La Real Sociedad et Adnan Januzaj peuvent-il rêver de Liga ?
Le club de San Sebastian occupe provisoirement le trône du championnat espagnol. Cinquièmes la saison dernière, les hommes d’Imanol Alguacil rêvent de ramener le titre à l’Anoeta pour la première fois depuis 40 ans. Un objectif réaliste ou trop ambitieux ?
Deux clubs basques dans le top 4 de la Liga, c’était le classement final de la saison 1981-82. Les deux ténors espagnols, le Real Madrid et le FC Barcelone, étaient même pris en tenaille entre les représentants de San Sebastian et Bilbao. L’Athletic Club avait terminé 4e, la Real Sociedad première. Cette dernière réalisait même le doublé alors qu’elle n’avait jamais eu droit aux honneurs nationaux jusque là à l’exception d’une Copa del Rey remportée en 1909 l’année de sa création. Le Pays Basque, connu aussi pour être une grande terre de cyclisme, domine le football ibère des années 80. Après la Erreala, c’est l’Athletic Bilbao qui s’offre un doublé en 83 et 84. Depuis lors, le titre de champion d’Espagne ne s’est plus trop éloigné de Madrid ou de Barcelone. Les clubs de la capitale, le Real et l’Atlético l’ont conquis à 17 reprises, le géant de Catalogne à 15 reprises. Seuls Valence, à deux reprises, et La Corogne, à une, se sont invités au palmarès de la compétition depuis 40 ans.
Mais la passion n’a jamais quitté les stades basques. San Mames, aussi bien dans son antre très british des années 80-90 que dans son nouveau temple plus Allianz Arena du Bayern des années 2000, a toujours été l’une des enceintes les plus bouillantes de la péninsule ibérique. L’Anoeta est plus réservée, surtout avec une piste d’athéltisme qui contribuait à rajouter de la fraîcheur à un stade déjà bercé par les vents du Golf de Gascogne. Depuis sa rénovation en 2020 et des tribunes proches de la pelouse, la Reale Arena, comme elle s’appelle désormais, devient à nouveau un petit chaudron. Et la Copa del Rey remportée dans une année pandémique a contribué à renforcer les espoirs des fans des Txuri-urdinesde rêver plus grand.
DAVID SILVA, LE GAGNEUR
La saison dernière, le club a réussi à faire venir un grand nom du football espagnol en la personne de David Silva. International espagnol à 125 reprises, né dans les îles Canaries, il s’est révélé en Liga du côté de Valence où il a gagné une Copa en 2008 avant de filer à l’anglaise pour étoffer son armoires à trophées du côté de Manchester City. En 436 matches sous la liquette des Skyblues, le gaucher, qui fut même capitaine après le départ de Vincent Kompany vers Anderlecht, a remporté 4 Premier League, 2 Cups et 5 League Cups. Vainqueur de deux Euros et d’un Mondial avec la Roja, Silva connaît le sens du mot « gagne » et espère inculquer ses recettes à ses jeunes et talentueux partenaires à l’Anoeta.
A 35 ans, David Silva n’est peut-être plus aussi décisif qu’il le fut lors de ses belles années. Mais sa vista et son leadership silencieux permettent à d’autres joueurs de s’exprimer pleinement comme Mikel Oyarzabal, le vice-capitaine, Alexander Isak, l’avant-centre suédois ou même notre compatriote Adnan Januzaj qui n’est désormais plus le seul gaucher à la patte de velours du club basque. S’il n’est toujours pas un titulaire indiscutable sous Imanol Alguacil qui aime beaucoup le faire tourner son effectif avec Portu ou Barrenetxea, le Bruxellois est devenu un peu plus concret dans les chiffres par rapport à son temps de jeu. Même si cela reste globalement insuffisant (jamais plus de 4 buts ou 4 assists par saison) eu égard à son immense talent.
ISAK ET OYARZABAL, LES GÂCHETTES
Pour alimenter le marquoir, la Real Sociedad s’appuie donc principalement sur deux hommes: Oyarzabal et Isak. Le premier a trouvé l’ouverture à 21 reprises sur les deux derniers exercices et vient d’entamer l’actuel avec déjà 6 réalisations en seulement 8 rencontres. S’il n’a pour l’instant donné qu’une passe décisive, le natif d’Eibar (où il n’a jamais joué d’ailleurs), est pourtant une valeur sûre en la matière puisqu’il en a délivrées 19 sur les deux dernières saisons. En pointe, Isak a planté à 26 reprises lors des deux exercices écoulés et compte actuellement 3 pions à son compteur. Capable de garder le ballon et d’apporter de la profondeur, le Suédois utilise son physique et ses pieds sans négliger son sens de la finition. Entre septembre 2019 et juin 2021, ce duo a inscrit 47 des 115 buts basques, soit 41% de la production. Cette saison, le ratio est même un peu plus important avec 9 des 19 réalisations des pensionnaires de l’Anoeta, soit 47%.
Derrière eux, c’est un peu le désert et certainement depuis le départ de Willian José pour Wolverhampton lors du dernier mercato hivernal. Le grand brésilien remplaçait parfaitement Isak tant dans le style de jeu que dans les chiffres (14 buts sur la saison 2019-2020 et les six premiers mois de 2020-21). Pour pallier son départ, les dirigeants basques ont fait le choix d’une ancienne connaissance de la Pro League et de La Gantoise en la personne d’Alexander Sørloth. Le Norvégien débarque du RB Leipzig qui l’avait acheté un an auparavant à Crystal Palace pour 20 millions d’euros. A l’époque, celui qui n’avait pas laissé un souvenir impérissable en Flandre Orientale avec seulement 4 buts en 19 matches, restait sur une saison flamboyante en location du côté de Trabzonspor où il avait claqué 24 goals. De quoi donner des ailes au trésorier de Leipzig et de faire le bonheur de celui de Crystal Palace qui ne comptait plus trop sur le joueur. Mais en Allemagne, malgré 5 buts en 29 rencontres, Sørloth n’a pas réussi à convaincre tout le monde d’où ce départ provisoire de l’autre côté des Pyrénées.
Comme son mètre 95 permettait de faire oublier le mètre 89 de Willian José, le club de San Sebastian a tenté le coup. Pour l’instant, il n’a marqué qu’à deux reprises, une en Liga, l’autre en Europa League. Un maigre bilan sur le papier, mais Alguacil sait aussi que son Scandinave doit s’adapter à son nouvel environnement et se montre satisfait de son apport jusqu’à présent, même s’il en attendra plus lorsque les matches s’enchaîneront à un rythme plus élevé. Derrière ces deux jours, il reste encore le jeune Lobete pour apporter quelque chose sur le front de l’attaque mais le garçon apparaît encore bien tendre.
Si le secteur offensif n’est globalement pas dépourvu de talent, il manque dans l’ensemble de régularité. Seuls Oyarzabal et Isak semblent capables de rester efficaces sur la durée et rien ne garantit que l’un des deux ou les deux ne connaissent pas un creux à un moment. S’en remettre aux éclairs des Portu, Januzaj, Sørloth et Barrenetxea restera hasardeux pour viser le Graal. A moins que le coach de l’Errealane trouve la solution pour ériger l’un de ces éléments en troisième fer de lance de son attaque.
MERINO, LE PARI COÛTEUX MAIS GAGNANT
S’il y a bien un secteur où les Txuri-urdinesdisposent du répondant nécessaire sur la longueur, c’est le milieu de terrain. Derrière l’indéboulonable David Silva, maestro débarrassé d’une grande partie de ses tâches offensives et qui peut se concentrer sur ce qu’il fait le mieux à savoir donner les passes qui cassent des lignes, on retrouve deux relayeurs-travailleurs discrets mais efficaces avec le duo Mikel Merino et Martin Zubimendi. Le premier a été formé à Pamplune (La Real Sociedad jouait d’ailleurs contre Osasuna ce week-end) avant de séduire le Borussia Dortmund qu’il rejoint en 2016. Incapable de s’imposer dans la Ruhr, il est d’abord prêté puis vendu pour 7 millions d’euros à Newcastle où il joue un peu plus sans faire office d’incontournable. Malgré cela, la Real Sociedad tente le pari de déposer 12 millions d’euros sur la table pour le faire revenir au pays. Un pari un peu fou mais gagnant tant il s’imposera rapidement dans le milieu d’Imanol Alguacil. D’abord aux côtés d’Igor Zubeldia avant d’être épaulé par un pur produit de la Cantera locale, Martin Zubimendi.
A 22 ans, le natif de San Sebastian, a grandi dans les équipes d’âge sous la direction d’Alguacil dont il comprend parfaitement les demandes pour son poste. Derrière ce trio, on a encore un Asier Illarramendi, ou du moins son fantôme. Celui qui reste officiellement le capitaine de la Real Sociedad même si son brassard est depuis un bon moment plus souvent autour du biceps gauche d’Oyarzabal, squatte l’infirmerie et n’a disputé que 9 rencontres en deux saisons. Vendu pour 32 millions d’euros au Real Madrid, il est renvoyé peu après à l’expéditeur en échange de 15 millions d’euros. Une bonne affaire dans un premier temps pour les Txuri-urdinesjusqu’à ce que la fragilité du joueur s’en mêle. Depuis, le club a probablement un peu perdu l’espoir de retrouver à son meilleur niveau celui va vers ses 32 printemps avec un gros contrat courant encore jusqu’en 2023… Heureusement pour l’équipe aux rayures bleues et blanches qu’elle peut aussi compter sur un autre élément du cru, Ander Guevara, pour disposer d’un milieu de terrain complet, polyvalent et acceptant son rôle de doublure.
REMIRO, LE DERNIER REMPART VENU DU RIVAL DE BILBAO
L’un des premiers chantiers d’Alguacil à la tête de son équipe a été de trouver un dernier rempart fiable. Exit les Geronimo Rulli et Miguel Angel Moya, place à Alex Remiro. Le Basque de 26 ans a été formé chez le rival de l’Athletic Bilbao. Mais lorsque le club a dû faire le choix d’un duo, il a opté pour l’expérimenté Iago Herrerin et le prometteur Unai Simon. Remiro a été prêté à Huesca en 2017-2018. C’est à cette occasion qu’il tape dans l’oeil des recruteurs de la Real Sociedad. Engagé en 2019, d’abord comme doublure de Moya, il reçoit ensuite sa chance avant de ne plus céder sa place entre les perches. Cette saison, c’est un autre ancien de Pro League qui est désormais son suppléant. Après avoir perdu sa place de titulaire à Brighton, Mathew Ryan, l’ancien gardien de Bruges et de Genk, a accepté de retourner dans un championnat où il avait pourtant échoué du côté de Valence pour endosser un rôle de remplaçant. Les ambitions du club de la Baie de la Concha l’ont sans doute plus motivé pour cette fonction que la lutte pour le maintien en Angleterre. Il a en tout cas prouvé sa valeur en Liga lors de la 11e journée en ramenant une clean-sheet du Celta Vigo après une prestation solide. Désormais à l’Anoeta, les cages sont désormais bien gardées, même si Remiro s’est rendu coupable d’une belle boulette contre Iker Muniain lors du derby contre… l’Athletic Bilbao. On oublie peut-être jamais vraiment d’où l’on vient.
LE BRETON QUI STABILISE L’AXE CENTRAL DEFENSIF
L’arrière-garde de la Real Sociedad devient petit à petit l’un de ses points forts. Cette saison, elle est la troisième plus imperméable de l’élite espagnole avec seulement 10 buts concédés en 13 rencontres. Aux côtés d’Aritz Elustondo, le défenseur marqueur en ce début d’exercice avec déjà 3 goals (autant qu’Isak), Imanol Alguacil a placé Robin Le Normand, qui est Breton comme son nom ne l’indique évidemment pas. Le natif de Pabu est arrivé à la Real Sociedad B à 20 ans en provenance de la Ligue 2 hexagonale. Après s’être imposé petit à petit, il a été promu dans l’équipe de Liga et a commencé à devenir incontournable lors de l’exercice 2019-2020. Avant cela, Elustondo peinait à trouver le binôme idéal et la défense n’était pas l’un des points forts du club basque.
Sur les côtés, les joueurs du cru se sont taillés la part du lion. A droite, l’on retrouve Joseba Zaldua et Andoni Gorosabel. Ce dernier avait pris l’ascendant l’an passé avec la blessure du premier. Cette année, Alguacil essaie d’employer les deux en alternance. A gauche, c’est Aihen Muñoz qui s’est imposé en l’absence de Nacho Monreal. Le vétéran venu d’Arsenal était censé apporter son expérience en défense mais a été rattrapé par son physique et les années. Pour renforcer le poste, le Real Sociedad s’est encore tourné vers l’Angleterre en rapatriant Diego Rico de Bournemouth. Un garçon expérimenté de 28 ans qui accepte un rôle de doublure et qui répond présent quand on fait appel à lui.
IMANOL ALGUACIL, L’ELEVEUR DE CHAMPIONS MADE IN ZUBIETA
À 50 ans, Imanol Alguacil a la Real Sociedad qui coule dans les veines. Formé à la Cantera, il a ensuite porté la liquette realaà 113 reprises avant de poursuivre sa carrière à Villareal et Cadiz et de la conclure à Burgos en 2003. Depuis, il est revenu à l’Anoeta où il est devenu la pièce maîtresse d’un projet commencé voici dix ans. Nommé manager général des catégories de jeunes. Il repense alors toute la formation d’un club qui ne lance quasiment plus de jeune du cru.
El Bichin s’appuie d’ailleurs désormais sur certains des éléments qui ont bénéficié de sa vision et de ses méthodes à Zubieta (nom du centre de formation). Les Zaldua, Zubeldia, Muñoz, Zubimendi et bien sûr Oyarzabal sont des pions importants de son noyau. Ces cinq locaux représentent plus de 70% des minutes disputées par l’effectif et constituent désormais sa colonne vertébrale.
Adepte du 4-2-3-1 (ou 4-1-4-1), Alguacil prône un jeu attractif et léché avec des sorties de balle en passes courtes. Mais depuis quelques semaines, c’est surtout l’efficacité qui est désormais devenue l’une des marques de fabrique de l’équipe de San Sebastian. Alguacil est surtout un technicien pour qui les profils doivent être interchangeables. Ce qui explique en partie pourquoi seuls deux joueurs présentent des statistiques plus impressionnantes. La Real Sociedad compte déjà 8 buteurs différents. C’est aussi une des conséquences des préceptes tactiques du natif d’Orio.
OUBLIER LE TRAUMATISME DE 2003
Le club du pays Basque ne veut plus revivre la même désillusion que celle qu’il a vécue en mai 2003. A l’époque, Raynald Denoueix, l’ancien formateur des Marcel Desailly et Didier Deschamps au FC Nantes, est sur le banc d’un club qui compte dans ses rangs des joueurs de la trempe de Darko Kovacevic, Valeri Krpin, Nihat et une jeune pépite issue du centre de formation Xabi Alonso. Lors de la dernière journée, le club de San Sebastian boit la Galice jusqu’à la lie en s’inclinant sur la pelouse du Celta Vigo, laissant les lauriers nationaux repartir à la Casa Blanca madrilène.
Pour effacer ce mauvais souvenir, Imanol Alguacil estime que son club doit gagner en régularité et commencer à gagner des titres. Il a certes instauré une philosophie et des idées de jeu fortes, mais dans une Liga en manque de patron, cette saison pourrait être celle ou jamais pour la Real Sociedad. Réguliers contre les « petites » équipes, les Txuri-Urdin affichent actuellement un bilan de 28/39. Contre les cadors sur papier, ils ont concédé une défaite contre le Barça et obtenu des partages contre le FC Séville et l’Atlético Madrid.
Le champion en titre peine actuellement à trouver la régularité nécessaire pour accrocher le wagon de tête. Les Andalous restent dans le sillage des Basques avec une unité de retard mais beaucoup ont le sentiment qu’ils ont peut-être laissé filer leur chance l’an passé. Le Real Madrid compte aussi un point de retard mais Carlo Ancelotti peine à en refaire une machine à gagner et surtout son banc ne semble pas en mesure de faire la différence pour le moment. Le FC Barcelone attend des miracles de son nouveau guideXavi tandis que Villareal accuse déjà 13 points de retard après avoir été la grosse révélation de l’exercice précédent.
Il reste encore 25 rencontres à jouer d’ici l’épilogue cette Liga version 2021-2022. Pour l’instant, il est trop tôt pour ériger les joueurs au maillot rayé bleu et blanc en prétendants au titre. Surtout qu’il faudra que le duo qui porte le secteur offensif puisse garder la cadence assez longtemps. La régularité et le mental dans les matches contre des équipes plus faibles pourraient les aider à gagner pas mal de points précieux, mais il faudra aussi franchir un certain palier contre les cadors. Sous peine que la génération des Xabi Alonso et compagnie attende encore au moins une année l’heure de sa vengeance.
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