Guillaume Gautier
Charleroi en play-offs 3: et si garder son coach était parfois une mauvaise idée?
Parmi les quatre équipes qui disputeront les play-downs, deux ont fait confiance au même coach tout au long de la saison. Un choix souvent présenté comme rationnel, et pourtant loin d’être efficace.
Si on semait des graines sur les pelouses footballistiques du pays, il y pousserait certainement des idées reçues. L’une des plus célèbres veut que c’est toujours l’entraîneur qui paie les pots cassés, lui dont le licenciement est toujours accompagné de deux discours. Ceux venus d’en haut – les dirigeants – affirment qu’il fallait un choc psychologique et que le vestiaire doit désormais prendre ses responsabilités. Ceux venus d’en bas – les joueurs – racontent que c’est maintenant à eux de se regarder dans le miroir ou de mettre leur bleu de travail parce que, finalement, ce n’est quand même pas le coach qui est sur le terrain.
Ces discours sont devenus des refrains. Parce que cette saison encore, la Jupiler Pro League a sacrifié neuf entraîneurs au cours de sa phase classique. De Vincent Euvrard, congédié du RWDM avant le premier match de championnat jusqu’à Ronny Deila, remercié par Bruges après le dernier match de la phase classique, l’entraîneur reste le fusible préféré.
Les observateurs aiment alors examiner le bilan du successeur à la loupe, et se dire que le problème n’était finalement pas sur le banc. Ils sourient de constater que le RWDM et Courtrai, les deux seuls clubs qui ont changé de coach à deux reprises cette saison, occupent les deux dernières places du classement. On en oublierait presque de s’étonner que parmi les cinq équipes qui les devancent et qui ont longtemps été concernées par la lutte pour le maintien (sans même évoquer la remontée exceptionnelle de Malines jusqu’aux portes du Top 6), les deux autres qui disputeront les play-down sont les seules du bas de tableau à avoir conservé le même maître à bord. Eupen le fera sans Florian Kohfeldt, qui a surpris son groupe en démissionnant dans la foulée d’une lourde défaite à Sclessin. A Charleroi, en revanche, Felice Mazzù déclarait encore à la veille du match à Gand que sa volonté était de poursuivre l’aventure à la tête de ses Zèbres.
Tout au long de la saison, Mehdi Bayat a soutenu son coach publiquement. Une stratégie qui n’a pas empêché la bascule vers les quatre dernières places actée, ironie ultime, dans ces arrêts de jeu que les médias ont longtemps appelé le «Felice Time», tant Charleroi avait pris l’habitude d’y gagner des points précieux lors des meilleures cuvées de l’ère Mazzù. Les contextes sont bien différents, mais le résultat est identique: d’Eupen à Charleroi, la stratégie de la continuité n’a pas payé.
Dans ces deux clubs, bien plus que sur des éléments factuels, c’est en s’appuyant sur une part d’impalpable qu’on fait les choix. On parle ici de «confiance du vestiaire», généralement évaluée en ne sondant que certains cadres triés sur le volet par les dirigeants, ou là de «l’ambiance toujours positive» au sein du groupe. Souvent, c’est surtout la nature de la relation entre les patrons du club et l’homme fort du staff qui détermine en réalité la date du couperet. Sans oublier l’impact médiatique qu’aurait une séparation auprès du public. Rien de bien objectif, finalement, alors que c’est souvent l’option du licenciement qui est présentée comme un choix émotionnel. Et si, parfois, éviter le divorce pouvait aussi devenir une erreur?
Guillaume Gautier est journaliste sportif au Vif.
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