On peut expliquer beaucoup de choses, Thibaut, mais peut-être pas cette coupe de cheveux. © BELGA

Affaire du « brassard »: et si on essayait de comprendre Thibaut Courtois?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Plus qu’une histoire de brassard, la tourmente Courtois est peut-être une histoire d’amour.

Une bombe s’est abattue sur la sélection belge, et ses gants les plus illustres n’étaient pas là pour l’arrêter avant son explosion. Depuis ce lundi, Thibaut Courtois est devenu une cible pour certains, un traître à la nation pour d’autres, un capricieux selon l’avis général. Pourtant, sans pour autant donner raison à sa réaction, il est possible de comprendre un peu mieux les réflexes du meilleur gardien du monde.

Depuis toujours, la Pieuvre de Bilzen s’est sentie moins aimée que les autres. « En sélection, on ne me calculait même pas », a-t-il un jour déclaré à Sport/Foot Magazine pour expliquer son arrivée très tardive dans le giron de l’équipe nationale, qu’il rejoint seulement chez les moins de 18 ans en profitant, selon ses propres dires, d’une génération pauvre en derniers remparts.

Pas grave. Thibaut Courtois s’est construit dans l’adversité. Une histoire de conditionnement familial. Très jeune, son père le défiait déjà quotidiennement au tennis de table. Il y a les papas qui laissent gagner leur enfant, et il y a les Thierry Courtois : le daron ne lâche jamais un point, trashtalke même son fils quand il est mené. Quand votre père vous inflige un tel traitement, les sifflets des tribunes adverses deviennent anecdotiques.

Plus que l’hostilité, c’est le manque de reconnaissance qui affecte le gardien des Diables. Surtout dans son pays. À distance, il a vu le stade Jan Breydel acclamer chaleureusement Kevin De Bruyne lors de son remplacement au cours d’un Bruges – Manchester City en octobre 2021. Lors de sa visite en Venise du Nord deux ans plus tôt avec son Real, déjà qualifié, Courtois était resté sur le banc, indirectement privé de cette potentielle mise à l’honneur. Un rendez-vous manqué qui laisse peut-être des traces.

Courtois et les trophées

Les ovations du stade roi Baudouin, répétées à chaque apparition entre les perches nationales, ne pèsent-elles alors pas trop peu face à un pays qui, en 2022, ne l’a même pas élu meilleur Belge à l’étranger lors de la cérémonie du Soulier d’or, lui préférant Kevin De Bruyne malgré une Ligue des Champions héroïque ? L’histoire pourrait sembler anecdotique si elle ne concernait pas Thibaut Courtois, et son envie maladive de tout rafler, trophées collectifs ou individuels, qu’il rassemble soigneusement dans une salle prévue à cet effet au coeur de sa maison madrilène. « C’est une bête de trophées », dit de lui Erwin Lemmens, son ancien coach des gardiens et confident au sein de la sélection. Une mentalité particulière, certes, mais qui fait aussi de lui une référence mondiale, capable de gagner des duels contre Petr Cech puis Keylor Navas dans leur jardin.

Depuis son vestiaire madrilène, le gardien a également assisté à la grande campagne française de la fin d’année dernière pour faire de Karim Benzema le favori du Ballon d’or. À l’heure de désigner les héros de l’épopée européenne du Real, Courtois – gigantesque en finale contre Liverpool – était pourtant à la hauteur du Français. Il n’a terminé que septième du trophée individuel, au bout d’une saison passée à être un atout majeur d’une équipe qui a tout gagné. La frustration est là, et Thibaut constate sans doute que contrairement à la France pour la Benz, son pays n’a pas tout fait pour l’accompagner vers le sommet.

Le brassard comme sparadrap

Dans la foulée de la Coupe du monde au Qatar, où c’est lui qui est envoyé devant la presse en compagnie d’Eden Hazard à l’heure d’éteindre les incendies qui ont suivi la défaite au Maroc, Thibaut Courtois assiste au changement de sélectionneur, et au choix de Domenico Tedesco de confier le brassard à Kevin De Bruyne. Pas pour son leadership, mais pour que le playmaker de Manchester City se sente important, après un Mondial passé à faire la moue. En l’absence de KDB pour le rassemblement de juin, alors que Thibaut Courtois est timidement mis à l’honneur pour sa centième sélection, c’est Romelu Lukaku qui porte le brassard. Parce qu’il est le leader le plus estimé de l’équipe ? Non. « Parce qu’il a eu une semaine très difficile », explique Domenico Tedesco. Des sparadraps pour les autres avant la mise à l’honneur du plus grand palmarès de Belgique, qui doit se consoler avec un rôle de capitaine confié pour un match anecdotique en Estonie, au bout d’une saison à 57 matches joués, conclue avec une inflammation au genou, le tout à quelques jours de son mariage. Le cadeau de fin d’année a presque l’air empoisonné. La contre-performance face à l’Autriche a probablement été la goutte d’eau qui fait déborder la Pieuvre, aussi réputée pour ses arrêts que pour sa difficulté à accepter les échecs.

Face à la rumeur grandissante dans la presse, Domenico Tedesco l’a pointé du doigt. Roberto Martinez aurait probablement noyé le poisson et laissé le gardien au repos. Une position que beaucoup présentent aujourd’hui comme du laxisme. Pourtant, la recette fonctionnait avec Thibaut Courtois, qui n’a jamais manqué aux Diables dans les matches qu’il manquait, et pas plus souvent déçu dans ceux qu’il jouait. Sans compter que malgré ces passe-droits, sur les 50 dernières sorties diaboliques, le dernier rempart a joué 32 fois. Soit plus souvent que De Bruyne (31) ou Lukaku (28).

En fait, Thibaut Courtois ne veut probablement pas du brassard. Il cherche surtout des marques de reconnaissance. Parce que depuis sa première sélection « par défaut » chez les jeunes, le gardien semble vivre avec l’impression que le football belge ne l’aime pas assez.

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