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Jules Van Cleemput, un Flamand chez les Zèbres: « Charleroi est arrivé au meilleur moment »

Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Un Flamand au Mambourg, c’est rare. Jules Van Cleemput a lui-même été surpris. Mais positivement: « J’ai l’impression d’avoir débarqué dans une grande famille. C’est comme à Malines: nous contre eux. »

Jules Van Cleemput (23 ans) est le genre de footballeur que chaque club rêve de posséder. Les supporters louent son engagement, ses tacles appuyés et ses raids enthousiastes dans le couloir. Les entraîneurs sont enchantés par son attitude positive et collective dans le vestiaire, et son implication à l’entraînement. Ses coéquipiers apprécient son sens de l’humour et son esprit de camaraderie. Bref, Charleroi a fait une bonne affaire en attirant l’ancien arrière droit de Malines. D’autant que les Zèbres n’ont dû débourser qu’un million d’euros.

Un Flamand au Pays Noir, c’est rare. Au cours des vingt dernières années, on ne relève que Tony Herreman (2001-2003), Karel Geraerts (2014-2016), Tim Smolders (2006-2009) et Amine Benchaib (arrivé en juillet). Jules Van Cleemput, qui est né et a grandi à Anvers, suit désormais leurs traces.

Quelle a été ta première réaction lorsque tu as appris l’intérêt concret de Charleroi?

JULES VAN CLEEMPUT: Je me suis dit que sportivement, c’était un pas en avant, en direction d’un club qui avait toujours côtoyé les sommets ces dernières années. Je dois cependant reconnaître que je me suis aussi posé des questions sur l’aspect pratique. Du genre: où allais-je habiter? Pourrais-je encore voir fréquemment mes amis et mes parents? À Malines, je n’étais qu’à un quart d’heure d’Anvers. Il n’était pas rare qu’après l’entraînement, j’aille boire un café au centre-ville en donnant rendez-vous à des amis. J’aime avoir mes habitudes. Je ne connaissais rien ni personne à Charleroi, je restais dans mon appartement à Waterloo. Pendant un moment, ce fut dur, surtout en novembre, lorsque les résultats n’étaient pas terribles et que les supporters commençaient à critiquer.

Charleroi est un club chaleureux. L’image du club pâtit un peu de celle de la ville, décrite comme grise, mais ça ne correspond pas à la réalité. »

Jules Van Cleemput

J’ai déjà traversé des moments difficiles durant ma carrière, en particulier lors de mes deux graves blessures. Depuis, je sais comment je dois m’en sortir. Mais ces derniers temps, j’ai été heureux de discuter avec ma mère. Elle m’a appris à relativiser. Car je suis un vrai sensible, qui se met rapidement à douter. Ma mère m’a dit que si Charleroi m’avait proposé un contrat, c’est qu’il y avait une raison. C’est d’ailleurs ce que Mehdi m’avait confirmé durant les négociations: si je signais, c’était pour être titulaire. C’était un signal important, car si c’était pour m’asseoir sur le banc, autant rester à Malines où je connaissais tout le monde. J’ai opté pour le projet sportif qu’on m’a proposé.

J’ai apprécié le fait que tant le coach que la direction m’ont toujours soutenu durant cette période difficile. Charleroi est un club chaleureux. L’image du club pâtit un peu de celle de la ville, décrite comme grise, mais ça ne correspond pas à la réalité. J’ai l’impression d’avoir débarqué dans une grande famille, avec Nadine, qui veille sur tout le monde comme une maman, mais aussi avec un président qui est présent tous les jours et qui a un très bon contact avec tous les joueurs.

Un président de club qui est aussi le président de l’Union belge, voilà qui doit impressionner un jeune footballeur?

VAN CLEEMPUT: Oui, dès le premier entretien. Mehdi est un homme d’affaires moderne, mais aussi un homme correct et d’agréable compagnie. Il sait ce qu’il fait et comment il doit s’adresser aux gens. Il n’est pas Belge, et pourtant, il a réussi à devenir le président de la fédération: cela en dit long sur ses qualités. Il a aussi de bonnes relations, ce qui permet aux joueurs de Charleroi de partir plus tard dans des clubs intéressants, comme mon prédécesseur à l’arrière droit, Maxime Busi, qui est parti à Parme. C’est un projet qui reste dans un coin de ma tête, mais avant de songer à un éventuel départ, je dois d’abord m’imposer au Mambourg.

Jules Van Cleemput, ici au duel avec l'Anderlechtois Antoine Colassin:
Jules Van Cleemput, ici au duel avec l’Anderlechtois Antoine Colassin: « Mehdi Bayat m’avait confirmé durant les négociations que si je signais, c’était pour être titulaire. »© KOEN BAUTERS

Ce transfert signifie-t-il que tu envisages désormais ta carrière footballistique d’une autre manière?

VAN CLEEMPUT: À Malines, j’étais dans ma zone de confort, mais si je veux progresser, je dois me montrer ambitieux et oser relever des défis. L’hiver dernier, des clubs allemands s’étaient intéressés à moi – Cologne et Mayence, je pense – et cet intérêt m’avait énormément motivé, mais c’est alors que je me suis gravement blessé ( déchirure du ligament de la cheville, ndlr) et ma principale préoccupation était ma guérison. Après l’été, j’ai constaté mes progrès à Malines. Charleroi est arrivé au meilleur moment.

« Travailler dur et se donner à fond en toutes circonstances »

As-tu déjà pu démontrer tes qualités d’ambianceur à Charleroi?

VAN CLEEMPUT: Non, pour l’instant, je me contente encore d’observer. Il y a la barrière de la langue évidemment, même si je parle un peu le français, que j’ai appris lors de mon année avec les jeunes du Standard, mais je ne veux pas m’affirmer dès le début comme une grande gueule. À Malines, je n’appréciais pas non plus lorsque des nouveaux arrivants faisaient directement entendre leur voix.

Tu n’as donc pas encore raconté ton Irish tale?

VAN CLEEMPUT: ( Il rit) Non. À Malines, c’était devenu un rituel dans le vestiaire après une victoire. Et la saison dernière, on gagnait souvent. Ça a commencé il y a deux ans, à Knokke, où on s’était rassemblés après la saison pour fêter la victoire en Coupe de Belgique et la montée en D1A. Seth De Witte m’avait montré ce petit film et encouragé à essayer. ( Il suffit de taper « Irish tale » sur You Tube pour comprendre de quoi il s’agit, ndlr) Je suis monté sur une chaise et je me suis adressé au groupe. Évidemment, on avait déjà bu un petit verre.

Tu l’as dit, Charleroi n’est pas ta première expérience en Wallonie. Tu as joué une saison avec les U15 du Standard. Comment es-tu arrivé là?

VAN CLEEMPUT: Le Standard possède une bonne académie, qui attire de nombreux jeunes talents. C’était un pas important que je franchissais, en passant du foyer familial à l’internat, mais j’ai beaucoup appris là-bas. Chez les jeunes, on avait des entraînements donnés par Eric Deflandre. En tant que défenseur, j’étais encore très impulsif, mais il m’a appris l’importance de la position du corps par rapport au ballon et à l’adversaire. J’ai quitté le Standard après un an parce qu’on m’y voyait comme un vrai défenseur alors que je voulais encore jouer dans l’entrejeu – j’ai encore joué en numéro 10 ou soutien d’attaque à Malines. Je voulais marquer et être important. ( Il rit)

Jules Van Cleemput, un Flamand chez les Zèbres:
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T’es-tu déjà fondu dans le moule de Charleroi, ou te sens-tu encore comme un Flamand perdu en Wallonie?

VAN CLEEMPUT: Le sentiment qui prévaut, c’est « nous contre eux ». Comme à Malines, d’ailleurs. Ce club travaille bien depuis longtemps, et pourtant, la vraie reconnaissance se fait attendre. Mais c’est aussi une source de motivation. Travailler dur et se donner à fond en toutes circonstances, c’est un sentiment qui vaut aussi pour les supporters. Ils font parfois preuve d’autodérision et se moquent eux-mêmes de l’image un peu grise qui se dégage du club et de la ville.

Certains de tes nouveaux équipiers t’ont-ils impressionné?

VAN CLEEMPUT: Les anciens sont très collégiaux, malgré leurs états de service. Je vais par exemple à l’entraînement avec Guillaume Gillet. Et puis, il y a des joueurs comme Ali Gholizadeh, dont on se demande parfois comment il parvient à se sortir de certaines situations avec ses dribbles. J’ai une bonne relation avec lui, il rentre régulièrement dans le jeu – comme Kaya à Malines – et libère de l’espace pour moi sur le flanc. Si c’est Mamadou Fall qui joue devant moi, c’est différent: il aime chercher lui-même l’espace. Les automatismes doivent encore être peaufinés, mais je trouve que derrière, nous faisons déjà preuve d’une belle maturité.

Charleroi est parfois considéré comme une équipe défensive. En parle-t-on dans le vestiaire?

VAN CLEEMPUT: Former un bloc bien organisé, comme l’Atlético de Madrid le fait également, c’est une qualité. L’adversaire ne nous prend pas facilement en défaut. Nous avons deux lignes de quatre joueurs, et deux attaquants qui décrochent souvent. C’est une force, et pour un défenseur, c’est très agréable d’évoluer dans un tel système. À Charleroi, nous nous replions un peu plus qu’à Malines et nous misons davantage sur les reconversions, mais ça nous réussit plutôt bien.

« Je viens d’une vraie famille de Beerschotmen »

Tu es perçu comme un vrai Malinois, mais en réalité, tes racines se trouvent au Beerschot.

VAN CLEEMPUT: Je viens d’une vraie famille de Beerschotmen, qui est née et a grandi à Wilrijk. C’est là que j’ai appris à jouer au football, que mon père a joué au football et que mon grand-père m’emmenait pour aller voir l’équipe lors de tous les matches à domicile. C’était l’époque de Jurgen Cavens, de Daniel Cruz et de François Sterchele…. Je me souviens m’être rendu au Heysel en bus pour la finale de la Coupe de Belgique. Ce sont des souvenirs que l’on n’efface pas de sa mémoire et c’est la raison pour laquelle ce club gardera toujours une place à part dans mon coeur.

Cela ne m’a pas facilité la tâche, lorsque la rivalité avec Malines a grandi et que les deux clubs luttaient en D1B pour monter à l’étage supérieur. La haine était perceptible entre les deux clans, on nous traitait de mafieux. J’étais dans une position inconfortable. Certains de mes amis, qui étaient supporters du Beerschot, ne m’ont pas épargné. Je trouvais ça injuste. Nous avons été accusés d’avoir truqué un match, mais d’une part, c’était raté puisque nous sommes quand même descendus, et d’autre part ça n’avait rien à voir avec notre titre en D1B, qui a été conquis à la régulière. On n’a pas volé cette promotion, on était la meilleure équipe de la série. On ne peut pas condamner un club sur base d’éventuels agissements d’un dirigeant. Les joueurs, le staff et les supporters n’avaient rien à voir avec cette Opération Mains Propres.

N’en a-t-on pas parlé dans le vestiaire?

VAN CLEEMPUT: Bien sûr, on se posait aussi des questions. On a été rassurés par la direction. Dieter Penninckx ( patron de Brantano et principal actionnaire de Malines, ndlr) s’est montré très correct envers nous. Il a été très important pour Malines durant cette période sombre. J’ignore ce qu’il est arrivé par la suite avec sa société, je ne connais pas les détails, donc je ne veux retenir que le positif de lui.

Tu as raté les meilleurs moments de Malines: tu étais blessé lors de la finale de la Coupe de Belgique et de la finale de D1B.

VAN CLEEMPUT: C’est vrai, mais ces trophées figurent quand même à mon palmarès. Cela dit, à mes yeux, je n’ai effectivement pas remporté la Coupe. J’étais assis en tribune, frustré. Ça me reste toujours sur l’estomac. C’est pareil pour la finale aller-retour de D1B contre le Beerschot: ce sont des moments que l’on ne vit peut-être qu’une seule fois dans une carrière. Mais ça fait partie de la vie. Il faut parvenir à tourner la page. Subir des contretemps aide à devenir plus fort. Il faut aussi conserver une attitude positive dans ces cas-là, pour ne pas nuire à l’équipe.

Un papa footballeur pro et un grand-père agent

Jules Van Cleemput est issu d’une véritable famille de footballeurs. Son père, Peter Van Cleemput, a joué de 1988 à 1995 au Beerschot. Son grand-père François Laureyssens était en 1990 l’agent de la vedette roumaine Gheorge Hagi, lorsque celui-ci a été transféré au Real Madrid. « Mon père a été mon entraîneur durant toute ma vie », raconte Jules. « Il m’a encouragé à entretenir ma condition durant mes temps libres. Ça a porté ses fruits, car avant, mes tests n’étaient jamais très bons, alors qu’aujourd’hui, mon endurance est l’une de mes principales qualités.

Un été, j’ai regardé des cassettes vidéo de sa carrière chez ma grand-mère. C’était un milieu gauche ou arrière gauche, un peu dans le même style que moi: avec beaucoup de profondeur dans le jeu et beaucoup d’engagement dans les duels. Mais son pied gauche était meilleur que mon pied droit, il se chargeait même des coups francs.

Mon grand-père a aussi été gardien de but. Par la suite, il a travaillé comme agent pour quelques joueurs roumains, dont Hagi et Gheorge Popescu, et il a réglé le transfert de Bart Goor à Feyenoord. Je pense qu’il a encore gardé des contacts avec quelques personnes importantes, mais comme agent, il ne travaille plus que pour moi. »

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