Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier| Charleroi et son «Cap 2027», un bullshit à l’américaine?
En crise au présent, le Sporting de Charleroi a présenté ses plans d’avenir. Avec un futur qui semble sorti d’un post LinkedIn pour une moitié, des bons souvenirs de Mehdi Bayat pour l’autre.
La question est adressée à David Helmer, mais la réponse vient de Mehdi Bayat. Lorsqu’un journaliste demande à l’investisseur américain du Sporting de Charleroi son avis sur le mercato écoulé, c’est l’homme fort des Zèbres depuis plus d’une décennie qui répond: «Cette conférence de presse parle de la stratégie du club. Je ne veux pas qu’on dévie sur d’autres sujets, comme de savoir si le numéro 9 est bon ou pas.» Le club carolo présente effectivement son «Cap 2027», et n’a visiblement pas prévu de laisser place à des voix dissonantes dans cette mise en mots et en images d’un futur forcément radieux.
Mehdi Bayat aime les plans. «Au moment où j’ai lancé mon plan 3-6-9 à la reprise du club, personne n’y croyait», chantonne-t-il à chaque interview quand les premières saisons ressemblent à une formidable ascension. Alors vendue comme révolutionnaire, son idée de planifier (et de médiatiser) l’avenir de son club sur trois, six puis neuf ans le propulse sur le devant de la scène des dirigeants du football belge. Sa méthode est vantée jusqu’aux couloirs de l’Union belge, dont il devient président, et d’aucuns lui voient même un avenir brillant à l’UEFA, la fédération européenne du ballon rond. Tout ça ne date même pas d’il y a cinq ans, mais semble aujourd’hui bien loin.
Parce que le présent ne lui sourit pas, Mehdi Bayat cherche donc ses certitudes dans ses réussites passées. Il l’avait déjà fait il y a deux ans, quand il avait rapatrié Felice Mazzù et gommé toutes les évolutions induites par la nomination d’Edward Still sur son banc de touche. Cette fois, la tentative de résurrection passe par l’écriture d’un nouveau plan. Le hic, c’est qu’il faut proprement glisser sous le tapis l’étape «Horizon 2024», présentée en 2019 et qui ressemble à l’autopsie à un échec retentissant.
Parce que la communication est aussi maîtrisée que sur un post LinkedIn, le Sporting de Charleroi raconte pourtant dans sa brochure d’accompagnement que le club «s’est hissé à deux reprises dans le Top 6 sur les quatre dernières saisons». Tant pis si les quatre derniers résultats finaux des Zèbres sont une 13e, une 9e, une 7e et une 13e places. C’est de toute façon de l’avenir dont il est question, avec un cap fixé pour les trois prochaines années et assorti de terminologies et de concepts à l’américaine, présence de David Helmer oblige. Près d’un an après son arrivée, l’homme venu de l’autre côté de l’Atlantique n’a rien de véritablement concret dans son bilan, si ce n’est quelques visites en tribune ou une lettre aux supporters en fin de saison dernière.
Le problème est que cette année de réunions, de brainstormings et de keynotes n’a accouché que de bonnes formules. «En consolidant ses bases et en anticipant les défis de demain, le Sporting souhaite se hisser parmi les meilleures équipes du pays et renforcer son statut de modèle de gestion dans le football belge», peut-on lire. Dans les faits, les Zèbres d’un Rik De Mil qui fait pourtant l’unanimité dans son vestiaire n’ont gagné que quatre fois, dont trois contre les trois derniers du championnat, et ont été humiliés par une équipe de D2 en Coupe de Belgique. Tout ça n’était, hélas, pas écrit dans le plan.
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