Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier: l’analyse du résultat, c’est un piège
En play-offs, la culture du résultat est plus importante que jamais. Surtout dans l’analyse, où les conclusions hebdomadaires oscillent entre l’excessif et le prématuré.
Il est de ces phrases dont on aime se moquer dans les zones mixtes, là où les journalistes s’entassent pour attendre quelques mots des acteurs d’un match et repartent souvent déçus par la vacuité présumée des propos. Souvent, pour diluer l’attente, on prédit qu’un joueur arrivera face aux micros et refusera de se projeter vers les échéances à venir, dégainant comme un bouclier l’une des formules les plus usitées de la spécialité: «On prend match par match.»
Chaque année, les play-offs et leur potentiel inestimable de rebondissements rappellent pourtant la justesse de l’idée. Parce qu’en six journées à peine, l’Union Saint-Gilloise a par exemple été considérée comme intouchable, puis irrécupérable, avant de se remettre dans la course au doublé par la grâce de deux succès face au champion en titre anversois. Sans spécialement mieux jouer que lors de ses quatre défaites précédentes, preuve que les conclusions se tirent plus en regardant les résultats que les matches. Dans le même laps de temps, on a vu Anderlecht, puis un petit peu Genk, et désormais Bruges devenir le véritable favori pour le titre.
Dans la Venise du Nord, on a alors copieusement tiré sur Ronny Deila, passé de faiseur de miracles au Standard à cauchemar en bleu et noir. L’analyse raconte désormais un Bruges plus dominant que jamais, pendant que la froideur des chiffres pointe une possession moyenne tombée sous les 50% en play-offs, une chute de 507 à 417 passes par rencontre ou une production offensive moindre (2,04 expected goal par match en phase classique, 1,62 en play-offs) qui contraste avec le feu d’artifice brugeois devant le but adverse. Indéniablement, quelque chose a changé au stade Jan Breydel. Sans doute une question d’énergie plus que de jeu. Le Club est au sommet de la hype et dans ces cas-là, toute l’analyse se biaise sur l’autel du résultat.
Vanté voici quelques semaines pour sa solidité en défense et son réalisme glacial dans la surface adverse, c’est au tour d’Anderlecht de quitter la vague pour plonger dans le cyclone. Désormais, on pointe du doigt les limites tactiques de l’entraîneur Brian Riemer, coupable de n’avoir pu poser une véritable griffe collective sur une équipe dont on saluait pourtant encore récemment la longue série de 19 rencontres sans défaite en championnat. En quelques jours, d’une victoire autoritaire contre le Cercle à un partage sur le terrain des mêmes Brugeois, le débriefing est passé du cynisme aux critiques. D’une équipe qui avait trouvé la recette pour déjouer le pressing du Cercle à un club incapable de trouver un fil conducteur collectif quand ses talents offensifs déclinent.
C’est un autre cliché bien connu des analyses sportives. «Ce sont les détails qui font la différence.» Dans une compétition aussi serrée, tant en termes de points que de qualité des équipes, la formule est bien réelle. La demande d’analyse sans cesse croissante, dès le coup de sifflet final puis dans les jours qui suivent, amène pourtant à tirer des conclusions d’ampleur au terme de résultats parfois fixés sur une phase arrêtée ou une grossière erreur défensive. Et si, autour du terrain, il fallait aussi se mettre à prendre match par match?
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