Swann Borsellino
La chronique de Swann Borsellino: et maintenant quoi avant le Qatar?
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Un an et demi en votre compagnie et déjà, je radote. Je sais, si vous êtes fidèles lecteurs, je vous ai déjà parlé de ma première venue au stade Roi Baudoin. De Bruxelles, je ne connaissais rien. Du journalisme, pas beaucoup plus, puisque le compte-rendu de ce Belgique-Allemagne du 3 septembre 2010 était le deuxième qui m’ait jamais été confié, après le tragique Slovaquie-Italie du Mondial sud-africain quelques mois auparavant. En quelques clics, j’ai pu retrouver ce « On était à Allemagne-Belgique » que je ne vous conseille absolument pas, même si le « George Leekens dispose d’une génération bourrée de talent qui, si elle est bien gérée, devrait vite redorer le blason du football belge » est assez cocasse à lire aujourd’hui. Ce jour-là, on avait entrevu toutes les qualités de la génération qui montait – une pensée pour Mousa Dembélé, tant rarement un joueur ne m’aura rendu aussi heureux.
Cette campagne-là s’est terminée à la troisième place derrière l’Allemagne et la Turquie, et c’est de la maison que les Diables rouges ont regardé l’EURO 2012. C’est la dernière fois que la Belgique n’a pas participé à une grande compétition et je crois qu’il est important de souligner les mots de Kevin De Bruyne après son récital face à l’Estonie. « Peut-être qu’il y a un peu moins la fête, mais tu dois être très content avec ce qu’il se passe aujourd’hui. C’est la troisième fois qu’on va à une Coupe du monde, et dans la carrière d’un footballeur, c’est beaucoup. Je pense qu’on doit profiter. On joue beaucoup de matches et parfois, tu oublies un peu d’être content sur le moment ». On oublie par exemple que pour la première fois de son histoire, la Belgique fait un cinq à la suite. C’est mieux que la génération Ceulemans, c’est mieux que Julien Lepers à « Question pour un champion », et comme le glisse KDB, c’est tout sauf anodin, encore plus pour un pays d’un peu plus de onze millions d’habitants. Oui, les Diables verront le Qatar 2022. Et nous, qu’allons nous voir ?
Le Qatar 2022 arrive comme un véritable point d’interrogation.
C’est une question chère à Gilbert Bécaud : « Et maintenant ? ». Après la classe bébé du Brésil 2014, les regrets éternels de 2016 et 2018 puis le « ouais bof » de 2021, le Qatar 2022 arrive comme un véritable point d’interrogation. Un mot qui rime avec excitation. Avec dévotion, aussi, tant les cadres apparaissent déterminés et les jeunes affamés. Irrémédiablement, les joueurs vieillissent. Irrémédiablement, on se rapproche de la fin de quelque chose. Irrémédiablement, quelque part dans un ciel gris de novembre, plane le spectre que cette « génération dorée » ne gagnera peut-être rien. On peut faire quelque chose de rare dans le foot : prendre le temps de souffler un peu et de regarder dans le rétro. L’EURO 2020 a été globalement décevant. Le Final Four de Ligue des Nations a ravivé autant d’espoirs, les 45 premières minutes, que de douleurs. Et à chaque rassemblement, les mêmes questions se posent. Qui ? Quand ? Quelle tête aura l’équipe belge à Doha ? Et surtout, quel statut ? Je crois que c’est là le plus important. Pour reprendre à nouveau des propos de mon philosophe préféré, qui a d’ailleurs donné une interview que je ne saurais que vous conseiller à France Football, Kevin De Bruyne a osé comparer les noyaux des grandes nations du foot et celui de la Belgique. Je ne crois pas qu’il sous-estime ses coéquipiers. Je ne crois pas qu’il ne se sent pas 100% persuadé que sur un match, en 2022, la Belgique pourra battre n’importe qui.
Ce que je crois sincèrement, c’est que la Belgique est plus dangereuse en outsider, sans que l’on lui colle l’étiquette de « numéro 1 FIFA » sur le front. Un outsider revanchard dont il ne faut ni oublier les aboutissements – le fameux cinq à la suite, par exemple – ni les immenses déceptions. Une équipe avec laquelle on doit évidemment être exigeant, mais aussi curieux. À un peu plus d’un an du Mondial, c’est désormais ça que j’attends de Roberto Martínez. Une sortie de zone de confort. Pas de la surprise pour de la surprise. Pas de premières sélections offertes par jeunisme. Mais depuis ce Belgique-Allemagne 2010, le temps est passé. Certains, comme Eden Hazard et Romelu Lukaku sont toujours là, d’autres ne le sont plus. L’objectif Mondial 2022 est lancé et chacun sait que ce n’est pas l’équipe prudente entrevue à l’EURO qui viendra bousculer le destin. La qualif’ en poche, à un an du grand rendez-vous, c’est déjà l’heure de se mettre au travail. Encore plus quand on sait le court laps de temps qu’auront les coaches juste avant la Coupe du monde. Au boulot !
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