Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier| Les Diables ont du talent, mais où est leur intelligence de jeu?
Les Diables de Domenico Tedesco peinent à trouver un fil conducteur. Peut-être parce qu’ils manquent de joueurs qui font mieux jouer les autres.
Le storytelling, c’est commode. Cela vous permet, par exemple, de faire un lien de cause à effet entre l’installation d’un plan censé révolutionner la formation des jeunes talents dans le football belge et l’éclosion, quelques années plus tard, des joyaux de la désormais célèbre «génération dorée». L’histoire raconte alors qu’au sein de la Fédération belge de football, indignés par les prestations sans saveur des Diables lors d’un Euro 2000 quitté prématurément à domicile, les décideurs sportifs sonnent la révolution. Des matchs en plus petit comité chez les petits, une incitation plus importante au «fun» et des duels dès le plus jeune âge. Partout, le fil conducteur devient le dribble. Une réalité qui s’incarne très vite en équipe nationale dans les chevauchées d’Eden Hazard, même si le numéro 10 des Belges a surtout appris le football à Lille, de l’autre côté de la frontière. Même si le talent brainois est bien plus un créateur qui dribble qu’un simple slalomeur.
La vraie Belgique de demain, celle sortie des manuels des formateurs nationaux, commence à émerger quand les Diables de l’hasardeuse génération dorée se parent de bronze au Mondial en Russie. Elle démarre de Youri Tielemans, et va actuellement jusqu’à Julien Duranville. Très vite, Roberto Martínez est interpellé par ces entraînements belges qui se déroulent si souvent entre les deux surfaces, n’allant que trop rarement dans les zones de vérité ou les matchs se gagnent ou se perdent. On forme alors beaucoup de talents qui jouent au foot, mais trop peu de footballeurs.
Le résultat, ce sont de nouveaux Diables plus joueurs que gagneurs. Plus dribbleurs que passeurs. Idéal pour les amateurs de highlights sur les réseaux sociaux, qui se régalent des envolées individuelles de Jérémy Doku, Malick Fofana, Johan Bakayoko ou Julien Duranville. Moins pour un sélectionneur qui doit créer une symphonie collective mettant en évidence ses solistes tout en protégeant une défense où rares sont ceux qui savent vraiment fermer les portes de leur but à double tour. Faire jouer juste un orchestre composé de danseurs de breakdance est le défi que galère aujourd’hui à relever Domenico Tedesco.
Entre les blessures de plus en plus nombreuses (et le spleen de plus en plus évident) de Kevin De Bruyne et l’éclosion annoncée mais sans cesse freinée de Roméo Lavia, la Belgique attend désespérément un organisateur pour faire chanter ensemble ses dribbleurs. Pendant que le dernier Ballon d’or a sacré l’Espagnol Rodri, milieu défensif qui brille bien plus par la vitesse de son cerveau que par celle de ses jambes, les Diables voient sans cesse émerger de nouveaux dribbleurs supersoniques. Comme si pour esquisser son avenir, la Belgique s’était inspirée des joueurs télégéniques que seul le Brésil semblait capable de produire. Le problème, c’est qu’à part la Copa América de 2019, la légendaire Seleção n’a remporté aucune des dix dernières grandes compétitions (Coupe du monde ou Copa) auxquelles elle a pris part.
Même en multipliant les joueurs qui dribblent plus vite que tous les autres, les Diables semblent encore avoir un temps de retard.
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