Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier | Les fumigènes, l’arme fatale pour stigmatiser les “soi-disant supporters”
L’association des journalistes sportifs belges préconise de ne plus utiliser les shows pyrotechniques dans les stades comme images d’ambiance. Et de ne montrer que leur mauvais côté.
Entre la fin de la phase classique et le début des play-offs, le football ne s’est pas joué que sous les tuniques internationales. Devant les tribunaux aussi, le ballon rond a continué de tourner. Les sanctions collectives prononcées par le Sporting de Charleroi à l’encontre d’un groupe Ultra suite à l’arrêt momentané de la rencontre entre les Zèbres et l’Union Saint-Gilloise ont été jugées illégales, évitant de créer une jurisprudence qui aurait sans doute donné aux clubs de football un pouvoir démesuré dans la gestion des supporters qui paient pour entrer dans leur stade.
Objets de la discorde, car alors à l’origine de l’arrêt du match, les engins pyrotechniques déployés par les Storm Ultras (le groupe des supporters carolos incriminé) pour célébrer l’anniversaire de leur union avec les fans du club allemand du SC Preußen Münster. Souvent, c’est leur envoi ou leur chute sur la pelouse qui suscite les interruptions de match, permettant alternativement aux fans les plus brûlants d’afficher soutien ou colère à l’égard de leurs couleurs. Leur donnant donc la possibilité, aussi, de renvoyer définitivement leur équipe aux vestiaires. Un pouvoir démesuré, là aussi, qui agace forcément les décideurs.
La presse, elle, est censée relater ces conflits. Sportspress.be, l’organisme qui rassemble les journalistes sportifs, a pourtant averti ses membres d’une prise de position plutôt musclée dans le débat. Si elle précise qu’elle «défend la libre recherche d’informations et n’a, bien entendu, pas l’intention de restreindre la collecte libre d’informations», l’association préconise une invisibilisation de tout spectacle pyrotechnique venu des tribunes, sauf si les images ont «une réelle valeur d’actualité», c’est-à-dire si elles sont à l’origine de l’arrêt d’une rencontre. «Ce qu’on appelle des images d’ambiance», précise Sportspress, devrait donc disparaître des écrans et des articles de presse car «après tout, les soi-disant supporters qui utilisent du matériel pyrotechnique cherchent avant tout à être visualisés».
Allumer un engin pyrotechnique vous ferait donc quitter la caste des vrais supporters, ne devenant plus qu’un «soi-disant». Tant pis si ceux qui craquent dans les gradins sont souvent ceux qui font le plus de bruit pour encourager leurs couleurs, créant des ambiances à part que beaucoup aiment vivre, au cœur de l’action ou depuis une autre tribune. Tant pis, aussi, si les joueurs apprécient ces moments où le kop vibre et s’illumine, pour les sublimer ou impressionner l’adversaire.
Il y a évidemment des dérives. Des supporters qui prennent trop de pouvoir comme des feux de bengale qui retombent mal et font des dégâts. Souvent placés derrière un but et donc devant le kop, les photographes de presse sont au premier rang des victimes potentielles, et Sportspress veut légitimement les protéger. L’intention est louable, la stigmatisation regrettable. Parce que l’ambiance est loin d’être anodine dans la vie d’un club. Demandez à ceux qui ont joué des matchs qui sonnaient creux pendant le Covid. Ou aux Zèbres, tiens, qui n’ont gagné qu’un match en cinq apparitions à domicile lors de l’absence de leurs Ultras. Peut-être méritent-ils aussi qu’on en parle. Et qu’on les montre quand tout va bien.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici