Swann Borsellino
La chronique de Swann Borsellino: Vive les footballs
Je vous dois la vérité. Samedi soir, avant de me coucher, j’avais décidé de vous parler ici du communiqué publié par Bruno Fernandes après la défaite de Manchester United à Old Trafford face à Aston Villa. As du penalty et accessoirement gilet de sauvetage de Red Devils proches de la noyade lorsqu’il est arrivé du Sporting, le Portugais s’est loupé dans son exercice favori à la 93e minute. Un point de perdu pour les Mancuniens. Visiblement trop pour l’équipe de com’ du milieu de terrain, qui décide quelques heures après de publier un texte aussi long que celui que je vous livre de manière hebdomadaire pour dire, en vrac, à quel point il donne tout sur le terrain, à quel point la critique fait partie du football et à quel point il a toujours assumé ses responsabilités et surtout, à quel point il est désolé. 1,3 millions de likes et 58.000 commentaires sur Instagram plus tard, on en est là: un joueur décisif 99% du temps loupe un penalty et le premier réflexe, de lui et de son équipe, est de publier un message d’excuse sur les réseaux sociaux.
C’est à l’Union, debout, que l’on m’avait dit de venir prendre une piqûre de « vrai football ».
Un acte, ayant travaillé également en communication avec des sportifs, qui me laisse sans voix et qui me laisse me questionner sur la prochaine étape. Un message d’excuse pour un mauvais contrôle, peut-être? Excédé autant par ce communiqué que par les probables messages d’insultes anonymes que le Portugais a dû recevoir de la part des supporters et qui ont découlé sur ses excuses, je comptais vous parler de ça. Vous dire à quel point cet aspect que prend le football me fatigue. Puis le lendemain matin, tout heureux de ne pas travailler, j’ai eu la bonne idée d’aller voir l’Union Saint-Gilloise recevoir l’Antwerp. Une autre idée du foot.
Le barrage de police qui bloque la chaussée de Bruxelles est si accueillant qu’on dirait qu’il a été construit par un castor. Sous les yeux de cette unique fourgonnette, la procession dominicale semble suivre son cours habituel. La marée jaune et bleue ruisselle jusqu’au point de rendez-vous des habitués, devant l’entrée du stade Joseph Marien, où le parc Duden dépose les supporters arrivant de l’autre côté de la ville. Il est un peu plus de midi, l’heure du concours de celui ou celle qui saura porter le plus de chopes avec ses deux mains. Six semble être une base, huit pour les plus téméraires. Des verres qui tanguent ivres jusqu’à la tribune Est où attendent les chanceux qui n’ont pas eu à aller chercher de quoi étancher leur soif. C’est ici, debout, que l’on m’avait dit de venir prendre une piqûre de « vrai football ». Un terme rempli d’une sincère nostalgie quand il sort de la bouche de passionnés, teinté de démagogie quand il est employé par des personnalités plus politiques. Il est à peu près 12h45 quand les joueurs de l’Union intensifient leur échauffement et je n’ai pas besoin de plus de temps pour comprendre qu’en effet, ici, il se passe quelque chose de spécial.
Venu avec son frère, son papa et un homme qui pourrait tout à fait être son oncle, un petit garçon vêtu d’un maillot du Real Madrid regarde la foule bleue et jaune avec de grands yeux curieux. Accroché à la barbe d’un supporter – qui mettra l’ambiance de la première à la dernière minute – comme on se tient à un cheval, il constate que la tribune pleine chante, sourit, puis touche terre à nouveau dans le monde des enfants. Arrivé bien à l’heure, j’ai pu observer le défilé de la population mieux brassée qu’une bière spéciale. J’ai vu: des bandes de potes aux barbes soigneusement taillées ; des anciens qui ont passé tellement de temps dans cette tribunes que le béton pourrait bien avoir épousé la forme de leurs semelles ; des mamans qui amènent sereinement leurs gosses ; des papas et leurs adolescents qui ne savent pas bien si c’est Teuma ou Lapoussin, mais qui ont mis cinq minutes à apprendre par coeur des chants qui restent en tête assez longtemps pour avoir envie de revenir.
Mais j’ai aussi vu du foot. Une équipe de l’Union qui, une grosse heure durant, a mené la vie dure au matricule 1. J’ai vu des supporters de l’Antwerp sortir une banderole pour souhaiter la bienvenue à aux Jaune et Bleu dans l’élite et les Bhoys de Saint-Gilles leur répondre en scandant « Antwerp ». J’ai respiré de la fumée de cigarette, de la fumée d’autre chose, été aspergé de bière sur le but d’ Undav et j’ai assisté à l’arrivée de Robert, MickJagger du 1060, venu, clope au bec, lancer un « Nous sommes les Saint-Gillois » repris en choeur.
Alors certes, Frey et Benson sont passés par là. Mais c’est un sentiment de plénitude qui m’accompagnait à mon retour à la maison. C’était un vrai moment de foot. En première division. Face à une équipe qui joue la Ligue Europa. Si les joueurs de l’Union faisaient un communiqué pour remercier leurs supporters, ça me choquerait beaucoup moins que ce qu’a fait Bruno Fernandes.
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