Bernard Jeunejean
Garder Wilmots parce que…
Contrairement à de nombreux observateurs, le chroniqueur de Sport/Foot Magazine, Bernard Jeunejean, estime que Marc Wilmots doit rester à la tête des Diables Rouges. Il explique pourquoi.
…Parce que je ne veux pas hurler avec les loups : surtout pas avec ceux expliquant que Marc Wilmots se fait dézinguer tous azimuts mais qui s’extraient des détracteurs …tout en énumérant comme eux les raisons du dézingage ; ni même avec Thibaut Courtois, déjà tout grand gardien, mais qui n’est encore comme mec qu’un petit loup, hurleur parce que dépité…
…Parce qu’on sait ce qu’on a, et pas ce qu’on aura : dois-je vous rappeler ce vent d’optimisme, qui s’avéra béat, mais qui nous avait naïvement envahis lorsque débarqua ce grand professionnel nommé Dirk Advocaat… C’est avec Willie, avec ses qualités et malgré ses défauts, que les Diables sont devenus une équipe qu’on craint, et qui gagne souvent même si elle se plante parfois ; comme d’autres qu’on disait balèzes se plantent elles aussi.
…Parce que le génie tactique est une exagération d’aficionados footeux : proférer que Wilmots n’est pas à la hauteur tactiquement, c’est un peu prétentieux et beaucoup candide. Prétentieux car c’est forcément considérer que soi-même, on est au minimum à la hauteur tactique de Wilmots, puisqu’on arrive à déceler ses tares ! Et candide parce que mettre après coup l’accent critique sur la tactique (qui se serait avérée foireuse), c’est souvent négliger de le mettre sur les manquements des individualités alignées.
Sorry pour les grands stratèges mais, collectivement, le foot n’est pas complexe comme la physique quantique, il est plutôt affaire de simple bon sens : et là, Antonio Conte et Willie, c’est pas le plein et le vide, c’est plutôt kif et kif ! N’en déplaise aux fans du Pep ou du Mou, il n’y a pas de coach magique ! Le bon coach s’efforce d’être ce que Gérard Houllier appelait un réducteur de hasard, au sein d’un sport truffé d’aléas : en foot, il faut certes s’efforcer de mettre le doigt sur forces et faiblesses, mais ça ne suffira jamais à expliquer victoire et défaite ! Le grand tort des coaches, mais pas plus de Willie que des autres, c’est de se croire davantage responsables en cas de victoire que de défaite : et d’alors se laisser bercer par les dithyrambes faisant d’eux des dieux intellos…
Il ne faut pas jeter Willie avec l’eau du bain, on voit tellement de limogeages à la con en club…
…Parce qu’on ferait donc mieux de s’interroger sur nos enfants gâtés, premiers protagonistes de notre échec. Pourquoi Kevin De Bruyne, surdoué, donne-t-il l’impression d’un ronchon timide, à la limite de l’autisme ? Pourquoi Romelu Lukaku pleurniche-t-il sur sa confiance qu’on ébranlerait, quand on souligne ses travers réels et récurrents ? Pourquoi Eden Hazard, supersonique contre la Hongrie, ne fut-il contre Galles que simplement sonique ? Pourquoi Yannick Carrasco joue-t-il les persécutés face à la presse ? Pourquoi Radja Nainggolan, qui a beaucoup donné via sa frappe de mule, donne-t-il aussi l’impression d’être une tête de mule, tout en instinct, guerrier mais cheval fou ? Cinq pourquoi, mais j’en ai des tas…
…Parce qu’un coach dont on cautionnera toutes les initiatives, ça n’existe pas ! Ne me croyez pas fan absolu, j’ai parfois l’impression énervante que Wilmots est plus influençable en interne que ce qu’il prétend en externe, et je n’ai pas tout compris de ses initiatives : depuis la blessure de Nicolas Lombaerts à l’insu de son plein gré jusqu’au remplacement de Carrasco dès la mi-temps contre Galles, en passant par le statut de target man inamovible accordé à Romelu… Mais faut pas pour autant jeter Willie avec l’eau du bain, on voit tellement de limogeages à la con en club et en saison, ça serait bien d’avoir l’intelligence d’y échapper. Le verso du bonheur supportariste, c’est la tristesse, pas la colère vengeresse…
… Parce qu’enfin, c’est en forgeant qu’on devient forgeron : à tout âge et sauf si l’on est vraiment très con, ce que Wilmots n’est pas. C’est vrai qu’en l’entendant causer, si sûr de lui, on peut se dire qu’il ne se prend pas pour de la merde : mais, dans son p’tit coeur, il sait fort bien ce qui a merdé et qu’il faudra rectifier, chez ses gars ou dans sa com’. Ce tournoi fut un échec, mais Willie doit rester. Sauf s’il demande une nouvelle augmentation : là, ce serait peut-être un peu provoc…
Par Bernard Jeunejean
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