Swann Borsellino
La chronique de Swann Borsellino: chute à l’avant
Certains scores marquent plus que d’autres. 6-1 en fait partie. Du coup, je vais vous épargner les mauvaises blagues sur le tennis et vous raconter mon premier souvenir de ce résultat. C’était le 15 janvier 1997. J’avais six ans et les yeux remplis d’étoiles au moment de voir Zinédine Zidane pénétrer sur la pelouse du Parc des Princes avec son maillot de la Juventus, sponsor SONY, sur les épaules. En ce soir caillant d’hiver, les Turinois disputaient à Paris la Supercoupe de l’UEFA et mon oncle, alors en campagne intense pour tenter de me faire supporter le PSG, a eu la bonne idée de m’offrir un billet pour le bonheur. 0-4 à la mi-temps, 1-6 score final, du spectacle dans tous les sens et surtout, mon amour pour Zizou et l’Olympique de Marseille qui en est sorti décuplé. Pourquoi cette anecdote, me direz vous? Parce qu’avec le recul, ce jour-là, les Parisiens avaient vite compris qu’en plus du fait que rien n’irait dans leur sens, l’histoire irait dans celui d’une humiliation, sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Mais aussi parce qu’un 6-1 entre deux équipes qui comptent, c’est un résultat indélébile, même quand il s’agit d’un match entre deux équipes dont vous n’êtes pas nécessairement un fan inconditionnel. Vous avez compris où je voulais en venir: comme le PSG, Bruges a vite compris ce dimanche comment la partie allait se terminer à la Ghelamco Arena. Les buts précoces sur les premières occasions, les contres favorables pour l’adversaire, la qualité technique parfois insolente de celui-ci. Bref, autant de voyants au vert pour La Gantoise, qui a vite montré aux Blauw en Zwart qu’en dépit d’une légère révolte au creux de la seconde période, les choses seraient plus que compliquées.
Sur Bruges comme sur toutes les équipes, du haut du panier de la Champions League au fin fond de la P3, il y a à dire.
Mais au-delà du score, il y a le poids du nom. Quand le Standard s’incline 4-0 à l’Union, il y a le poids du nom. Quand Bruges est mené 3-0 à la pause, il y a le poids du nom. Omnipotent ces dernières années en Pro League, Bruges est l’équipe dont on dit qu’elle a raté son match lorsqu’elle partage. L’équipe à qui on cherche une excuse lorsqu’elle s’incline. Celle dont on n’ose finalement pas dire grand-chose tant critiquer sa locomotive, c’est implicitement critiquer tous les wagons qui n’arrivent pas toujours à suivre. Pourtant, sur Bruges comme sur toutes les équipes, du haut du panier de la Champions League au fin fond de la P3, il y a à dire. Pas sur le plan comptable, puisqu’après six journées, les Brugeois pointent à une sereine troisième place, à un petit point de l’Union Saint-Gilloise. Ni sur ce match précis, puisqu’on se gardera bien de tirer des enseignements d’un scénario que l’on vient de décrire rare comme une comète. Toujours est-il que les derniers mois du champion en titre, cette dernière semaine en tête, étaient étranges.
Car en dépit d’un nouveau titre, la saison 2020-2021 a pu être poussive par moments, notamment en play-offs. Les prestations collectives ont parfois décliné, souvent rattrapée par un coup de génie de Noa Lang ou d’un autre. Surtout, on se rappelle du véritable échec de l’année passée, certes imputable au Covid, cette élimination à domicile en seizième de finale de la Ligue Europa, face à Kiev. L’Europe, la suite logique pour la machine brugeoise après avoir montré de si belles choses, face à la Lazio ou face au PSG. Un PSG qu’ils retrouveront très vite, le 15 septembre, et c’est là l’une des mauvaises nouvelles de la semaine. Si chacun aura le droit de dire: « C’est super, il va y avoir des matches incroyables », devoir se farcir Manchester City, le PSG et surtout Leipzig comme concurrent pour une potentielle troisième place, bon courage! Mais ce qu’il y a de beau avec Bruges, ce sont les perspectives. Celles de porter pour la première fois un maillot jaune à Gand, de chuter comme rarement, puis d’envisager de remonter sur son vélo avec l’aisance et l’envie d’un Remco Evenepoel. Car pendant que le tirage au sort réservait l’enfer aux hommes de Philippe Clement, le mercato ramenait Wesley à bon port pour un an, ainsi que le génial Kamal Sowah, alors que le 31 août n’avait pas encore pointé le bout de son nez. Alors certes, le mercato ne fait pas tout, le vide laissé par Odilon Kossounou se voit encore, comme les failles entraperçues en deuxième partie d’exercice 2020-2021. Mais on se gardera bien d’enterrer Bruges après une raclée. On se contentera de s’en souvenir. Comme de ce PSG-Juve.
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