Swann Borsellino
« Il y a dans cette équipe de Genk quelque chose qui me plaît »
Une chronique de Swann Borsellino.
C’était mon tout premier match avec l’étiquette « consultant Pro League » apposée sur le front. Il paraît que c’est hyper important, une première fois. Pourtant, malgré l’importance de la rencontre, j’étais assez serein. Alors je me suis préparé comme d’habitude, il paraît que la routine, c’est le secret des champions avant les grands événements. D’abord un café à l’hôtel, toujours sur la même chaise en plastique. Ensuite l’ouverture d’internet comme si Denis Diderot avait supervisé des écrits scientifiques sur le championnat belge. Enfin, quelques hiéroglyphes inscrits sur une feuille que je ne relirai jamais, exactement comme votre liste de course que vous aviez soigneusement préparée avant de vous rendre compte, au Delhaize, devant le rayon yaourts, que vous l’avez oubliée à la maison. Puis le match est passé. Le stress évaporé, c’est la consternation qui m’a envahi. Car face aux innombrables messages de déçus que j’ai trouvés, parlant d’une « purge » ou d’une « montagne qui accouche d’une souris », je dois avouer mon incompréhension. Peut-être suis-je trop bienveillant à l’égard d’un championnat que je ne connais finalement que depuis peu. Mais n’ayons pas peur des mots: mon premier Cercle Bruges-Genk était vraiment sympa.
Huit buts en cinq matches, avec cinq victoires à la clé: Bongonda, ce n’est pas juste du talent pour les yeux des spectateurs.
Dans la course prisée au trophée des expressions banales devenue de mauvaises légendes photo sur Instagram, « après l’effort, le réconfort » joue sans conteste les places qualificatives pour la Coupe d’Europe. Elle illustre cependant assez bien le samedi que le Dieu du football, déjà bien occupé à cause d’un déjeuner avec Diego Maradona, a mis sur mon chemin. « Tu ingurgiteras un Saint-Trond vs Waasland-Beveren à l’heure du goûter et tu ne t’en plaindras point », a-t-il évoqué. Un onzième commandement que nous avons suivi à la règle sur les antennes d’Eleven Sports, avant le moment que j’attendais vraiment. Peut-être est-ce par amour de Kevin De Bruyne. Ou de Thomas Chatelle. Peut-être est-ce parce que la Luminus Arena est la première antre d’un club belge dans laquelle j’ai mis les pieds. Peut-être est-ce simplement du bon sens. Mais il y a dans cette équipe de Genk quelque chose qui me plaît. De la cohérence, déjà. Ce qui semble assez aberrant quand on sait que John van den Brom est le troisième technicien à poser ses fesses sur le banc limbourgeois depuis le début de la saison. Une valse germano-scandinavo-batave qui a d’abord sonné faux sur les notes peu entraînantes d’un 4-4-2 avant d’ambiancer son monde dans un 3-4-2-1 maîtrisé à la perfection. Et qui dit cohérence dit travail. Du travail de groupe, notamment. Face au Cercle, comme tant de fois au cours des dernières semaines, ce sont des duos, voire des trios, ainsi qu’un amour des bonnes pratiques qui ont permis aux coéquipiers de Paul Onuachu de briller. Sur le côté droit, la paire Joakim Maehle– Junya Ito filerait des maux de têtes à n’importe quelle défense. Dans l’intérieur du jeu, le même Ito combine parfaitement avec Théo Bongonda. Et à gauche, quoique moins doué techniquement que son homologue danois, l’ami Jere Uronen profite du travail qui attend la défense adverse de l’autre côté du terrain pour se montrer disponible, notamment sur des enchaînements « réception de transversale, centre, une-deux » qui permettent à Genk de donner de l’air à son jeu et de trouver des solutions.
Alors certes, on a eu droit à la version Mister Hyde de cette imprévisible équipe du Cercle. Mais outre la cohérence, celle-là même que l’on cherche parfois dans l’autre équipe de Bruges, c’est le talent limbourgeois qui frappe depuis quelques semaines. Six victoires à la suite donc, au cours desquelles les individualités ont réussi à se sublimer dans le collectif. Un cas pas forcément rare, mais un cas qui montre qu’une équipe marche. Au chapitre talent, difficile de ne pas évoquer Théo Bongonda. Déjà parce que je ne serai jamais insensible à un beau gaucher, mais aussi parce que huit buts en cinq matches, avec cinq victoires à la clé, ce n’est pas juste du talent pour les yeux des spectateurs. Mais la liste est longue, tant les Ito, Maehle, Onuachu et d’autres donnent l’impression qu’il faudra compter sur cette équipe-là jusqu’au bout cette année. Surtout que si jamais ils ont la mauvaise idée de s’endormir, la voix de Danny Vukovic réveillerait un quartier tout entier. Samedi plaisir donc, grâce à Genk. Comme un samedi plaisir précédent, dans un autre genre, offert par le Beerschot. Alors certes, ce n’est pas un Anderlecht-Standard, mais je crois que pour ce week-end, c’est sans regret que j’ai une nouvelle fois suivi les commandements du Dieu du foot.
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