Wout Faes et Timothy Castagne ont inquiété chez les Azéris © Gettyimages

La défense des Diables est-elle un problème offensif ?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

En Azerbaïdjan, les Diables rouges ont encore déçu avec le ballon. Un manque d’idées qui trouve sa source dans la fébrilité des pieds défensifs.

La presse nationale n’avait jamais autant évoqué le nom de Toby Alderweireld. Homme fort du titre de l’Antwerp, c’est comme s’il avait fallu que le buteur du 4 juin vienne démontrer son niveau chaque semaine sur les pelouses belges pour être considéré à sa juste valeur. À moins que ce soit son absence qui finisse par sauter aux yeux à chaque nouvelle apparition des Diables rouges. Surtout dans les matches où ils doivent dominer, comme c’était le cas face à l’Estonie en juin ou en Azerbaïdjan pour le match de rentrée de la sélection.

Face aux offensives allemandes, lors du match de gala du premier rassemblement de la nouvelle ère diabolique, les sauvetages spectaculaires et bruyants de Wout Faes avaient suffi à convaincre une bonne partie du public des bienfaits du changement générationnel. Les dernières années n’avaient-elles pas été rythmées par des critiques de plus en plus marquées à l’égard du secteur défensif national, atteignant leur paroxysme à l’approche du Mondial qatari ? Au bout de l’automne, Alderweireld et Vertonghen avaient finalement convaincu malgré l’élimination, au point que la retraite internationale du nouveau patron anversois soit remise en question par Domenico Tedesco d’abord, par les suiveurs ensuite. À la veille de la réception des Estoniens, le thème est encore arrivé aux oreilles de Jan Vertonghen, présent en conférence de presse en prélude à sa 150e sélection. « Avant qu’il annonce sa retraite, nous étions trop vieux et trop lents et maintenant, il devrait revenir ?, a rétorqué le capitaine d’Anderlecht. Je trouve ça irrespectueux par rapport aux gars qui sont là. »

Si la question se fait si pressante, ce n’est pas seulement parce que les Azéris se sont créés un nombre presque inquiétant d’occasions face aux Diables. C’est surtout parce qu’avec son jeu à distance digne des meilleurs relanceurs longs de la planète, le droitier anversois était l’une des dernières armes offensives de l’arrière-garde belge. Celle qui permet aux milieux de terrain de rester dans le dos de la première ligne de pression plutôt que de venir chercher le ballon dans les pieds de la défense, et qui force l’adversaire à garder un œil dans le rétroviseur quand il lance la pression, de peur d’être terrassé dans le dos par un projectile longue distance.

La relance et les nouveaux Diables

Adepte d’un football plus vertical que son prédécesseur, avec des passes qui claquent et des ailiers qui percutent, Domenico Tedesco aurait probablement aimé compter sur cette arme. Il a très vite cherché à vivre sans elle. Contre les Autrichiens, pour éviter le pressing ambitieux mis en place par le sélectionneur Ralf Rangnick, grand maître en la matière, il avait ainsi envoyé son arrière droit Timothy Castagne en fausse piste à l’intérieur du jeu pour relancer en 3-4-2-1 et ouvrir une ligne de passe claire entre son défenseur central droit Wout Faes et son ailier droit Dodi Lukebakio, capable d’attaquer avec vitesse et qualité technique l’organisation autrichienne.

Le problème, c’est que les incertitudes techniques du défenseur de Leicester nécessitent souvent une touche de trop, de sa part ou de celle de l’homme censé recevoir le ballon, et que la vitesse de circulation du ballon est un critère majeur du déséquilibre de l’organisation adverse. Face aux Autrichiens, le chevelu du King Power Stadium a perdu trois ballons du mauvais côté de la ligne médiane. Cinq autres contre l’Estonie, puis encore trois en Azerbaïdjan, dont un qui a offert une double occasion sauvée par Koen Casteels puis Arthur Theate.

À ses côtés, si Castagne était utilisé comme un leurre face à l’Autriche, c’est probablement parce que ses pieds n’offrent pas plus de garantie technique. Limité contre les Autrichiens (deux ballons perdus dans le camp des Diables), son déchet était plus important quand il est revenu dans un rôle traditionnel, en Estonie (6) puis en Azerbaïdjan (4). De l’autre côté du terrain, Theate campe un rôle de latéral gauche qui n’est pas le sien avec sa précieuse fougue défensive, mais également ses approximations en possession, perdant huit ballons dans la moitié de terrain belge sur les trois dernières rencontres. Vertonghen, avec sa fameuse passe intérieure longtemps destinée aux décrochages entre les lignes d’Eden Hazard, reste actuellement largement le relanceur le plus fiable de la défense des Diables.

Les chemins de Tedesco

Dans cette configuration tactique où les arrières latéraux apportent peu de centres (onze tentés et trois réussis – tous par Theate – en cinq matches sous Tedesco) et les centraux créent de trop rares avantages, l’exigence monte d’un cran quant à la qualité réclamée aux milieux de terrain et aux ailiers. En l’absence de Kevin De Bruyne au milieu, vide que ne peuvent ni compenser la stagnation de Youri Tielemans, ni les pieds audacieux mais aléatoires d’Amadou Onana, la Belgique s’en sort alors plus souvent en alertant les autres vestiges de son passé. Quand elle ne s’appuie pas sur le jeu en pivot de Romelu Lukaku, elle cherche la qualité technique de Yannick Carrasco ou les démarrages explosifs de Jérémy Doku, autant de pistes déjà présentes à l’EURO 2021 et capables de générer une occasion à partir d’une passe neutre.

Devenus très clairs au bout des années passées sous Roberto Martinez, avec des combinaisons en losange sur les côtés et des appuis fiables sur la qualité technique du trio offensif entre les lignes adverses, les chemins vers l’occasion dessinés par Domenico Tedesco doivent encore être débroussaillés. Avec un désavantage de taille pour arriver à toute vitesse près du but adverse : pour l’instant, la possession du Diable a tendance à trébucher au moment où elle tente de sortir des starting-blocks.

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