Guillaume Gautier

La Belgique a un problème: elle forme des défenseurs, mais savent-ils vraiment défendre?

Guillaume Gautier Journaliste

La Belgique fait face à un étonnant creux générationnel à un poste historiquement fiable. La faute à une formation qui aime trop le ballon?

Aux prémices de la génération dorée, quand la Belgique du football mettait son réveil pour assister aux prestations des Diables olympiques de Jean-François De Sart, en 2008 à Pékin, l’inquiétude était plutôt aux avant-postes. Certes, Moussa Dembélé était le footballeur le plus télégénique de sa génération. Bien sûr, la frappe de Kevin Mirallas faisait trembler les gardiens et les filets. Pourtant, c’est l’absence de talents offensifs de premier rang qui faisait alors débat au sein d’une Belgique du futur prête à changer de statut. Parce qu’en défense, il y avait déjà Jan Vertonghen, Thomas Vermaelen et Vincent Kompany, alors qu’il y avait encore Daniel Van Buyten et qu’on s’apprêtait à connaître Toby Alderweireld.

Quinze ans plus tard, Jan Vertonghen est toujours là, et l’information en dit sans doute plus sur le niveau de la relève que sur le sien. Patrie historique de défenseurs souvent robustes et parfois même élégants, la Belgique des années 1990 était celle de Philippe Albert ou de Georges Grün. Une terre envahie plutôt que conquérante, forgeant forcément des caractères plus enclins à l’abnégation et à la résistance qu’à la confiance parfois arrogante de ses voisins du nord ou du sud.

Cette Belgique-là a changé. Excepté Zinho Vanheusden, diamant taillé entre le Standard et l’Italie mais trop fissuré par les blessures pour briller autant que prévu, elle n’a plus vu éclore de défenseur à l’étoffe de référence mondiale depuis l’éclosion des cadres de sa génération dorée. Certes, les parcours cabossés de Wout Faes ou d’Arthur Theate rappellent les trajectoires à la dure des joueurs d’autrefois, mais leur plafond semble bien plus bas que celui des matchs décisifs de Ligue des Champions. Les deux hommes restent, en plus, des exceptions au sein d’un pays désormais bien plus enclin à former des profils comme celui de Zeno Debast, numéro 10 chez les jeunes et reconverti défenseur central sur le tard. Avec une relance digne d’un meneur de jeu, forcément, mais un poste longtemps trop avancé sur le terrain pour le doter du fameux instinct défensif qui faisait la marque de fabrique des références défensives belges du passé.

Pour bien défendre, il faut avant tout aimer défendre. Dominer sa suface, penser sans arrêt au moment où son équipe n’aura plus le ballon, envisager tous les scénarios qui pourraient provoquer une avarie dans l’organisation collective. Des tâches peu télégéniques, donc peu valorisées par le grand public ou les consultants, et par conséquent souvent laissées au second plan. Aujourd’hui, un défenseur qui gagne l’essentiel de ses duels aériens, fait un tacle spectaculaire de temps en temps et impressionne à la relance est souvent trop vite considéré comme un talent défensif. Au sein de la Fédération aussi, on a longtemps fait cette même erreur, Roberto Martínez faisant remarquer à son arrivée en Belgique que l’essentiel des séances d’entraînement se déroulaient entre les deux surfaces, oubliant l’écolage si précieux du comportement dans les zones de vérité. Sauf exceptions, la Belgique peine donc à se trouver des buteurs et des défenseurs. L’ennui, c’est qu’on dit des uns qu’ils gagnent des matchs, et des autres qu’ils soulèvent des trophées.

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