Diables Rouges : la génération durée
Si la trêve internationale est venue consacrer le Roi Hazard, centenaire chez les Diables, elle a aussi permis à une nouvelle génération de montrer qu’il va falloir compter sur elle. État des lieux.
On ne va pas se mentir, la semaine passée, on a souri à l’annonce d’une future Golden Generation Arena pour accueillir nos Diables dès 2022. Un naming plutôt hasardeux si d’aventure la sélection devait connaître un fameux coup de bambou et nous ramener aux périodes de vaches maigres, sans stars, ni gloire, plus en phase avec les réalités d’il y a dix ans.
Car il est difficile d’imaginer, au coeur d’un pays de de 11 millions d’âmes, associer dans le futur des copies d’Eden Hazard ou de Kevin De Bruyne, et des poids lourds du foot international du même acabit que Thibaut Courtois, Romelu Lukaku, Vincent Kompany ou Jan Vertonghen.
C’est un vrai leader sur le terrain, un patron. Youri va devenir un grand joueur. » Eden Hazard
» Cette génération unique mérite un temple sportif moderne « , a déclaré Peter Bossaert, CEO de la Fédération. Certes, mais le temps presse pour que les porte-drapeaux puissent réellement en profiter.
Deux jours plus tard, on a souri à nouveau en voyant Roberto Martinez sur l’écran du stade Roi Baudouin jouer aux ambianceurs avec des Go Belgium alors que Courtois se prenait au même moment les pieds dans le tapis.
Des effets de com qui ne mobilisent plus vraiment les foules dans un stade obsolète depuis bien trop longtemps. Vous y ajoutez la Russie, Chypre, Kazakhstan, l’Écosse et Saint-Marin au programme, difficile aussi d’électriser les fans avec de tels adversaires.
Une simple formalité
Dimanche soir, dans la périphérie de Nicosie, devant 6000 spectateurs (selon les organisateurs), les Diables n’ont fait que confirmer ce que l’on savait déjà : cette qualification ne sera qu’une simple formalité dans un groupe d’une faiblesse abyssale (a-t-on d’ailleurs déjà connu tirage aussi favorable dans l’histoire ? ) où la Russie, seul adversaire notoire, n’a offert qu’une opposition regroupée et sérieuse mais sans allant offensif face une équipe pourtant privée de plusieurs cadres.
Face à Chypre, les Diables ont plié l’affaire en 20 minutes, sans forcer le moins du monde, avec une circulation de balle pépère, un peu trop parfois, devant un parterre rendu quasi aphone par un vent glacial qui balayait le stade et par la faiblesse de leurs favoris.
Un remake du voyage au bout de l’ennui de septembre 2015, sauf qu’à la différence notoire les hommes de Martinez ont tué tout suspense et enthousiasme en début de match alors que quatre ans plus tôt, le but libérateur était tombé à quatre minutes du terme.
À l’époque, le sélectionneur, Marc Wilmots, avait déclaré après la rencontre avoir » songé à remplacer Hazard. Il était peut-être le plus mauvais Diable Rouge mais il marque. Aujourd’hui, il nous sauve et il sauve son match. Il le sait, il ne faut pas lui dire. Il va grandir. »
Il semble loin le temps où l’on opposait le Hazard de Chelsea et celui en Diable. L’arrivée de Roberto Martinez à l’été 2016, qui installa d’ailleurs à Chypre un 3-4-3 pour sa première rencontre officielle à la tête de la Belgique, lui a conféré davantage de liberté d’action, critère quasi indispensable à son épanouissement.
Plus en manque d’idées
Si la sélection continue de souffrir face à une formation regroupée devant ses 16mètres – « nous ne sommes pas une équipe pour le tiki taka « , dixit Hazard- et a démontré à nouveau face à la Russie sur de rares occasions qu’elle n’était jamais aussi dangereuse quand elle pouvait partir en contre, elle n’apparaît plus en manque d’idées comme par le passé.
Après la rencontre face à la Russie, Thorgan Hazard, en guise d’hommage et de clin d’oeil familial, balançait : » Mon rôle ? Je dois donner la balle et Eden fait le reste. » Ça rappelle le » donne la balle à Eden » de Jordan Lukaku, lors d’une interview cinglante post-championnat d’Europe, qui illustrait le manque de consignes tactiques offensives et le jeu sclérosé qui mena à notre perte.
Désormais, le Pays de Galles semble bien loin. Le système en 3-4-3, qui a pourtant rassemblé pas mal de détracteurs, avait comme objectif de faire briller ses plus belles étoiles, Eden Hazard en tête.
Face à la Russie, la Belgique a su enchaîner des séquences qui flirtent avec les cinquante passes consécutives, dépassant les deux minutes sans perdre la balle entre transmissions assurées et prouesses techniques.
L’adversaire est face à un dilemme : s’ils viennent chercher le ballon, ils offrent de l’espace. S’ils ne viennent pas, les Belges le gardent. Face aux Chypriotes, le scénario n’était en rien différent sauf que des erreurs techniques et un vent de mer sont venus gâcher une circulation de balle, pourtant bercée par un rythme de sénateur.
Eden Hazard, seul sur son trône
S’il ne fallait retenir qu’une seule de chose de cette rencontre, c’est évidemment la centième de celui qu’aujourd’hui tout le monde consacre comme le plus grand joueur de l’histoire du football belge, alors que son histoire à lui est bien loin d’être terminée. Eden Hazard n’est pourtant pas le patron du vestiaire, et ne le sera jamais, il n’en a d’ailleurs jamais eu l’ambition.
Eden parle avec ses pieds, un roi sans couronne, mais en claquettes et en décontraction. Un enfant du peuple qui a fêté de la plus belle des manières cette centième partition en débloquant la marque à la 10e minute, mettant quasiment fin à tout suspense, avant de livrer une deuxième période bien plus timide et parfois brouillonne.
Eden Hazard, avec le brassard de capitaine, c’est 17 buts et 14 assists en 33 matches alors qu’il avait dû attendre la visite du Kazakhstan en octobre 2011 pour inscrire son premier but en Diables lors de sa 23e sélection. Jamais un international n’avait autant fait l’unanimité tant intra-muros qu’extra-muros.
Avec un buzz et des rumeurs qui accompagnent quotidiennement cette notoriété : Hazard-Pogba-Mbappé qui déclarent la semaine passée leur flamme à Zinédine Zidane en Une du quotidien espoagnol AS avant que le site Okdiario ne » révèle » samedi dernier la nature du contrat de cinq ans qui attend Eden Hazard au Real Madrid.
Alors, quand la veille du match face à Chypre, Eden débarque en conférence de presse devant un parterre de journalistes plutôt clairsemé, la seule question posée par l’un des rares journalistes locaux concerne le scoop du jour. » Avez-vous signé au Real ? » Accompagné d’une même réponse précise et concise : » Non, il n’y a rien. »
Youri Tielemans en patron
Face à la Russie, et à Chypre, Hazard a joué les grands-frères, surtout jeudi dernier quand les circonstances étaient moins favorables. Un game changer indispensable à cette équipe bis qui a marqué des points en ce début de campagne. Même si, devant la faiblesse de l’opposition, il est difficile de se faire une opinion tranchée.
En tête de liste des satisfactions : Youri Tielemans. À seulement 21 ans, il semble transfiguré depuis qu’il a posé les pieds sur le sol anglais, début février, et a prolongé ses bonnes sensations en sélection : buteur face aux Russes et habile relayeur ou accélérateur de particules dans le milieu de terrain, Tielemans va être de plus en plus difficile à déloger à l’avenir.
Axel Witsel ou Marouane Fellaini atteignaient-ils un tel niveau de jeu au même âge ? Pas sûr, d’autant que les deux ex-Standarmen ne pouvaient pas compter au début de leur parcours en Diable sur des cadres et des cadors du type Hazard. Celui qui parle le mieux du jeune Youri, c’est d’ailleurs son capitaine centenaire : » Je ne peux que lui adresser des compliments. C’est un vrai leader sur le terrain, un patron. Youri va devenir un grand joueur. »
Roberto Martinez ne le contredira certainement pas, lui qui a toujours été élogieux envers l’enfant de Neerpede, dès sa prise de fonction à la tête de la sélection, et même quand le temps était plus orageux du côté de Monaco.
À ses côtés, Leander Dendoncker, dont un rôle de sentinelle, infatigable, a également confirmé ses bonnes prestations en Premier League des dernières semaines.
Plein de bonnes notes
Côté gauche, Thorgan Hazard a-t-il gagné sa place de titulaire sur la durée ? On aurait tendance à répondre par l’affirmative, d’autant que Yannick Carrasco n’a pas amélioré son cas en prolongeant, à son corps défendant, son aventure en Chine cet hiver.
Le joueur de Mönchengladbach, dans un rôle bien moins axial qui n’est pas le sien, impressionne de plus en plus par ses percussions et sa puissance alors qu’il devrait cet été encore franchir une étape dans sa carrière.
Côté droit, le moins bankable peut-être parmi les nouveaux, a aussi parfaitement saisi sa chance. Si Timothy Castagne manque encre parfois de justesse technique dans les combinaisons courtes et rapides, son moteur sur l’aile et la répétition des efforts ont fait mal à ses adversaires.
À revoir donc d’autant que le joueur de Bergame semble prendre de plus en plus confiance. Devant, Michy Batshuayi a marqué, une nouvelle fois, prolongeant sa moyenne d’un but tous les deux matches en sélections (13 buts en 25 rencontres).
» Des buts qui sont une dose de vitamines » pour Batsman qui planait à la même époque l’an dernier sur Dortmund et qui a dû se rabattre sur Crystal Palace cet hiver (alors qu’il a été proche de signer à Tottenham) après des mois compliqués à Valence.
Michy n’a heureusement rien perdu de ses sensations – Martinez a d’ailleurs souligné sa discipline et son abatage en reconversion défensive – même si un manque de justesse par moments doit encore être gommé pour passer un cap.
Des cadres au repos
Afin de justifier son départ de l’équipe nationale, Marouane Fellaini a rappelé que la relève frappait à la porte et qu’il fallait savoir s’effacer. Tous n’ont pas tenu, en aparté, le même discours dans le giron des Diables, tant le gouffre serait encore grand entre les cadres et les plus jeunes.
Pour Roberto Martinez, le doute n’est pas permis : » Oui, les jeunes sont prêts à affronter des grandes équipes. » Même si face à la Russie et Chypre, le milieu de terrain était composé des joueurs de Mönchengladbach, Wolverhampton, Leicester, ou Atalanta Bergame, avec devant un attaquant de Crystal Palace, alors qu’on a longtemps été habitué aux noms de Manchester City, Tottenham, PSG, Manchester United, ou l’Atlético Madrid sur la feuille de match.
Cette trêve internationale était aussi l’occasion pour certains de se soigner à l’approche d’un moneytime qui s’annonce excitant, que ce soit pour Axel Witsel, Kevin De Bruyne ou Romelu Lukaku, tandis que Thomas Meunier va clôturer sa saison avec un habituel titre national mais un nouvel échec sur la scène européenne.
Romelu Lukaku, qui rêvait d’une porte de sortie en Italie (Juventus) quand Ole Gunnar Solskjaer semblait l’écarter de ses plans, a retrouvé toute sa confiance en quelques semaines et a pu se soigner et préparer au calme son duel de Ligue des Champions face à Barcelone.
Quant à KDB, il ne connaît pas la saison la plus heureuse de sa carrière, puisque les blessures ne le lâchent plus. Fragilisé cette fois aux ischios, le divin rouquin n’a plus la même assurance et aimerait voir Roc Nation (boîte de management) booster une image médiatique et commerciale, qu’il estime peu en phase avec son rang.
Que ce soit face à la Russie et à Chypre, la Belgique a en tout cas prouvé que son réservoir était largement suffisant pour passer aisément au-dessus de nations de ce type. Et si les cadres veulent reprendre leur rang, il y a le Kazakhstan et l’Écosse en juin avant une balade à Saint-Marin en septembre. Elle risque d’être longue, cette campagne de qualification…
Un futur président de substitution
À Chypre, Gérard Linard a vécu son dernier voyage à l’étranger en tant que président de la Fédération, puisqu’il quittera ses fonctions en juin prochain et devrait être regretté par de nombreux collaborateurs. Malgré ses dehors bourrus qui ne collent pas aux codes du manager 2.0, Linard, homme de chiffres et de dossiers, a remis de l’ordre au sein d’une maison de verre poussiéreuse et a rapidement convaincu ses collègues, Bart Verhaeghe en tête.
Le nouveau CEO de la Fédération, Peter Bossaert est lui aussi tombé sous le charme du président Linard alors que les styles sont en apparence diamétralement opposés entre le jeune et pimpant quinqua flamand et le Chimacien de 76 ans. Annoncé en septembre comme nouveau CEO, Peter Bossaert s’installe de plus en plus dans son fauteuil de patron au sein de la Fédération. Après être avoir timidement communiqué à l’annonce du Footbelgate ou à travers un plan en onze points qui doit revitaliser le foot belge, l’ex-homme de médias est sorti du bois la semaine passée afin de dévoiler le projet de la Golden Generation Arena et s’installe véritablement comme le nouvel homme fort de la Fédération.
Se pose alors la question du futur président de l’URBSFA. Si Mehdi Bayat a un temps été pressenti, l’affaire du Footbelgate qui a éclaboussé son frère et qui a sali son nom, empêche toute ambition d’autant que l’intéressé dit avoir fait un pas de côté au sein de la Fédé, après avoir été longtemps au premier plan. Gilbert Timmermans, déjà potentiel successeur à François De Keersmaecker en 2015, et président de Voetbal Vlaanderen, pourrait revenir à la charge. Mais, à plus de 70 ans, on ne parle pas là d’une solution d’avenir.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici