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Europa League: comment James Tavernier est passé du statut de zéro à héros avec les Rangers

Les Glasgow Rangers vont disputer la finale de l’Europa League. Une sacrée performance quand on se souvient de la rétrogradation du club dans les divisions inférieures voici quelques années. James Tavernier, meilleur buteur de la compétition alors qu’il évolue au poste… de latéral droit, symbolise cette renaissance des Ecossais. Pourtant, il faut admettre que son parcours ne le prédestinait pas à être la figure de proue de ces Rangers gagnants.

A l’heure d’accoucher d’une nouvelle histoire, les scénaristes du monde entier se grattent le crâne et renvoient à la poubelle sous forme de boulettes de papier un nombre incalculable d’esquisses de leur personnage principal. Trop lisse, pas assez coloré, trop prévisible : les tentatives se multiplient et échouent souvent à côté de ladite poubelle, alimentant la frustration du tireur. Les héros d’aujourd’hui sont contrastés et paradoxaux. Dans le storytelling du football britannique, James Tavernier a été présenté tour à tour comme la nouvelle star des Rangers alors qu’il galérait dans les divisions inférieures en Angleterre et comme l’arme offensive numéro un de son équipe alors qu’il n’évolue que comme arrière droit. Si Tavernier sort un jour une autobiographie, elle pourrait s’appeler « L’art de surgir où l’on s’y attend le moins ».

La huitième roue du carrosse

Signer aux Rangers est une opportunité qui se refuse rarement quand elle se présente. Demandez aux anciens de Pro League comme Kemar Roofe ou Fashion Sakala ce qu’ils en pensent. Pourtant, quand notre homme y débarque en juillet 2015, la situation est moins folichonne. Le club est en division deux après avoir été rétrogradé jusqu’en D4 quelques années plus tôt suite à de graves soucis financiers. Se lier avec le géant d’Ecosse sur le déclin est un pari que peu osent tenter à l’époque, notamment un certain Donald Trump qui se rétracte au moment de reprendre le club. Tavernier, lui, n’est pas vraiment en position de pouvoir dire non après des années de galère en Angleterre.

Formé à Newcastle, il y signe son premier contrat pro en 2011 mais fait tapisserie dans le noyau A des Magpies où il côtoie notamment Demba Ba, Papiss Cissé ou Hatem Ben Arfa. Le natif de Bradford découvre alors les joies so british des prêts de très courte durée. Parti s’aguerrir pendant deux mois à Gateshead (en cinquième division), il est rappelé par Newcastle car le titulaire habituel est suspendu. Ce qui lui vaut une présence honorifique…sur le banc. La suite, c’est une succession de chapitres à peine plus longs : il est successivement prêté à Carlisle, Sheffield Wednesday, au MK Dons et à Rotherham, à chaque fois en League One, le troisième échelon du foot anglais.

Le paroxysme de ce tour d’Angleterre en accéléré à lieu à Shewsbury où il est prêté le 26 juillet 2013 pour en revenir le 13 août à cause d’une blessure au pied. Lassé de ce changement perpétuel de décors et de protagonistes, Tavernier décide d’écrire son histoire loin de Newcastle en étant transféré définitivement à Wigan. Qui le prête à Bristol City. Pour quelqu’un en quête de confiance et de stabilité, le message envoyé ne pouvait pas être pire.

C’est alors qu’arrive l’offre des Rangers. Un tournant dans la carrière du latéral droit : reparti d’une page blanche en Ecosse, lui et les Gers doivent s’aider mutuellement à retrouver l’élite dont on les prive depuis des années. Transféré en même temps que lui dans la capitale écossaise, son coéquipier à Wigan Martyn Waghorn lâche : « A notre arrivée, nous étions des marchandises endommagées « .

La saison précédente, le club n’avait pas réussi à s’extirper de la division deux, attendu au tournant dans chaque stade écossais. Très vite, Tavernier apparaît comme le chaînon manquant pour mener à bien l’opération remontée. Passant le plus clair de son temps dans la moitié de terrain adverse, il marque à 10 reprises et distille 18 assists en 36 matchs. Le 5 avril, il entre définitivement dans le coeur des supporters en inscrivant le seul but du match contre Dumbarton qui sacre les Rangers. Les grands clubs ne meurent jamais. L’arrière droit devient à Ibrox ce que seront plus tard Geoffry Hairemans au Great Old et Clément Tainmont aux casernes malinoises.

James Tavernier marque souvent sur pénalty.
James Tavernier marque souvent sur pénalty.© iStock

Power Ranger

Tout géants qu’ils sont, les Rangers n’ont pourtant pas encore mangé tout leur pain noir. Les deux premières saisons en Premiership sont compliquées. Elles se concluent à chaque fois par une troisième place mais surtout par quelques traumatismes : deux défaites 5-1 et un 5-0 encaissés face à leur meilleur ennemi du Celtic, toujours prêt à enfoncer son voisin, ainsi qu’une pénible élimination lors des tours préliminaires de l’Europa League des oeuvres de l’ogre luxembourgeois du Progrès Niedercorm. Tavernier n’est pas épargné par les critiques. L’ancien attaquant du Celtic Chris Sutton le traite de serial looser dans les journaux et ses propres supporters lui reprochent de laisser des boulevards dans son dos.

Contre tout attente, à l’aube de la saison 2018-2019, le nouvel entraîneur confie au joueur anglais le brassard de capitaine. Un certain Steven Gerrard qui, pour sa première expérience en tant qu’entraîneur, rebooste toute l’équipe. Le néo-capitaine confie que son soutien « a enlevé un gros poids de mes épaules« .

Dans une dictature footballistique aussi appuyée que celle du Celtic dans la décennie 2010-2020, la révolution prend naturellement plus de temps à se mettre en place. Le vent du changement insufflé par Gerrard ne se matérialise alors « que » par deux secondes places au classement. Mais le Celtic sent le souffle de son rival, emmené par son joueur le plus à droite sur l’échiquier et auteur de 17 buts et 25 assists sur le laps de temps de cette contestation biennale.

Pas abattu pour un sou – comment être abattu par une deuxième place quand on a connu autant de galères – Tavernier remet le couvert la saison d’après avec 11 buts et 10 assists. Cette fois, le soulèvement est total, le Celtic chute de son trône en étant relégué à pas moins de 20 points de la première place. Cinq ans après le sacre en deuxième division, notre homme brandit le trophée de champion d’Ecosse, avec sans doute une pensée émue pour Chris Sutton.

Après les remerciements de Tavernier à Steven Gerrard, c’est au coach de rendre hommage à son capitaine : « Ses statistiques sont incroyables. J’ai évolué avec des arrières droits très offensifs comme Kyle Walker, Glen Johnson ou Steve Finann pour n’en nommer que quelques-uns, James est de cette trempe. Il crée un autre point en attaque qui permet au joueur de côté de rentrer vers l’intérieur et presque en faire un attaquant supplémentaire« .

En charge de toutes les phases arrêtées, Tavernier arrondit ses fins de mois avec quelques coups francs déposés dans la lucarne en contournant le mur comme à l’entraînement. Ajoutez à cela la transformation des penaltys. Sa patte droite n’est sans doute pas étrangère au fait que son équipe soit celle qui ait le plus marqué sur phase arrêtée la saison dernière (ils sont encore deuxièmes de ce classement pour l’exercice en cours).

Mais pas de quoi minimiser son activité sur le flanc : il en faudrait plus pour faire passer comme normaux les chiffres d’un latéral droit qui a longtemps occupé le statut de meilleur buteur du championnat la saison dernière et qui cette année encore est le défenseur le plus prolifique au monde, tous championnats confondus (en additionnant buts et assists), devant Sergio Gomez et Trent Alexander-Arnold. Pour le moment, il est tout simplement le meilleur réalisateur de cette campagne d’Europa League avec sept buts. Avant que les spécialistes ne se mettent d’accord quant à savoir si ce sont vraiment des défenseurs, Tavernier aura sans doute encore frappé.

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