Deuxième buteur par minute de jeu de l’histoire du championnat de Belgique, mais pas de titre de champion: quel héritage va laisser Paul Onuachu à Genk ?
Le colosse nigérian, actuel meilleur buteur de la Pro League, va quitter la Belgique pour traverser la Manche. La Premier League, manifestement pas refroidies par des échecs made in JPL de Wesley ou de Deniz Undav, a décidé d’attirer Paul Onuachu qui va enfiler la liquette de Southampton. Joueur prolifique, le Super Eagle venu du FC Midtjylland lors de l’été 2019, va rapporter 20 millions et emportera dans ses bagages trois distinctions individuelles, mais une seule collective: une Coupe de Belgique. Même si à l’heure d’un éventuelle titre de champion en mai 2022, le Racing ne manquera sûrement pas de souligner sa contribution.
Un dernier doublé pour une 19e victoire genkoise en championnat et puis s’en va. On l’aurait plutôt vu quitter le Limbourg l’été dernier, mais c’est finalement le dernier jour du mois de janvier 2023 que Paul Onuachu va faire ses adieux à la Cegeka Arena. Meilleur buteur de la Jupiler Pro League en 2021, le colosse nigérian aura aussi été élu « Footballeur Pro » la même année et s’est vu chausser d’or douze mois plus tôt. Le taureau doré qui ornait son dos reviendra désormais à Vincent Janssen, l’attaquant de l’Antwerp aux 14 buts, soit deux de moins qu’Onuachu.
Ces derniers mois, la loi du plus fort a souvent toisé le double mètre et nous venait d’Owerri, au Nigéria. L’avant-centre du Racing avait un pied ou une tête dans 28,6% des 56 réalisations d’une équipe de Genk qui facture 12 buts de plus que les expected goals attendus (xG). Cette saison, le Super Eagle avait affiché sa surpuissance en signant quatre doublés, mais surtout un quadruplé contre Charleroi à l’occasion de la 16e journée. Une première pour un joueur du KRC Genk depuis… février 2003 et quatre réalisations en l’espace de 90 minutes des oeuvres de Wesley Sonck contre Mouscron.
Impliqué dans 28,6% des buts de Genk cette saison
Cette performance marquait le véritable retour au sommet pour le Soulier d’or qui avait des allures de Soulier qui dort en début d’exercice. Frappé par la malédiction de la célèbre récompense, le Nigérian avait été moins productif en début d’année civile et ses envies de départ estivales ne l’avaient pas aidé à atteindre directement son rythme de croisière. S’il a dû attendre la 10e journée pour faire trembler les filets pour la première fois cette saison, il a ensuite encore marqué au moins une fois lors de 8 des 12 duels qui suivront.
Avant le retour en forme de sa tour de contrôle, Wouter Vrancken avait changé l’animation offensive du Racing, ce qui lui permettait déjà d’être redoutable sans l’apport de son Nigérian. Avant la première rose plantée par ce dernier dans le jardin d’Ostende, Genk avait trouvé la faille à 22 reprises pendant ce laps de temps, soit une moyenne de 2,44 buts par joute de championnat. Après la réception de Seraing ce week-end, le Racing comptait 56 goals à son compteur, soit 2,43 en moyenne par tranche de 90 minutes. S’il n’a pas amélioré la moyenne, le grand Paul a largement contribué à la stabiliser. Ainsi, entre la 10e et la 23e journée de championnat, il a pris à son compte 47% des buts des actuels leaders de la compétition. Un véritable game changer sur lequel Vrancken pouvait s’appuyer.
Si le colosse nigérian a impressionné et bonifié une équipe qui semble déjà bien partie pour se couronner des lauriers à la fin de saison (Attention cependant aux Playoffs), c’est tout son apport depuis qu’il a posé ses valises en Belgique qui épate encore plus.
Amené à remplacer un Ally Samatta convoité par les grands championnats européens lors de l’été 2019, le double mètre débarque du FC Midtjylland, au Danemark, en échange de 6 millions d’euros. Une somme impressionnante mais que les dirigeants limbourgeois se félicitent d’avoir dépensée au vu du résultat actuel. Onuachu a peaufiné son sens du but dans le pays des contes d’Andersen puisqu’il est arrivé à Midtjylland en 2013, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans. Lors de la saison 2018-19, il claque 14 buts en 23 apparitions dans la compétition danoise et tape dans l’oeil de Dimitri De Condé, un homme dont le flair se trompe rarement lorsqu’il écume les championnats scandinaves à la recherche de nouveaux talents.
Le flair de Dimitri De Condé
Paul Onuachu passe ses six premiers mois dans l’ombre de Samatta qui attendra le coeur de l’hiver pour rejoindre Aston Villa et la clinquante Premier League. Cela ne l’empêche pas de marquer dès sa deuxième apparition en championnat, contre Charleroi. Felice Mazzu l’aligne d’entrée contre ses anciennes couleurs mais malgré la réalisation de son nouvel arrivant, Genk s’incline au Pays Noir. Malgré la concurrence de Samatta, il marque à sept reprises au cours de ses premiers mois et son élan est stoppé, comme beaucoup d’autres, par la crise du coronavirus.
La saison suivante est celle de la révélation. Désormais titulaire attitré en pointe, Paul Onuachu impose ses 2 mètres dans les rectangles adverses où son coup de tête est souvent mortel pour les gardiens adverses. Dans la chorégraphie offensive mais simplifiée de John van den Brom, les centres de Theo Bongonda et Junya Itô sont autant de balles fatales qui lui permettent d’appuyer plus facilement sur la détente. Le Racing termine sur les talons du Club Brugeois qui se pare des lauriers, malgré les 33 buts en 38 matches de son colosse nigérian.
Plus à la peine sur la scène européenne où les défenses semblent moins friables qu’en Belgique, Genk tarde surtout à retrouver la dynamique qui l’avait fait passer si près du titre quelques mois plus tôt. Le nom d’Onuachu anime le mercato et il est notamment cité à l’Atlético Madrid. Buteur à 12 reprises avant son sacre doré de meilleur joueur du championnat, le Nigérian, frappé par quelques légères blessures, est moins saignant par la suite. Il ne trouve le chemin des filets que sept fois dont un triplé contre Eupen. La suite on la connaît. Un été agité, un début de championnat anodin jusqu’à cette 10e journée qui change tout. Le voici désormais dans la lumière alors que revenant Ally Samatta peine à exister dans son ombre devenue bien imposante.
Au cours de son passage en Belgique, Paul Onuachu aura donc frappé à 73 reprises en 103 sorties sous le maillot bleu. Il est aussi depuis la saison 2019-20 le joueur le plus efficace de la tête dans le top 10 des championnats européens. Il devance même… Robert Lewandowski et Harry Kane. Dans l’ensemble de sa carrière, il a ainsi marqué de la tête 28% de ses réalisations et 89% de ces dernières l’ont été dans les seize derniers mètres. Sur ses 35 dernières réalisations, 10 sont tombées après des pénalties (28,5%) et 10 ont été conclues de la tête (28,5%). 34 de ces 35 buts ont été marqués dans les seize derniers mètres (97%). Des chiffres qui confirment que les années passent, mais que les qualités de l’avant-centre restent les mêmes.
Des chiffres qui en font aussi l’un des joueurs les plus redoutables dans les rectangles depuis l’enregistrement de certaines données lors de la saison 1986-87. Ainsi, en 7420 minutes de jeu, il a donc marqué un but toutes les 102 minutes. Après la seizième journée et son quadruplé contre Charleroi, il avait dépossédé Robert Spehar de la deuxième place de ce classement particulier. Le Croate passé par le FC Bruges et le Standard avait trouvé le chemin des filets à 44 reprises en 60 rencontres dans le championnat belge, soit une rose plantée toutes les 105 minutes (4639 minutes).
C’est un autre renard venu de l’ancienne Yougoslavie qui restera donc encore pour un moment l’attaquant le plus efficace par minute jouée dans l’histoire du championnat national. Passé par Mouscron et Anderlecht, Nenad Jestrovic trompait les gardiens adverses une fois toutes les 99 minutes. Jestrogoal a planté ses 75 pions en 7434 minutes. Prince Paul sera parti avant de pouvoir battre ce record et échouera à deux réalisations du total du renard serbe des surfaces, avec seulement 14 minutes de jeu en moins. Leur ratio de but par match est lui de 0,71
Ci-dessous, voici le classement des buteurs les plus efficaces du championnat belge depuis la saison 1986-87. Tous les joueurs ayant disputé au moins 5000 minutes dans notre compétition ont été pris en compte. Attention, certains chiffres vont vous surprendre. Onuachu y est d’ailleurs le seul joueur encore en activité.
Notons enfin que dans l’histoire absolu, le joueur le plus efficace du championnat de Belgique est le Colombien Carlos Bacca qui marquait toutes les 96 minutes lors de son passage au FC Bruges (22 buts en 2109 minutes). Il devance un compatriote, Luigi Pieroni, plus souvent réserviste que titulaire dans l’ensemble de sa carrière en D1. L’éphémère Diable rouge a trouvé le chemin des filets à 34 reprises en 3339 minutes. Soit une rose plantée toutes les 98 minutes.
1. Nenad Jestrovic (Serbie) | Mouscron, Anderlecht | 7475 min | 75 buts | 1 but toutes les 100 min |
2. Paul Onuachu (Nigéria) | Genk | 7049 min | 69 buts | 102 min |
3. Robert Spehar (Croatie) | FC Bruges, Standard | 4639 min | 44 buts | 105 min |
4. Nicolas Frutos (Argentine) | Anderlecht | 4659 min | 41 buts | 114 min |
5. Josip Weber | Cercle, Anderlecht | 18458 min | 151 buts | 122 min |
6. Ole Martin Arst (Norvège) | Anderlecht, La Gantoise, Standard | 10078 min | 82 buts | 123 min |
7. Jérémy Perbet (France) | Charleroi, Mons, Lokeren, Tubize, La Gantoise, FC Bruges, Courtrai, OHL | 12540 min | 90 buts | 139 min |
8. Luc Nilis | Anderlecht | 18150 min | 127 buts | 143 min |
9. Moumouni Dagano (Burkina Faso) | Genk, Beerschot | 6373 min | 44 buts | 145 min |
10. Rune Lange (Norvège) | FC Bruges | 7740min | 52 buts | 149 min |
Depuis 2014, seul Mitrovic a réussi en Angleterre
Il reste maintenant à voir si Paul Onuachu rejoindra, à Southampton, la liste des flops venus de Jupiler Pro League. Un compte Twitter a dressé le bilan de ces recrues après 2014. C’est à dire après les arrivées de Christian Benteke et Romelu Lukaku qui se sont avérées dans l’ensemble plutôt satisfaisantes malgré quelques saisons décevantes. Et à l’exception de l’ancien Anderlechtois Aleksandar Mitrovic qui a surtout redressé la barre depuis cette saison à Fulham, le bilan est loin d’être brillant. En effet, si sa moyenne de roses par match n’a baissé que 0,05 en passant de 0,54 en Belgique à 0,49 outre-Manche, c’est en grande partie grâce à sa saison exceptionnelle de l’an dernier en Championship où il avait marqué 43 fois. En Premier League, il n’a marqué que 0,29 goals par rencontre, mais cela reste la meilleure moyenne d’un élément ayant traversé la Manche en provenance de JPL.
Le thread reprend toute une série de joueurs y compris ceux qui n’ont évolué que dans l’antichambre de l’élite anglaise. On retiendra quelques cas comme Wesley, Michy Batshuayi, Dieumerci Mbokani, Ally Samatta, Lukas Nmecha et Deniz Undav, des éléments ayant plutôt fréquenté le haut du classement des buteurs dans notre pays. Le dernier cité, taureau doré de la saison écoulée, n’a toujours pas marqué alors qu’il tournait à 0,76 réalisations par match dans notre championnat, soit 0,05 de plus qu’Onuachu mais sur une période plus courte. Au final, un Wesley ne s’en sort pas si mal puisqu’il n’avait pas un taux de réussite incroyable chez nous (0,24) et qu’il n’est tombé qu’à 0,20 de l’autre côté de la Manche.
La chute est plus spectaculaire pour Batsman (de 0,44 à 0,19), Mbokani (0,50 à 0,17), Nmecha (0,45 à 0,06 et 0 en PL), Stefano Okaka (0,48 à 0,15), Samatta (0,35 à 0,07) et Laurent Depoitre (de 0,31 à 0,11).
Paul Onuachu pourra-t-il inverser la tendance sous le maillot des Saints ou montrera-t-il encore que le championnat le plus riche du monde a tellement d’argent dans ses caisses qu’il peut se permettre de dépenser des sommes très importantes pour des joueurs qui offrent peu de certitudes de réussite.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici