C’est peut-être le plus grand challenge du football version Covid-19: mais qui va réussir à offrir quelques frissons aux observateurs? Car entre l’infernale répétition des matches, les joueurs touchés par le virus et l’indigeste cocktail blessures-méformes physiques, trouver un bon match de football à regarder n’est plus une tâche aisée.
Pas seulement en Belgique, mais aussi dans les grands championnats européens, où il n’est plus rare que de prétendues affiches accouchent de rencontres décevantes. Ce sentiment n’est peut-être pas partagé par tous, mais je dois dire qu’au cours des dernières semaines, il arrivait que la télévision me regarde plus que moi je la regardais, comme si le spectacle observait, lui aussi, une période de couvre-feu. Mais dans cet océan de tristesse, quelques îlots de bonheur émergent. Je pense à ce que peut proposer le RC Lens en France, ce que l’on a pu entrevoir tantôt à Southampton, tantôt à Leeds, ou à la circulation de balle aux airs de ballet orchestrée par Roberto De Zerbi du côté de Sassuolo, en Italie. Le point commun entre ces équipes: leur coach. Des hommes remplis de convictions pour chasser le doute permanent dans leur cerveau. Des travailleurs invétérés, qui ont en commun une sérieuse addiction au football, à sa conception, sa philosophie et pour lesquels il est impossible de penser le jeu autrement qu’en ayant une vision à laquelle les joueurs doivent souscrire en signant des deux pieds un contrat invisible. Un accord dans lequel l’entraîneur s’engagerait à travailler et dormir foot, afin de mettre les joueurs dans les meilleures dispositions. Un deal dans lequel le joueur s’engage à travailler sans relâche pour avoir le bagage physique et la lucidité nécessaires à l’application des dogmes mis en place par ces personnages aussi attachants qu’exigeants. À Ostende, ce prêcheur à un nom: Alexander Blessin. Grâce à lui, chaque week-end, c’est l’amour à la plage.
Grâce à Alexander Blessin, chaque week-end, c’est l’amour à la plage.
Comment rester indifférent au coach allemand? De toute manière, si vous aviez émis l’envie de ne pas en entendre parler, Alexander Blessin se serait imposé à vos oreilles. Huis clos oblige, les cris passionnés de l’entraîneur des Côtiers résonnent toujours assez fort pour vous rappeler que le commentateur n’est pas seul dans le stade. Blessin est un homme à l’image du football qu’il transmet: intense. À 47 ans, il est issu d’un moule à l’image de sa pensée: out of the box. Comme d’autres, Blessin casse les codes. Notamment ce schéma bien connu, particulièrement chez moi en France, qui consiste à remplacer un coach fraîchement licencié par un entraîneur déjà « reconnu » à l’échelle nationale, sans jamais réfléchir à la raison pour laquelle celui-ci est sans emploi. Coup de chapeau donc à Gauthier Ganaye d’être allé chercher l’Allemand, arrivé au bout d’une aventure Red Bull qui lui a donné un peu plus que des ailes. Convaincu que cet homme serait capable de mettre ses idées en place, non pas avec des U16 ou des U19 comme il a pu le faire par le passé, le CEO d’Ostende a donné les clés du camion à un homme qui n’a fait qu’effleurer le football pro avec les pieds. Loin d’être un handicap en 2021, encore plus quand on a appris le métier auprès de Ralf Rangnick. Mais n’allez surtout pas dire à Blessin qu’il est l’enfant d’un courant de pensée. L’homme à sa propre philosophie.
Alors c’est quoi, la méthode Blessin? Celle d’un homme qui ingurgite des datas comme on s’enfile des cacahuètes avec une chope? Un peu. Mais c’est avant tout celle d’un homme qui a compris l’importance de la course dans le football, et pas n’importe laquelle. La course intelligente et intense. Un concept parfaitement absorbé par un joueur comme Maxime D’Arpino, coupeur de lignes, bouffeur d’espaces, ou par les ailes de l’enfer, Jelle Bataille et Ari Skúlason. Loin de moi l’envie d’enfiler la casquette du tacticien, qui va bien mieux à d’autres, le succès de Blessin tient également en une impressionnante réussite humaine. Cette réussite est celle d’un homme qui arrive à transmettre et à impliquer des hommes pour qui cette manière de jouer n’existait pas. Blessin travaille pour que les joueurs reconnaissent des situations de jeu et sachent exactement quoi faire en fonction de celles-ci. Avec le ballon, sans le ballon. Que faire quand on a perdu le cuir et surtout, que faire de manière collective. Jamais devant un match d’Ostende, vous ne verrez courir un joueur seul. Quand on affronte Ostende, on affronte un bloc, une équipe, et on sait que l’on va suer de la première à la dernière seconde pour s’en sortir. Une agressivité omniprésente, un challenge permanent, aussi, pour l’adversaire. Une aptitude à jouer avec, mais aussi sans ballon, qui a fait plier l’Antwerp ce week-end et qui pourrait donner du fil à retordre à un Standard qui ne touche plus terre depuis la nomination de Mbaye Leye. Gageons que Blessin verra dans ce choc une occasion de corriger l’un des défauts de son KVO jusqu’ici: l’incapacité à appliquer ce football entier, pendant nonante minutes.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici