation ni la faillite, il a eu peur de ne pas monter. Car c’était l’objectif suprême ! À la mi-octobre, après onze journées, il a changé d’entraîneur. Franky Vercauteren a relevé le mental de l’équipe et amélioré l’organisation mais n’a soudé le groupe qu’après la trêve hivernale.

 » C’est un processus complexe « , explique Euvrard.  » Nous sommes arrivés en pleine compétition et nous nous sommes d’abord attelés à l’aspect footballistique : quelles qualités étaient présentes, quels étaient les points faibles, que nous fallait-il pour exploiter collectivement les talents individuels ? Nous n’avons pu aller plus en profondeur que pendant le stage de janvier. Il a été déterminant dans le processus de teambuilding. Nous avons passé un long moment ensemble, nous avons eu le temps de participer à des activités de teambuilding avec le psychologue du sport Johan Desmadryl et nous en avons clairement vu les effets sur le terrain. Contre OHL, nous avons été réduits à dix en début de seconde mi-temps, à 0-0, mais nous avons gagné 1-0. Ce sont des moments comme celui-là qui font progresser car les joueurs comprennent qu’ils peuvent compter les uns sur les autres.  »

Le capitaine Benjamin Lambot opine.  » Le nouveau coach a fait penser tout le monde dans le même sens mais nous ne sommes devenus une vraie équipe qu’après la trêve. Avant, on parlait en termes d’individus, de qualités individuelles mais pas d’équipe. Depuis le stage, nous formons un bloc. On a participé à des activités parfois très éprouvantes, qui nous obligeaient à collaborer, y compris avec des joueurs qu’on fréquentait moins. On a réalisé qu’on pouvait compter sur chacun et qu’on pouvait aller loin si on unissait nos forces. Il y a eu un déclic. Les résultats ont suivi. Le groupe a été réduit de six ou sept unités, ce qui s’est senti dans le vestiaire : on a plus parlé et ri tous ensemble. Ça a eu une répercussion sur le terrain.  »

Enfants gâtés de Monaco

Irvin Cardona après son but décisif pour le titre.
Irvin Cardona après son but décisif pour le titre.© BELGAIMAGE

Cette unité a été décisive pour ce qu’on appelait un  » ramassis  » : le noyau était extrêmement hétérogène, formé de joueurs d’âges, de cultures, d’origines, de langues différentes.  » Je ne peux pas le nier « , poursuit Euvrard.  » Par exemple, les Flamands sont toujours ponctuels alors que les Sud-américains attachent moins d’importance à l’heure. Franky a de l’expérience. Il s’y prend avec un mélange de rigueur et de liberté. Il n’a pas seulement imposé des règles, il a accordé aux individus et au groupe une certaine autonomie pour les faire respecter. Les joueurs adaptent plus facilement leur comportement quand ils prennent conscience de l’impact que ça peut avoir sur leur développement et leur carrière. Vercauteren parle énormément avec les joueurs, individuellement et en petits groupe. Il leur fait prendre conscience de leurs responsabilités. Par exemple, le jeune avant brésilien Crysan a été confronté à beaucoup de nouveautés durant sa première année en Europe. Il ne faut pas sous-estimer l’effort d’intégration qu’il a dû effectuer. Il a été un modèle de ponctualité mais il a souffert du mal du pays, etc. En plus, il est issu d’une culture footballistique qui accorde moins d’importance à la discipline tactique. Il est important d’insérer une certaine structure dans le jeu de jeunes comme lui. Ça lui a permis de progresser.  »

Il y a aussi eu les talents issus de l’académie de l’AS Monaco, initialement classés dans la catégorie des  » enfants gâtés « . Monaco a mis à la disposition du Cercle le gardien Paul Nardi (23 ans), ancien international français espoir, les attaquants Irvin Cardona (20 ans) et Guévin Tormin (20 ans) et l’arrière gauche Jordy Gaspar (20 ans). Des jeunes qui venaient d’un autre monde.

 » Des footballeurs très talentueux, qui touchaient déjà des salaires plantureux, plus une auto et un appartement et vivaient sous un climat fantastique, dans un environnement très vivant « , raconte Euvrard.  » Le monde était littéralement à leurs pieds. Puis ils ont débarqué ici, avec un préjugé courant en France : que le football belge est d’un niveau inférieur, certainement en division 2. Ils ont cru qu’ils feraient rapidement la différence et qu’ils pourraient vite retourner à l’AS Monaco mais ça n’a pas été le cas et ils ont même dû se battre pour être repris sur la feuille de match. Pour certains, ça a été un choc et un processus très pénible. Par moments, leur travail en a pâti. Quand on n’a jamais connu de contrecoups ni de déceptions, il n’est pas facile de les digérer et de continuer à se battre. Comme je le disais, Franky ne les traite pas comme des marionnettes dont il tire les fils. Il veut que les joueurs se prennent en mains. Ils l’ont fait ces derniers mois. Des éléments expérimentés comme Benjamin Lambot et Jérémy Taravel ont aidé ceux qui commettaient des fautes à rester sur le droit chemin. On a tenu des propos excessifs sur ces garçons, affirmant notamment qu’ils se produiraient un jour en Ligue des Champions. Je le leur souhaite mais ils devront le mériter. Je suis convaincu qu’ils sont prêts à travailler pour ce faire et qu’ils ont tout doucement pris conscience des étapes qu’ils devaient encore franchir.  »

 » À l’entraînement comme en match, ils ont rapidement compris que le niveau n’était pas aussi faible qu’ils le pensaient et qu’ils devraient travailler « , explique Lambot.  » J’ai apprécié leur réaction. Il ne faut pas oublier que quand on est issu de l’académie d’un club comme l’AS Monaco ou le PSG, on a grandi avec l’idée de fournir du spectacle et de disputer la Ligue des Champions. Mais il faut se remettre constamment en question, ne pas perdre de vue la force de la simplicité, respecter les règles du vestiaire, avoir un comportement impeccable, vivre pour son sport et travailler pour atteindre, peut-être, le niveau escompté, plus tard. Il faut également grandir et mûrir rapidement. Ce message du coach et des anciens a été assimilé petit à petit, comme l’importance de se placer au service du collectif pour pouvoir être performant et progresser.  »

La pression

La montée du Cercle est aussi le succès de François Vitali, le directeur sportif qui détermine la gestion de l’association depuis sa reprise par l’AS Monaco en juin dernier. Il a effectué énormément de transferts, engageant 25 joueurs.  » N’oubliez pas que la situation était très délicate en mai, quand l’AS Monaco est devenu l’actionnaire majoritaire « , précise le Français, qui a été directeur sportif de Mouscron au nom de Lille de 2011 à 2015.  » Beaucoup de joueurs avaient déjà décidé de partir, des bons footballeurs comme Pierre Bourdin et Ivan Yagan, notamment. Il fallait absolument les remplacer. Nous avions peu de temps pour former un noyau compétitif en doublant les positions. La D1B est très différente de l’ancienne division 2, qu’il s’agisse des budgets, du niveau ou de la compétitivité, sans même parler de la formule. C’est une compétition difficile, au rythme fou. On ne dispute que des affiches, avec huit équipes qui se rencontrent à quatre reprises en peu de temps, sans interruption pour l’équipe nationale. On ne peut quasiment pas perdre de match si on veut gagner les périodes et être promu directement. Il y a donc une pression constante. Je trouve que les jeunes joueurs, qui n’avaient jamais été confrontés à des conditions pareilles, ont très bien géré la situation. Disons que nous n’avons pas rencontré de pires difficultés et que nous nous y attendions. Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence de mentalité entre les éléments issus de l’académie monégasque et ceux des clubs belges. La génération actuelle réagit différemment à l’autorité. La vraie différence, c’est que ces garçons se sont retrouvés à mille kilomètres de chez eux et que ça leur a demandé un plus gros effort d’intégration qu’à un joueur prêté à Bruges par Louvain.  »

Samedi, le succès du projet a été complet, puisque deux jeunes joueurs fournis par l’AS Monaco ont fait la différence dans la finale retour. Le premier but, marqué par Xavier Mercier, a été initié par la passe de Cardona, joueur de l’académie. Crysan, découvert par le scouting monégasque au Brésil, a doublé la marque et Cardona a forcé puis converti le penalty décisif. Vive le Cercle, merci Monaco !

Par Christian Vandenabeele

Mission accomplie pour le président Frans Schotte et le coach Franky Vercauteren.
Mission accomplie pour le président Frans Schotte et le coach Franky Vercauteren.© BELGAIMAGE

L’identité du Cercle

Frans Schotte, le président du Cercle, insiste tant et plus sur le fait que l’AS Monaco respecte l’identité du Cercle. Filips Dhondt, l’ancien directeur général de celui-ci, en est le garant à l’AS Monaco.

Alors que le Cercle a toujours accordé leur chance à ses jeunes, aucun n’émarge à la sélection actuelle.  » Dans le football contemporain, il est difficile de lier l’identité à la présence des jeunes du cru dans le noyau « , commente le directeur sportif François Vitali.  » Pour moi, ce sont les valeurs qui déterminent l’identité, soit les aspects qu’on retrouve au quotidien dans cette belle ville : une atmosphère familiale, une population proche des joueurs et du personnel, la simplicité, un certain confort, de l’engagement et de l’ambition. L’AS Monaco accorde une certaine autonomie aux gens ici. Un respect mutuel nous unit. Ces dernières années, nous n’avons pas réussi à faire éclore des jeunes, faute de moyens. La relégation a fait partir des jeunes talents. Il faut du temps pour rectifier le tir, d’autant que les clubs sont proches les uns des autres et que Bruges n’a pas une agglomération comme Bruxelles.  »

Les supporters ne manquent pas, comme on l’a vu samedi. Mais l’engagement des Monégasques est-il durable ?  » C’est un projet à moyen-long terme « , précise Vitali. Sa longueur dépendra du rendement des investissements. Avant le match pour la montée, Vitali avait dit remarquer un retour d’investissement à l’académie.  » Nardi est ici depuis longtemps mais Cardona, Tormin et Gaspar, qui jouaient en Nationale 2 la saison passée, ont progressé au Cercle et l’ont aidé à gagner. Maintenant, il faut consolider le projet pour la saison prochaine en D1A.  »

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