Olivier El Khoury
La chronique d’Olivier El Khoury: l’automne et les légendes
C’est l’automne, les feuilles tombent des arbres et les légendes de leur piédestal. Nos pas crissent sur les trottoirs couverts de feuilles humides aux tons ternes, et Liverpool écrase ce qu’il reste de Cristiano Ronaldo dans le Théâtre des rêves ou des cauchemars. Le Portugais a beau être la définition même de l’hygiène de vie, avoir la mentalité d’un guerrier et le corps d’un cyborg, il n’arrive plus à porter une équipe sur ses trapèzes parfaitement sculptés. Force est de constater que le temps fait son travail. Et bien qu’il donne presque l’impression de rajeunir physiquement, trente-six printemps, même en automne, ce n’est pas tout à fait rien. S’il a longtemps été un joueur capable de faire la différence tout seul, à Manchester comme à la Juve, c’est précisément sa capacité à se fondre dans un collectif sans le déséquilibrer qui semble compliqué. Un peu à l’image d’un vieux jeune, mais déjà jeune vieux qui se verrait toujours aussi séduisant que dans sa prime jeunesse alors que les petites demoiselles ne se retournent déjà plus sur son fessier.
Le but, c’est quoi? Faire gagner une équipe ou faire perdurer les légendes?
Plutôt que de forcer, ne devrait-il pas enclencher quelque chose de neuf au niveau mental? Est-ce qu’un coach plus charismatique qu’ Ole Gunnar Solskjaer ne l’aiderait pas à franchir cette dernière étape de sa carrière? Pour ainsi partager la lumière et l’étendre sur l’incroyable attirail offensif des Red Devils qui compte, derrière les Marcus Rashford et Mason Greenwood, des éléments comme Jadon Sancho, Jesse Lingard, Juan Mata, Anthony Martial, Edinson Cavani, Donny van de Beek ou encore le tout jeune Amad Diallo. Parce que le but, c’est quoi? Faire gagner une équipe ou faire perdurer les légendes?
Impossible de parler de Tic sans parler de Tac, ou d’évoquer Batman sans parler de Superman, de Robin ou du Joker. Et quand on parle de légendes… De notre côté de la Manche, Lionel Messi affronte le premier défi de sa carrière en club sous d’autres couleurs que celles qui lui sont tatouées sur le coeur. Et c’est légèrement poussif, là aussi. Bien sûr, il est encore en pleine phase d’acclimatation. Mais sans vouloir décortiquer des statistiques qui ne sont pas encore à la hauteur des espérances, on peut légitimement se demander si l’arrivée de Messi dans la capitale française est totalement pertinente. Là où le Barca a construit pendant des années autour du génie argentin, c’est aujourd’hui à lui de trouver sa place dans un effectif déjà en place. Sauf qu’il est venu pratiquer en France le seul football qu’il ait jamais joué: le football qui est à son service. Celui où il trottine, ne défend pas et fonctionne au coup d’éclat. Car c’est ainsi qu’il a bâti sa légende. Alors pourquoi s’adapterait-il à l’équipe alors que l’équipe s’est toujours adaptée à lui? Et Kylian Mbappé de se dire « Bah si lui ne défend pas, pourquoi moi je devrais défendre? » Et ce n’est sans doute pas dans le tiède Mauricio Pochettino que Messi trouvera son mentor de fin de carrière.
Pour ces deux légendes, c’est peut-être le plus grand défi de leur carrière qui les attend. Des carrières qu’ils ont en miroir, parfois déformants. Parvenir à accepter que tout ne tourne pas autour d’eux, que ce soit le jeu ou le monde. Parce qu’après avoir régné sur le football avec une régularité inhumaine pendant quinze ans et quand un sport entier a été résumé par deux noms pendant plus d’une décennie, entrer dans un monde nouveau n’est pas chose aisée. Ni à déceler, encore moins à accepter.
Pour Messi comme pour Ronaldo, il s’agira de choisir. Persister dans qui l’on est ou s’adapter. Et si dans l’une des solutions se trouvait aussi l’autre? Parce que si, dit-on, les légendes ne meurent jamais, pourquoi ne pas s’oublier un peu pour faire perdurer la légende et devenir le blason.
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