Guillaume Gautier

La chronique de Guillaume Gautier| Avec Kyei, le mercato devient de l’impro

Guillaume Gautier Journaliste

L’été de Grejohn Kyei, arrivé au Standard puis prêté à Charleroi en quelques mois, interroge le professionnalisme du recrutement des Rouches et des Carolos.

Entre le Standard et Charleroi, les transferts sont plutôt rares. Une question d’animosité entre les deux camps, transformant chaque passage de l’un à l’autre en trahison. Felice Mazzù l’avait ressenti lors de son flirt avec les Rouches à l’automne 2014, après le licenciement de Guy Luzon, expliquant plusieurs années plus tard qu’il avait retenu la leçon et qu’il ne quitterait jamais immédiatement Charleroi pour la Cité ardente.

Dans l’autre sens, les mouvements sont encore moins fréquents. C’est pourtant ce que vient de vivre Grejohn Kyei, attaquant français arrivé à Sclessin cet été et parti vers le Pays Noir quelques semaines plus tard. Un transfert qui fait forcément grincer des dents dans les tribunes du Mambourg, où le deal donne l’impression d’avoir fait les poubelles du principal rival. En bord de Meuse, en effet, le tempétueux entraîneur Ivan Leko avait placé le colosse venu de Clermont sur la liste des indésirables. Complètement hors de forme à son arrivée, avec des tests physiques aux résultats très loin des standards du football professionnel lors des premiers entraînements, l’homme qui avait inscrit dix buts en Ligue 1 française lors de la saison 2022-2023 semblait loin d’être capable de porter une attaque liégeoise en quête de talent.

Le Standard s’est donc rabattu sur le buteur suisse de Genk Andi Zeqiri, initialement cible privilégiée de la fin de mercato de Charleroi. Pour compléter l’absurdité de l’histoire, on ajoute encore le nom de Dennis Eckert Ayensa, très proche de s’engager au Standard, puis proposé à Charleroi quand les Rouches ont accéléré sur le dossier Zeqiri. Finalement, l’Allemand aussi a opté pour Sclessin. Les Zèbres sont alors contraints de négocier avec un plan C qu’il faut vendre médiatiquement comme un plan A, racontant un suivi appliqué de longue date depuis le début des années 2020. Proche de plusieurs agents qui ont leurs entrées à Clermont, comme David Lasaracina ou Thomas Buanec, Mehdi Bayat connaissait-il les résultats médicaux parfois interpellants de Grejohn Kyei, en grande délicatesse avec son genou?

Si le retour de Raymond Mommens a servi de façade au renouveau de la «cellule de scouting» (toujours très restreinte en bord de Sambre) et que l’arrivée de l’investisseur américain David Helmer devait enlever une partie des responsabilités pesant sur les épaules de Mehdi Bayat, l’homme fort de Charleroi depuis plus d’une décennie a toujours la main avec peu de contrepoids décisionnel sur la destinée sportive du Mambourg. C’est lui qui a décidé de traîner le dossier de l’attaquant de pointe en longueur, restant convaincu que c’est en fin de marché qu’on réalise les meilleures affaires et que l’ouverture plus tardive du mercato belge allait permettre de débaucher des noms barrés dans de meilleurs clubs des grands championnats. A l’heure du bilan, Grejohn Kyei est loin d’être l’incarnation pratique de cette théorie. Peut-être que son esprit revanchard et son sens du but feront des merveilles à Charleroi, mais les Zèbres ne se seront pas offert le luxe d’avoir des garanties.

Le dossier fait presque oublier l’erreur originelle du Standard, qui a recruté un attaquant qui ne correspondait en rien à ce qu’il cherchait. La preuve que même en 2024, à l’heure des datas démocratisées et des recruteurs minutieux, un transfert peut encore être un spectacle d’impro.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire