La pieuvre aux grandes oreilles : comment Thibaut Courtois est devenu le meilleur gardien du monde
C’est l’histoire d’un poulpe avec un instinct de prédateur. D’un dernier rempart qui déploie ses tentacules sur les trois montants de son but, avec la ferme intention d’écarter tout gardien ou tout ballon qui tenterait de s’approcher de lui. Imperméable au stress, drogué à la victoire, Thibaut Courtois a décollé au-delà des obstacles pour s’envoler jusqu’au sommet. Making of du meilleur gardien du monde.
Il y a des images qui racontent des histoires. Celle de Pierre Denier debout devant le banc de Genk trahit un Racing en crise. Serviteur éternel, pompier occasionnel, le Limbourgeois assure l’intérim d’une fin de saison 2009 passée à la postérité locale malgré une anonyme huitième place, loin de la lutte acharnée entre le Standard et Anderlecht. Même la Coupe, offerte par un doublé de Marvin Ogunjimi un samedi de mai, devient presque anecdotique quand un coup d’oeil prolongé dans le rétroviseur rappelle qu’en moins d’un mois, le Limbourg minier sort de sa terre fertile deux diamants du futur national. Le 9 mai, Kevin De Bruyne dispute ses premières minutes professionnelles lors d’un déplacement à Charleroi. Trois week-ends plus tôt, Genk accueille les Buffalos de Michel Preud’homme avec un gamin de seize ans sous la transversale.
Un mental comme ça, ça ne se travaille pas. Si on a été champions, c’est en grande partie grâce à lui. » LASZLO KÖTELES
Superstitieux jusqu’au bout des boucles, le meilleur gardien de la World Cup américaine ne prétendra pas le contraire: les sportifs de haut niveau aiment les rituels. Chez les Courtois, famille mariée au volley, on a forcément ses manies. Le journal du matin en est une. Pourtant, quand le réveil du grand Thibaut lance sa journée du 17 avril, l’odeur du papier grouillant d’encre ne rivalise déjà plus avec celle du café. Le père, Thierry, a soigneusement dissimulé les gros titres et accusé la Poste d’avoir failli à sa tâche. « Un gamin de seize ans doit sauver Genk », affirme alors la presse, inévitablement magnétisée par l’histoire de ce sixième gardien amené par un improbable concours de circonstances à enfiler les gants dans l’arène la plus chaude du Limbourg.
Thibaut Courtois est prêt à décoller. Il est même en train de le faire littéralement, sur le trampoline des voisins, alors que tout le monde annonce sa titularisation et que le téléphone paternel est la cible des réunions de rédaction. La première envolée ne dure pourtant que nonante minutes. Le temps de ramasser deux ballons au fond de ses filets, mais aussi pas mal de louanges pour ce premier match d’adultes bouclé avec un visage encore enfantin. « Je n’ai jamais oublié ce match », rembobine João Carlos, capitaine du Racing qui prend Thibaut sous son aile. Presque une évidence pour un défenseur qui, à Vasco de Gama, avait fait ses débuts sous la protection de Romario. « Ce jour-là, il avait besoin de gens autour de lui. Directement, je lui ai donné des ballons et je lui avais dit que s’il ratait une relance, ce serait uniquement de ma faute. » Observateur avisé et reconnaissant, le père Thierry attend le Brésilien à l’entrée de la salle des familles pour le remercier chaleureusement. Le même traitement est réservé à David Hubert, deuxième élément de la charnière limbourgeoise ce soir-là. « Thibaut a fait un très bon match, ça lui a permis de se montrer », se rappelle l’intéressé, aujourd’hui à Zulte Waregem. « Après, il n’a plus beaucoup eu l’occasion de jouer, mais il était encore très jeune. Ça l’a renforcé dans sa tête pour continuer à travailler pour son objectif: percer à Genk. »
L’ÉCOLE DES CHAMPIONS
Quelques mois plus tôt, pourtant, Courtois aurait pu raccrocher les gants pour envoyer ses mains au-dessus des filets de volley. « En sélection, on ne me calculait même pas », se souvient Thibaut, snobé jusqu’aux U18 où il profite, selon ses propres dires, d’une génération moins prolifique en derniers remparts pour enfin se parer de rouge diabolique. Devancé par Thomas Kaminski mais surtout Koen Casteels, son grand rival chez les jeunes du Racing, il en veut à un coach de la topsportschool de Genk qui dédaignerait ses qualités. Avant de finalement choisir de se nourrir du goût épicé de l’adversité. « Au fond, je devrais lui être reconnaissant de m’avoir toujours ignoré, il m’a endurci », diagnostique-t-il. Les inévitables fruits d’une éducation de champion au sein d’un foyer limbourgeois aux airs de parc olympique.
Chez les Courtois, on passe de la piscine à l’anneau de basket en longeant un terrain de beach-volley qui, pour les enfants, devient rapidement un parcours de cyclo-cross ou un prétexte pour les reprises de volée. Pièce-maîtresse des joutes familiales, la table de ping-pong est le cadre de duels épiques entre Thibaut et son père. « Quand ils jouaient, tu les entendais crier dans toute la maison », se marre Valérie, internationale de volley et soeur de l’homme aux mains gantées. Les matches ne sont jamais une partie de plaisir. Compétiteur dans l’âme, Thierry promet systématiquement une raclée à son rejeton, et n’hésite pas à tenter de le déstabiliser par tous les moyens quand sa progéniture prend l’ascendant au score. Presque drogué à la compétition, instigateur avec son frère Gaétan des « JO du jardin » qui rassemblent les enfants de sa rue chaque été, Thibaut Courtois est conditionné pour dévorer ses concurrents.
La première victime indirecte de sa gloutonnerie compétitive se nomme Koen Casteels. « Thibaut et Koen étaient tous les deux très bons, mais Thibaut était plus mature », rejoue Laszlo Köteles, titulaire entre les perches de Genk depuis la fin de l’année 2009, mais bloqué au coup d’envoi de la saison suivante par un problème d’enregistrement de son transfert. Le Hongrois voit alors un gamin de tout juste 18 ans assurer l’intérim, et comprend vite qu’il ne retrouvera pas le terrain de sitôt: « Je ne lui ai pas fait de sale coup, parce que vu son niveau, c’était clair qu’il allait être acheté en fin de saison et que je reprendrais la place de numéro 1 à ce moment-là. Ce qui m’a fasciné, c’était son mental. Si tu prends un gars sans talent et que tu lui envoies 3.000 ballons, il va finir par savoir comment on fait pour en arrêter un. Par contre, un mental comme ça, ça ne se travaille pas. Si on a été champions, c’est en grande partie grâce à lui. »
Il a toujours énormément cru en lui-même, sans pour autant crier sur tous les toits qu’il allait y arriver. » JOS BECKX
Thibaut Courtois grandit sous les ordres de Jos Beckx, qui le fait progresser à toute allure tout en reconnaissant être fasciné par sa vitesse, hors du commun pour sa taille, et sa détermination: « Il a toujours énormément cru en lui-même, sans pour autant crier sur tous les toits qu’il allait y arriver », rembobine le coach des gardiens limbourgeois. « À Genk, quand on m’évaluait, j’avais toujours des notes assez faibles en ambition« , confirme Courtois, qui rejoint l’analyse de son mentor: « J’étais ambitieux, mais je n’avais pas envie de crier partout que j’étais le meilleur. » Après tout, il suffisait de le montrer.
LA VIE SANS PRESSION
Cette saison-là, Thibaut Courtois est aérien. David Hubert ne se souvient « que d’une seule erreur. Tout le monde se rappelle de son match contre le Standard, mais il avait été très régulier sur l’ensemble de la saison. Des arrêts monstrueux, il en avait déjà fait d’autres. Celui sur AloysNong était seulement la confirmation. » Même quand il faut affronter Anderlecht, champion en titre, au lendemain de l’enterrement de son grand-père maternel, la Pieuvre répond présente. Seuls les coups assénés à son poteau suite au but de Roland Juhasz trahissent alors sa rage de n’avoir pu offrir une clean sheet à celui dans le cercueil duquel il avait laissé le maillot de son premier match quelques heures plus tôt.
Conscients d’assister à l’éveil d’un talent hors du commun, ses coéquipiers les plus expérimentés le couvent comme une poule qui protégerait des oeufs d’or. Laszlo Köteles et Daniel Töszer passent beaucoup de temps avec lui, à tel point que Courtois se met à baragouiner quelques mots de hongrois. João Carlos s’amuse de le voir s’occuper de son fils quand il l’invite à son anniversaire, et se régale de constater qu’il enquille sans rechigner les heures supplémentaires sur la pelouse quand le capitaine s’exerce aux penalties ou que les joueurs offensifs veulent régler la mire depuis l’entrée de la surface. Souvent en vain. « C’était un mur », admet le Brésilien. Un constat qui reviendra dès ses premiers entraînements avec l’équipe nationale, sous l’oeil déjà chevronné de Jean-François Gillet : « Je l’avais déjà vu, mais de loin parce que j’étais à l’étranger et lui était encore à Genk. Le voir à l’oeuvre, ça a été quelque chose. Il est arrivé comme s’il était là depuis toujours et quand on a commencé à jouer des petits matches, il n’y avait pas grand-chose qui rentrait. Il dégageait quelque chose d’assez inédit, parce qu’il fait partie de ces gens qui n’ont aucune pression. »
Que représente l’enjeu d’un match face à un stade comble quand on a grandi avec le spectre constant des humiliations paternelles de l’autre côté du filet? « Je ne me souviens pas de l’avoir vu stresser un jour », reconnaît Jelle Vossen, buteur attitré du Racing champion de Belgique 2011. Dans le vestiaire limbourgeois, Thibaut fait au contraire rapidement partie des plus détendus. De ceux qui se forgent le respect des anciens et osent titiller des tauliers comme Daniel Pudil, l’une des victimes favorites des plaisanteries du double mètre de Bilzen. « Ma situation me frustrait, mais j’ai fait en sorte de ne jamais lui montrer parce que c’était un gars génial, le vestiaire l’appréciait beaucoup », rejoue Köteles. « On savait qu’on avait affaire à un géant. » Au-delà du groupe soudé par Franky Vercauteren, c’est toute la Belgique qui semble réaliser qu’elle assiste à un décollage vertigineux. Quand il offre malencontreusement un but au Standard lors du début des play-offs, les téléphones de Thierry Courtois et de sa femme Gitte Lambrechts se remplissent de messages de journalistes. « Pas pour demander une interview », précise la mère, « mais pour dire à Thibaut qu’il ne devait pas se laisser abattre, qu’il avait déjà gagné de nombreux points pour l’équipe. »
DEVENIR DIABLE À MADRID
Le titre en poche et la Ligue des Champions dans le viseur, Thibaut Courtois prend alors la route de l’étranger. « Mon père et mon manager auraient peut-être préféré que je reste à Genk », avouera-t-il pourtant trois ans plus tard, avec un nouveau titre de champion bien plus prestigieux au palmarès. Achetée par Chelsea, puis prêtée à l’Atlético, la Pieuvre s’apprête à écarter deux nouvelles victimes à coups de tentacules. Chez les Colchoneros, le départ de David de Gea vers la Premier League a ouvert l’appétit de Sergio Asenjo et Joel Robles. Le directeur sportif des Madrilènes, José Luis Caminero, leur a promis un duel pour une place de titulaire sous la barre du stade Vicente Calderón. C’est surtout le premier, international espagnol, qui digère mal l’arrivée de Courtois, demandant si l’accord de prêt s’assortit d’un nombre minimal de matches à disputer. Très vite, il réalise que c’est lui qui n’en jouera que très peu.
Comme à Genk, le Belge cale le pied dans la porte et ne la laisse plus jamais se refermer, jusqu’à s’installer au centre de la pièce. Diego Godín, Juanfran et Filipe Luís tombent sous le charme de ce géant qui se déploie au sol à une vitesse surprenante. José Antonio Reyes le surnomme très vite Palomo ( pigeon, ndlr) quand Courtois utilise à foison ce mot appris lors de ses premiers cours d’espagnol. Le gardien tombe amoureux de la ville, de Marta Domínguez avec qui il aura deux enfants, et de la grinta d’exception insufflée par Diego Simeone à ses troupes. Là où les gardiens du temple colchonero auront du mal à accepter la mentalité parfois trop joueuse de Yannick Carrasco quelques années plus tard, ils intègrent immédiatement Courtois à leur religion du Cholismo et l’aident à poursuivre sa moisson de trophées.
Je me suis directement dit qu’il serait numéro 1. » JEAN-FRANÇOIS GILLET
Devenu titulaire dans l’un des clubs les plus cotés d’Espagne, le Limbourgeois se sent forcément à l’étroit dans le costume de doublure des Diables rouges, à l’ombre d’un Simon Mignolet qui brille sur les pelouses de Premier League. Quand ses tapes sur l’épaule ne suffisent plus, le sélectionneur Georges Leekens sent qu’il est temps de lui donner une première opportunité de montrer ses atouts. La scène est à la hauteur du talent de l’artiste, avec un déplacement amical au stade de France calé au milieu du mois de novembre. Opposé à Franck Ribéry ou Karim Benzema, Thibaut quitte la pelouse avec les filets propres et le regard déterminé. « J’avais croisé ses parents à la sortie du stade », se rappelle Long Couteau. « Je leur ai dit que leur fils avait fait un très bon match, et son père a immédiatement répondu: Oui, on verra pour la suite, s’il arrive à être constant. C’était révélateur d’un entourage qui vient du monde du sport et qui sait garder les pieds sur terre. »
Courtois, lui, se rappelle de son trampoline, et conserve à côté de son sang-froid une furieuse envie de décoller. La relation avec Mignolet est inévitablement concurrentielle, quand deux bêtes de compétition sentent que la hiérarchie devient floue. « Thibaut a toujours été un gagneur, du genre à râler s’il encaisse un but à l’entraînement. Et les gagneurs, ça n’a pas beaucoup de patience. Avec Mignolet, ce n’était pas évident parce qu’on avait affaire à deux gardiens très talentueux et très ambitieux. Jean-François Gillet et Philippe Vande Walle ont joué un grand rôle pour créer une véritable osmose », raconte Leekens, toujours prompt à raviver les bons souvenirs. « La rivalité n’était pas malsaine », confirme Vande Walle, qui a vu débarquer les gants de Courtois en sélection. « Thibaut sait ce qu’il veut, mais il a eu l’intelligence de se concentrer sur ses propres performances. Et quand il a reçu sa chance, il ne l’a plus jamais lâchée, tout simplement. »
Malheureusement pour Mignolet, le changement de règne a des airs d’inéluctable. Même un transfert prestigieux à Liverpool n’inversera plus la tendance pour Big Si, écarté des perches diaboliques par les tentacules de la Pieuvre. « Quand il est arrivé, j’avais 32 ans, donc ça va encore », sourit Jef Gillet. « Mais quand tu es un gars de sa génération, que tu vois débarquer une machine comme ça, tu te rends compte que ça va être un peu chaud. Je me suis directement dit qu’il serait numéro 1. Peut-être pas aujourd’hui ou demain, mais il le sera. Ces choses-là, tu les sens. »
SANG-FROID ET COUPS DE CHAUD
La prophétie s’accomplit un soir d’août 2012. Officialisé sélectionneur, Marc Wilmots aligne Thibaut Courtois entre les poteaux pour un derby amical face aux Pays-Bas, et lui confie définitivement la garde des filets nationaux. La suite n’est qu’une succession de clean sheets et de réussites, couronnées par un début d’année 2014 qui voit le Limbourgeois disputer une finale de Ligue des Champions, réaliser l’exploit – qu’il considère encore aujourd’hui comme le plus grand de sa carrière – de remporter la Liga au nez et à la barbe du Real de Cristiano Ronaldo et du Barça de Lionel Messi, puis se préparer à jouer son premier match de Coupe du monde. Sans pression, évidemment. « Si vous croisiez Thibaut Courtois quelques minutes avant le coup d’envoi, c’était impossible de dire que c’était la première fois depuis douze ans que la Belgique allait jouer un tel match », se remémore Sammy Bossut, troisième gardien belge lors du Mondial brésilien. « Il brillait par son sang-froid, comme toujours. Sans aucune marque de stress. Peut-être qu’il était un peu plus crispé avant le quart de finale contre l’Argentine, mais personne à l’extérieur n’en a jamais rien su. Tout simplement parce qu’il savait qu’il avait les qualités nécessaires pour jouer un match de ce niveau. »
José Mourinho en est tout aussi convaincu. Dans la foulée du grand rendez-vous planétaire, le Special One rapatrie le Belge à Londres et bouleverse une hiérarchie bien établie depuis des années chez les Blues. Petr Cech est la prochaine victime de la Pieuvre. L’une des plus indigestes? À Cobham, le centre d’entraînement de Chelsea, la relation très étroite entre le coach des gardiens Christophe Lollichon et la légende tchèque est forcément mise à mal par l’arrivée de ce jeune géant gonflé de trophées et de certitudes. Le Français propose une refonte de son jeu, le Diable décline et les relations se refroidissent. Le 29 juin 2015, dans la foulée du troisième titre de champion de la carrière de Courtois, Petr Cech traverse la capitale pour s’engager chez les Gunners. Quelques jours plus tôt, le Belge a remporté un match de gala au Stade de France avec les Diables malgré une semaine essentiellement passée à la maternité. « Il est arrivé deux jours avant le match et il a joué tranquille, avec la cigarette ( sic). Ce n’est pas donné à tout le monde », se marre Jean-François Gillet.
Le triomphe semble total, et c’est pourtant le temps des premières galères. La machine à gagner voit son éternelle progression bousculée par une blessure au genou et une première saison sans titre collectif à se mettre sous la dent. « C’était le premier vrai coup dur de sa carrière », se souvient Erwin Lemmens, devenu entraîneur des gardiens des Diables au début de l’année 2013. La route de l’EURO ressemble alors à un contre-la-montre, et l’élimination en quart de finale face aux Gallois à une chute sur un parcours aux airs de boulevard. Courtois se lâche et remet la tactique en question, face aux micros puis dans le vestiaire. Le ton monte avec Marc Wilmots, pourtant déjà confronté aux mêmes reproches par son gardien en tête-à-tête quelques semaines plus tôt. « Bien sûr que cette défaite a fait mal », admet Jean-François Gillet, soucieux de ne pas dévoiler tous les secrets du vestiaire. « On avait le tableau ouvert. Personne n’a essayé de canaliser Thibaut, parce que ce côté gagneur fait partie de son caractère. C’est pour ça qu’il a autant de trophées: parce qu’il veut tout le temps gagner. »
C’est une bête de trophées et un vainqueur-né. » ERWIN LEMMENS
C’est pour ça aussi, sans doute, que Thibaut Courtois fera partie deux ans plus tard de ceux qui ne comprennent pas pourquoi une telle foule se masse dans les rues de Bruxelles pour fêter une troisième place. Pour ça, encore, qu’il devient la risée de l’Hexagone pour ses déclarations d’après demi-finale, affirmant que la France n’a pas mérité sa victoire. « J’aime bien ce qui se fait en NBA. Là-bas, les joueurs disent encore tout ce qu’ils pensent et tout le monde l’accepte. » À défaut de traverser l’Atlantique, le Diable devient galactique quand son Gant d’or mondial lui ouvre les portes du coeur de Florentino Pérez en même temps que celles du Bernabéu.
LA VICTOIRE ET LE VIN
Là encore, la concurrence est de taille. Keylor Navas est l’un des héros de la dernière Ligue des Champions remportée par les Madrilènes, le dernier rempart de l’historique triplé européen réalisé par Zinédine Zidane et ses troupes. De retour pour jouer les pompiers en cours de saison, après les échecs de Julen Lopetegui et Santiago Solari, le Français reste distant avec son nouveau gardien, à l’image d’un Sergio Ramos également très proche de Keylor. En fin de saison, au coup de sifflet final d’une humiliante défaite à domicile face au Betis et d’une troisième place à près de vingt points du titre, le Costaricien est le seul à éviter les sifflets. C’est le match d’adieu d’une icône, poussée vers la sortie pour faire de la place à un Courtois qui, pour une fois, n’a pas mis tout le monde d’accord sur le terrain dès ses premiers mois.
Le départ de Navas n’a rien d’une libération, malgré une conversation fructueuse avec Zidane au coeur de l’été. Opposé à Bruges pour une soirée de Ligue des Champions, le Belge veut absolument tenir son rang face à ses compatriotes malgré des problèmes gastriques, mais ne survit que 45 minutes et est le héros malheureux du doublé d’ Emmanuel Dennis. Au retour des vestiaires, Alphonse Areola sort du tunnel pour se diriger entre les perches. « J’étais dans le stade ce soir-là, à côté des parents de Thibaut, et ça a été un épisode très douloureux », raconte Erwin Lemmens en convoquant ses souvenirs. « Le hasard fait qu’il y avait un rassemblement de la sélection juste après et je pense que ça lui a fait du bien de quitter Madrid, où la pression et la négativité étaient très hautes. À l’entraînement, on a pu retravailler les bases, retrouver de la confiance. » 180 minutes et deux clean sheets plus tard, le retour vers l’Espagne déborde de certitudes intimes. Le monde ne tarde pas à réaliser la métamorphose, exposée lors d’une prestation majuscule dans l’atmosphère hostile d’Istanbul lors d’un déplacement européen au Galatasaray. « J’aime être dans le but d’un grand stade comble, être insulté et sifflé », a un jour dévoilé Thibaut Courtois. « Ça me donne un shoot d’adrénaline. » Le goût de l’obstacle, toujours.
Depuis cette trêve bienvenue de l’automne 2019, le Diable a rendu plus de cinquante clean sheets sous les perches madrilènes. Des chiffres qu’il aime compter aussi soigneusement que ses trophées, aménagés dans un espace dédié au sein du sous-sol de sa maison espagnole avec certains des maillots de ses plus grands matches ou des plus prestigieux de ses adversaires. « C’est une bête de trophées », boucle Erwin Lemmens. « Et surtout, un vainqueur-né. S’il ne parvient pas à réussir quelque chose, il reviendra trois ou quatre semaines plus tard en le maîtrisant avec un niveau exceptionnel. Il veut réussir l’impossible. Thibaut est tellement obsédé par le fait de ne pas encaisser et de devenir plus fort que chaque année, il devient meilleur. Comme un bon vin rouge. »
À consommer dans une belle coupe. De préférence avec d’assez grandes oreilles.
L’armoire à trophées de Thibaut Courtois
2010-2011: Champion de Belgique
2011-2012: Vainqueur de l’Europa League
2012-2013: Vainqueur de la Supercoupe d’Europe et de la Copa del Rey
2013-2014 : Champion d’Espagne
2014-2015: Champion d’Angleterre et vainqueur de la League Cup
2015-2016: /
2016-2017
Champion d’Angleterre
2017-2018: Vainqueur de la FA Cup
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2018-2019
Champion du monde des clubs
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2019-2020
Champion d’Espagne et vainqueur de la Supercoupe d’Espagne
2020-2021: /
2021-2022: Vainqueur de la Supercoupe d’Espagne
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