Comment Ronny Deila a refait brûler Sclessin
En huit mois passés en bords de Meuse, le coach norvégien semble avoir changé la mentalité des Rouches. Plongée dans le renouveau du Standard.
Après une année chaotique sous le règne de Mbaye Leye et Luka Elsner, qui a vu les Rouches terminer à une 14e place aux portes de l’enfer, le plan des nouveaux investisseurs 777 était de refaire toutes les fondations d’une maison liégeoise pourrie depuis trop longtemps. Les Américains vont prendre du temps, peut-être trop, pour nommer d’abord Fergal Harkin comme directeur sportif et Pierre Locht, ensuite, comme CEO. Harkin, ex-membre du City Group, jette alors son dévolu sur Ronny Deila, coach du New York City Football Club, champion en titre de MLS, quittant ses joueurs alors en tête du championnat du pays du Soccer. Dans son voyage ralliant New York à Liège, il prend dans ses bagages son adjoint Efrain Juarez, un Mexicain de 34 ans, ancien joueur de Valerenga, avec qui le courant est rapidement passé.
Des titres, le Norvégien sait comment en gagner. Vainqueur de la coupe et du championnat norvégien avec Stromsgodset, de la Coupe de la Ligue et deux fois champion d’Écosse avec le Celtic, et de la MLS avec New York, Deila arrive avec un sacré palmarès en bords de Meuse. Et l’ex-New-Yorkais annonce rapidement la couleur : “Je veux un football offensif pour que les supporters soient heureux de venir au stade.”
En présaison, le nouveau coach rouche se contente d’observer. Deila l’a compris, pour créer un groupe compétitif et combatif chaque semaine, il faut garder tous les joueurs concernés. Le T1 norvégien a donc tenu à souligner à chaque membre du groupe l’importance qu’ils ont. Une technique de management positive qui a déjà porté ses fruits dans de nombreux clubs de l’élite. Chaque joueur démarre ainsi sur le même pied d’égalité, cherchant à faire table rase du précédent championnat, particulièrement catastrophique au niveau de la mentalité et du collectif. La tâche s’avère tout de même très compliquée dès les premières joutes amicales et notamment après le revers face au RWDM : “C’est un enseignement à tirer de l’an passé : quand les choses vont mal, chacun ne doit pas faire ce qu’il veut”.
Deila sait où il met les pieds, lui qui a eu le courage de regarder tous les matches de la défunte saison. « À certains moments, je peux sentir que la saison passée a été compliquée pour beaucoup. Mais on doit rester ensemble, sinon on s’expose aux mêmes problèmes. » Deila cherche à s’appuyer sur des joueurs impliqués, qui veulent faire partie du Projet Standard. Il n’hésite d’ailleurs pas à remballer à Liège Moussa Sissako et Matthieu Cafaro durant le stage estival qui se déroulait aux Pays-Bas : “Il faut rester concerné pour rester avec nous”, annonce même Deila suite à ces renvois. Alors que les saisons passées, le Standard rimait trop souvent avec turbulence et pagaille, c’est désormais la discipline qui parait être le principal mot d’ordre en bord de Meuse.
Une première encourageante
La préparation terminée, le premier épisode de la série “Deila au Standard”se passe à Sclessin avec la réception des Buffalos d’Hein Vanhaezebrouck. Alors que le Standard est disposé en 4-2-3-1, les plans du Scandinave sont chamboulés dès la 15e minute avec l’exclusion d’Alexandro Calut. Deila replace alors son équipe dans un surprenant 3-5-1 avec Lucas Noubi et Aron Dönnum dans les rôles de pistons. Logiquement, les Rouches en profitent pour se reconvertir à toute vitesse vers l’avant et accrochent finalement un nul 2-2, synonyme de petite victoire pour les Liégeois, tant l’état d’esprit affiché par l’équipe fut encourageant pour la suite. En conférence de presse, Deila parait très heureux de l’organisation et de la grinta si chère au maillot Rouche.
Un mois d’août qui sert de base
Après une nette défaite 3-1 à Genk, les Rouches s’imposent dans la douleur 2-0 face au Cercle Bruges grâce à 2 penalties de Selim Amallah. Les deux défaites en déplacement à Westerlo et à domicile face à OHL laissent d’ailleurs croire que le Standard n’est toujours pas guéri de ses maux. Mais pour ne pas retomber dans ses travers, le club, par l’entremise de Deila, doit serrer la vis. Alors que les saisons précédentes étaient marquées par le “chacun pour soi”, Deila n’a pas hésité à rappeler à l’ordre Merveille Bokadi, dès le début de saison : “S’il ne donne que 70 ou 80 %, ça n’ira pas.”
Toujours fébrile défensivement et inoffensif dans le rectangle adverse, Deila change son fusil d’épaule à la fin du mois d’août en troquant ses 4 arrières utilisés lors des 5 premiers matches pour une défense à 3. Le succès à Courtrai, complété par une clean sheet, sert de base à l’organisation liégeoise qui s’appuie depuis sur un trois arrière, ce qui amène davantage de sécurité tactique. L’animation offensive change avec les arrivées tardives du mercato. Phillip Zinckernagel, Steven Alzate ou Stipe Perica poussent Deila à créer un inhabituel 3-1-3-2-1, avec un 6, un 8 et deux 10 très libres derrière l’attaquant. Ce système permet à des profils comme William Balikwisha, Aron Dönnum, Phillip Zinckernagel ou Cihan Canak d’amener leur percussion. Les situations de un-contre-un tournent alors souvent à l’avantage des Rouge et Blanc ce qui fait qu’aujourd’hui, le Standard est l’équipe qui tente le plus de dribbles par matches du championnat. Avec 9,8 dribbles, les Rouches sont loin devant Genk, deuxième avec 8,5 dribbles par match.
Après Courtrai, les Liégeois poursuivent par un impressionnant 18/21 dont deux solides succès 3-0 face au Club Bruges et à l’Antwerp qui font des Standardmen de réels candidats aux Champions Play-Offs. A domicile, le Standard parait à nouveau difficile à manœuvrer tant le Norvégien a réussi à raviver la flamme de Sclessin. Petite ombre au tableau, les pertes de Nicolas Raskin et de Selim Amallah n’ont pas été numériquement compensées dans le noyau, celui-ci pouvant parfois manquer de profondeur.
Des stats en progression
C’est un fait, Ronny Deila fait progresser les Rouches. Dans les chiffres, le Standard est plus dangereux et moins exposé défensivement. Le club de la Principauté possède neuf points de plus que la saison dernière au même moment, a inscrit douze goals de plus et encaissé six buts de moins. Douzième et largué dans la course aux Europe Play-Offs, le Standard est désormais sixième, aux portes des Champions Play-offs. Alors que la saison dernière était marquée par la frilosité offensive balle au pied, l’équipe garde désormais plus la possession (50,3% contre 47,7% sous Elsner), réussit plus de passes et subit plus de fautes par matches que la saison dernière, preuve du renouveau tactique apporté par Deila.
Plus efficaces que les saisons précédentes, les Liégeois sont étonnamment avant-derniers dans le classement des tirs totaux tentés. Avec seulement onze goals de moins que l’Union malgré la différence de 101 tirs entre les deux équipes, le Standard de Deila s’avère être redoutable dès que l’un des joueurs arme sa frappe. Défensivement, les Standardmen concèdent moins de tirs que l’année dernière. Contrairement au football plus fermé sous Elsner, les Rouches gagnent cette saison en moyenne six duels aériens de moins par matches, Deila préférant les combinaisons rapides au sol.
Un coach proche de ses joueurs
Il suffit de regarder quelques Inside publiés par le club sur ses réseaux sociaux pour comprendre quel type de personnage est Ronny Deila. Inspirant, motivant et attachant, le coach norvégien fait l’unanimité dans le vestiaire liégeois et a réussi à donner un boost dans la carrière de joueurs que l’on imaginait loin de Sclessin. L’exemple le plus frappant est celui de son compatriote Dönnum qui n’a jamais su confirmer l’image du King of North présentée par le Standard lors de son arrivée. Plafonnant toute l’année dernière sur son flanc droit, l’ailier norvégien avait fini par être pris en grippe par le public liégeois qui lui reprochait son manque d’envie et de combativité. Alors qu’il remettait en question son avenir sous le maillot liégeois, Dönnum a finalement été convaincu par le discours de Deila. Depuis que celui-ci l’a replacé comme piston gauche, Aron parait transformé, faisant chaque semaine partie des meilleurs joueurs rouches du week-end.
Gojko Cimirot, invisible la saison dernière, parait également transfiguré depuis l’arrivée du technicien norvégien. En proie à des soucis à l’arrière lors du déplacement au Pays Noir début octobre, Deila place curieusement le bosnien sur la gauche de son trident défensif. Le Standard s’offre alors le derby sur la pelouse des Carolos avec l’aide d’un excellent Cimirot, ce qui pousse Deila à réitérer l’expérience par la suite. Récemment, l’exemple Filippo Melegoni placé en faux 9 en au Parc Duden a suscité des interrogations qui se sont rapidement éteintes, en fin de match, pour souligner la faculté qu’a le Norvégien à toujours sortir de son chapeau un coup inattendu.
Le T1 norvégien n’a pas non plus peur de lancer de jeunes joueurs à l’image d’un Cihan Canak, très bien géré par Deila. Le jeune belgo-turc de 18 ans a déjà démontré qu’il possède une marge de progression énorme mais est très protégé par son coach, qui ne veut évidemment pas le cramer. Lucas Noubi, 18 ans aussi, a à chaque fois répondu présent lorsqu’on a fait appel à lui, au même titre que Nathan Ngoy, 19 ans, blessée depuis quelques semaines, ou Noah Ohio, 20 ans. William Balikwisha, 23 ans, explose enfin sous les ordres de Deila, lui qui a connu énormément de galères auparavant, peinant à utiliser l’entièreté de son potentiel.
Grâce au Ronny Roar, Sclessin peut rugir à nouveau. Aux Rouches à prouver qu’ils peuvent encore dompter leurs ennemis mauves ce dimanche.
Par Robin Maroutaëff (stagiaire)
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