Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier| Le cas Karetsas: la Fédé doit-elle faire des folies pour le prodige belgo-grec?
Kostas Karetsas a marqué son premier but en D1 face à Anderlecht. Tous présentent le gamin de 17 ans comme un talent générationnel. Et la Belgique pourrait le perdre…
Plaqué au sol par un coéquipier, il a tout juste le temps de glisser les mains devant ses yeux. Peut-être parce qu’en étant ainsi allongé sur la pelouse moletonnée de la Cegeka Arena, il aurait pu croire qu’il rêvait. Kostas Karetsas vient pourtant bel et bien de marquer son premier but au sein de l’élite du football belge. Tout ça dans le cadre d’un duel au sommet entre son équipe de Genk, leader, et Anderlecht, troisième. Une scène grandiloquente pour une première fois, mais finalement à la hauteur d’un talent dont tout le Limbourg, et même toute la Belgique attend monts et merveilles.
Avant même de fêter ses seize ans, Kostas Karetsas avait fait ses débuts avec l’équipe espoirs de Genk en Challenger Pro League, le deuxième échelon du foot belge. Avec une passe décisive dès sa première apparition, puis trois autres lors de la suite du championnat, assorties de six buts dont quelques bijoux. Suffisant pour confirmer une réputation déjà bien établie, et lancer très tôt le débat de sa future affiliation nationale. Une naissance dans le Limbourg pour la réalité belge, mais un nom qui trahit des racines grecques. Les deux fédérations font évidemment les yeux doux à un joueur que beaucoup imaginent bientôt dans les plus grands clubs d’Europe. Et la double drague met inévitablement chaque fait et geste de l’adolescent sur le devant de la scène médiatique. Quand il va chercher un passeport grec, l’information fait le tour de la presse hellène et tend des micros belges sous son nez à la moindre opportunité. C’est évidemment beaucoup de pression pour un joueur qui n’a fêté ses 17 ans qu’en novembre. Tout le monde du football en est conscient. Mais tout le monde lui met la pression quand même.
Dans les couloirs de la Fédération, la question se pose de plus en plus franchement: faut-il sélectionner Karetsas avec l’équipe nationale adulte (NDLR: il ne compte pour l’instant que deux apparitions chez les espoirs) et le faire jouer dès que possible, histoire de l’empêcher définitivement d’opter pour une autre nationalité? Si elle n’est pas encore justifiable en termes sportifs, dans un secteur de jeu où la Belgique peine même à offrir un temps de jeu conséquent à un Charles De Ketelaere qui survole le championnat italien, une sélection « politique » ne serait pas une première. Marc Wilmots avait repris dès août 2013 un Zakaria Bakkali qui avait fait ses débuts professionnels moins d’un mois plus tôt. L’année suivante, Adnan Januzaj et ses multiples passeports avaient opté pour les Diables en échange d’une place dans la liste des 23 Belges appelés à disputer la Coupe du monde au Brésil. Des soupçons semblables avaient entouré la première sélection, très précoce, de la fusée Jérémy Doku sous les ordres de Roberto Martinez en 2020.
La Belgique doit-elle offrir des privilèges sportifs, voire extra-sportifs à l’un des plus grands talents de sa génération? Selon qu’on se penche sur la trajectoire réussie de Doku ou la carrière cabossée de Bakkali, la réponse pourrait bien différer. La raison voudrait que la Fédération laisse faire la logique sportive. Mais si le football était rationnel, il ne mettrait sans doute pas une pression hors-normes sur les épaules d’un jeune joueur de 17 ans pour connaitre la couleur de son coeur.
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