Felice Mazzù à Anderlecht : le raccourci était une impasse
Pour retrouver les sommets, les dirigeants mauves ont tenté de changer de route après trois années dans le sillage des idées de Vincent Kompany. L’échec est retentissant.
1290 jours. Soit un peu plus de trois ans et demi. C’est le temps qui sépare les deux Clasicos de la honte mauve, enterrés par le parcage visiteurs à la lueur des fumigènes. Si l’ouverture du score de Yari Verschaeren a retardé l’inéluctable échéance plus longuement que lors des play-offs de 2019, le résultat final sera probablement identique, avec un 5-0 aux airs d’abandon pour des fans désespérés de l’humiliation assénée par leur meilleur ennemi.
Pourtant, tout semblait avoir changé à Anderlecht. Premier buteur du début de soirée, Verschaeren était ainsi le seul joueur toujours présent dans le onze mauve, 1290 jours après celui choisi par Fred Rutten. En coulisses, à l’époque, le Sporting choisissait déjà sa nouvelle voie, le président Marc Coucke menant régulièrement des pourparlers secrets avec Vincent Kompany. Annoncé en mai, maintenu contre vents et marées lors de premiers mois turbulents, l’ancien capitaine des Diables traçait une voie claire, affirmée haut et fort lors de la mise à l’écart d’un Frank Vercauteren qui devenait de plus en plus un obstacle : « Avec moi, le club aura une identité. Le prochain coach ne doit pas venir jouer défensivement, en 5-3-2, avec de longs ballons. »
En poussant le cliché, le portrait alors dressé ressemblerait presque à une mauvaise parodie de Felice Mazzù. C’est bien le Carolo, très apprécié par le président Wouter Vandenhaute, qui prend la relève d’un Kompany écarté en fin de saison dernière suite à l’analyse des dirigeants bruxellois. En coulisses, le Sporting insiste depuis de longs mois pour se défaire de l’image démesurée d’un coach devenant parfois plus grand que le club, à l’inverse du modèle d’un rival brugeois où les titres s’accumulent malgré les personnalités qui se succèdent sur le banc. Surtout, avec les Sergio Gomez, Joshua Zirkzee ou Christian Kouamé, le board mauve est persuadé d’avoir mis entre les mains de Vince The Prince un noyau capable de se mêler à la lutte pour le titre. Le podium acquis devant un Antwerp aux abois masque mal l’amertume d’une campagne de Coupe certes arrivée jusqu’en finale, mais anéantie par le premier adversaire de prestige, et les décideurs n’oublient pas que sans un impensable faux-pas de Gand face au Cercle dans le money-time, les Mauves n’auraient même pas intégré le top 4.
À l’heure du diagnostic, le Sporting décide donc que Vincent Kompany ne fait pas assez. Vient l’instant de choisir le remède. Le successeur de l’homme qui a remis Anderlecht dans le sens de la marche devra-t-il améliorer les points forts installés par Kompany, ou compenser ses points faibles ? Le choix de Mazzù semble aller dans la seconde direction, les mots de Peter Verbeke qui accompagnent son intronisation le confirment, évoquant un coach qui met l’accent sur « le pressing agressif et la transition offensive », et l’ajout d’une « nouvelle dimension » au jeu bruxellois. Tant pis pour le style maison, redevenu non-négociable depuis trois saisons.
Après des débuts prometteurs, et une qualification européenne qui avait échappé à son prédécesseur un an plus tôt, Mazzù s’est enlisé dans une crise dont il n’a jamais pu sortir. Avec, à sa décharge, un calendrier surchargé et un noyau moins riche en qualités qu’un an plus tôt, sorti affaibli du mercato au point de donner un temps de jeu trop conséquent à des jeunes joueurs pas (encore ?) prêts pour ce niveau d’exigence et de performance. À sa charge, une griffe qu’il ne sera jamais parvenu à planter dans les cuisses et les pieds des enfants de Neerpede. Prévisiblement. Parce qu’il est toujours risqué de jouer avec son ADN.
Au lieu de rester sur la route de Kompany, avec un successeur potentiellement capable d’appuyer plus fort sur l’accélérateur, Anderlecht avait choisi de rebrousser chemin, espérant que sa nouvelle voie soit un raccourci. C’était une impasse, et il ne reste vraisemblablement qu’à faire marche arrière.
Par Guillaume Gautier
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