Swann Borsellino
La chronique de Swann Borsellino: tous les chemins mènent à Rom’
Il y a les tours d’honneur et les tours donneurs. En chaussettes ou en crampons sur la piste d’athlétisme du stade Roi Baudoin, les Diables rouges se sont offerts, ce dimanche 5 septembre, un bain de foule et de partage qui devrait être prescrit par le médecin tellement il fait du bien. Successivement donneurs d’émotions, de plaisir et de sourires, les joueurs de Roberto Martínez ont célébré, quasi main dans la main avec leur public, un enthousiasme qui n’était pas uniquement dû à la solide victoire (3-0) obtenue face à la République tchèque. Il y avait dans l’air agréable de Bruxelles non pas un air de rentrée des classes, mais un air de retrouvailles. Retrouvailles entre joueurs et supporters, donc. Retrouvailles avec le plaisir, aussi. Celui de jouer et celui d’assister au spectacle. Car si l’ensemble de la population belge et des observateurs semble s’être habitué aux promenades de santé des Diables rouges en campagne de qualification, nous nous étions aussi accommodés de prestations parfois moins réjouissantes à l’orée et lors de l’EURO 2020.
Mais il suffit de s’attarder sur les mines joyeuses des héros et de leurs fans lors de cette communion pour comprendre que la vérité de ce dimanche est autre. Il est un petit peu plus de 22h30 et la Belgique a revu son Eden. « Ce soir, il a fait vibrer la foule », confiait d’ailleurs Roberto Martínez, au cas où les décibels qui montaient à chaque prise de balle chatoyante du capitaine n’avaient pas suffi. Il y a également eu un plan tactique qui a fonctionné. En l’occurrence une ode à la verticalité avec un Hazard exonéré de tâches défensives et une volonté de trouver le trois avant en une ou deux passes, après une récupération haute. Il y a eu un Thibaut Courtois de gala, d’abord dribbleur coquin, puis héros décisif à deux reprises lors du second acte. Et il y eut donc ce tour d’honneur, conclu en beauté par une prise de parole de Lukaku, devant une foule qui n’attendait que ça. Car force est de constater qu’en dépit d’une prestation collective aboutie et d’un pas de géant fait vers le Mondial 2022, au stade Roi Baudoin, ce 5 septembre, tous les chemins menaient à Rom’.
Des meilleurs, on attend l’excellence et Romelu Lukaku le sait bien.
Et ce dès le coup d’envoi. Tout était méticuleusement préparé pour que le néo-centenaire de 28 ans puisse fêter la nouvelle avec tout le monde. Maman était présente, mais « n’aime pas trop les caméras » selon son fils, souriant, au micro de la RTBF. Puis Big Rom’ n’a eu besoin que d’un appel tranchant, de huit minutes et d’un caviar de Hans Vanaken pour souffler ses bougies à l’aide d’un but. « Après le premier but ? Je pensais au deuxième », racontait-il, glouton, après le match. Dans l’exercice du désir de verticalité imposé par Martínez, Romelu Lukaku avait tout pour être l’un des héros de la soirée. Sa capacité à être un point d’appui des reconversions, d’abord. Son aptitude à orienter le jeu rapidement, via un contrôle et par la bonne passe, souvent vers Yannick Carrasco, ensuite. Par son jeu en une touche, enfin, comme il l’a montré après avoir hérité d’une merveille de déviation de Hazard et avant d’en délivrer lui-même une à un autre fêtard de la soirée : Alexis Saelemakers. Forcément, le héros a quitté l’arène avant la fin du combat, à la 81e. Remplacé par Michy Batshuayi, célébré par un stade entier, mais aussi par Martínez et Thierry Henry, Lukaku est un centenaire heureux, un homme resté toujours le même, mais un joueur dont le statut est désormais aussi large que ses épaules et son ouverture d’esprit.
Il y avait, ce dimanche, un côté Bruce Springsteen dans la performance de Lukaku. Il est celui que l’on était venu voir. Il est celui dont on sait que les prestations ne déçoivent pas. Il est le boss. Buteur lors des douze derniers matches de qualification de la Belgique, il affiche désormais 67 caramels en cent sorties avec les Diables. Incroyable quand on sait à quel point la mise en route a pu être compliquée. Logique quand on s’attache de près à la progression du joueur. Celle-ci a été tellement forte qu’il apparaît inconscient de demander au Romelu d’hier d’arriver à faire des choses que celui d’aujourd’hui arrive à accomplir. Dans la tête comme dans les pieds. Une théorie qui invalide légèrement le seul argument rabâché par les quelques détracteurs qu’il lui reste, qui reprochent à Big Rom’ une « absence dans les grands matches ».
Une posture justifiée par quelques statistiques qui ne s’attellent pas à la réelle empreinte de géant qu’est en train de laisser Lukaku sur le foot belge et international. Le tout à seulement 28 ans, il est bon de le rappeler. Finalement, avec Romelu, il s’agira désormais, après chaque match, avec Chelsea ou les Diables, de savoir s’il a été bon ou mauvais. Des meilleurs, on attend l’excellence et Lukaku le sait bien. Alors il y aura la Nations League, très vite, puis le Qatar 2022, un peu moins, pour avoir des éléments de réponses supplémentaires sur sa légende. En attendant, qu’il profite de ce bain de foule. Il était mérité.
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