Comment la Fiorentina est revenue sur le devant de la scène
Moins clinquante ces dernières années, la Viola veut retrouver son succès d’antan. Plongée dans le projet Fiorentina pour qui cette finale de Conférence League doit servir de base au développement.
C’était le 6 juin 2019. Rocco Comisso devient le nouveau propriétaire de la Fiorentina après avoir troqué un chèque de 160 millions contre les parts de la famille Della Valle, une fratrie de passionnés rassemblant les idées d’un Thierry Dailly, très en lumière dans le plat pays, éparpillées dans le corps de deux frères, Andrea et Diego. Ceux-ci ont refondé le club violet quelques mois après la faillite de la fin de saison 2002. Logique pour une ville considérée comme le berceau de la Renaissance.
Bien déterminés à ne pas laisser la belle ville de Florence sans ses vedettes du rectangle vert, les frères Della Valle font rapidement revenir la Viola dans l’élite, en passant de la quatrième division à la Serie A en seulement deux ans, après une double montée qui alimentera la polémique dans la Botte. La suite du règne fraternel s’achèvera toujours dans le ventre mou du classement, avec un petit pic lors du passage de Vincenzo Montella sur le banc florentin, entre 2012 et 2015, agrippant à chaque fois le top 5.
Un style influencé par l’art
Mondialement connue pour son patrimoine artistique et culturel, la ville de Florence possède évidemment des habitants aux yeux très aguerris aux détails. Pour eux, l’esthétique et la qualité du jeu importent presque autant que la victoire. Dans ce sens, l’ère Montella fut l’une des périodes les plus fastes pour la Fiorentina du XXIe siècle. Avec ce maillot aux airs vintage, la Viola pratique l’un des footballs les plus romantisés du jardin de l’Europe. Sous les ordres de Montella, l’équipe florentine offre alors à ses supporters un jeu de possession multipliant les passes et les mouvements, qu’importe le style ou le calibre de l’opposition.
Une volonté d’obliger l’adversaire à se soumettre à la l’art de la domination technique des Violets bien appréciée par les tifosi fiorentini. Une équipe de la Viola à l’accent espagnol, où les facultés techniques des joueurs débauchés en Liga éloignent définitivement le Catenaccio de Toscane. Avec ses principes, Montella incarne dans la Botte la nouvelle tendance offensive des jeunes coachs transalpins, influencés par la philosophie du modèle organisé d’Arrigo Sacchi modernisé par les théories guardiolesques. Plus porté sur la part du spectacle footballistique que leurs ainés, à l’image d’un Roberto De Zerbi avec Brighton, Montella dicte sa volonté d’intégrer le plaisir au travail. C’est ainsi que l’ex-joueur de la Roma va influencer l’un des principaux aspects du projet actuel de la Fiorentina : pratiquer un football esthétique.
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Après le départ de Montella vers le Milan, la Fiorentina n’arrivera jamais à assurer la transition. Pire, le club se condamne à jouer le maintien à l’aube du Covid, rompant totalement la confiance qui liait les tifosi aux frères Della Valle, de moins en moins présents dans les travées du Stade Artemio Franchi. Les ultras de la Viola réclameront alors le départ du duo pendant près de deux ans, jusqu’à l’arrivée du richissime Italo-Américain Rocco Commisso en début de saison 2019.
Le rachat de Commisso
Avec un compte en banque dépassant les deix chiffres, Commisso, pas vraiment entouré, va d’abord enchainer les transferts coûteux en dégainant son chéquier parfois un peu trop rapidement. A son arrivée, le chef d’entreprise italien déclare naïvement : “On retrouvera la Ligue des Champions très vite !” Des mots vides de sens, souvent crachés par des néo-présidents qui veulent attirer la confiance des sympathisants, mais qui ne se soucient que très peu de l’histoire et de l’ADN du club. Ainsi, Commisso balance ses premiers millions à sa guise, formant un noyau déséquilibré et sans vrais objectifs clairs et programmés. Les classements finaux des deux premières saisons du règne Commisso (10e et 14e) marquent ce flou, hypothéquant les désirs les plus fous du sulfureux propriétaire.
Revoyant ses ambitions à la baisse, Commisso opère son premier grand changement le 1er juillet 2021, lorsqu’il intronise, en compagnie de Daniele Prade, le directeur sportif, Vincenzo Italiano aux commandes du navire violet, tanguant dans les eaux troubles d’une armoire à trophée vide depuis plus de 20 ans. Le board florentin débauche ce jeune coach, également issu de la génération moderne des techniciens italiens joueurs, qui a réussi à effectuer miracle sur miracle dans les divisions inférieures jusqu’en Série A avec La Spezia, après un maintien combiné à la manière aux airs d’exploit. Les compliments ne tardent pas à pleuvoir sur ce disciple de Gian Piero Gasperini, notamment venus de son modèle, avant l’affiche entre La Spezia et l’Atalanta : “Il fut un temps où les équipes promues ne pensaient se sauver qu’en pratiquant le Catenaccio. Grâce à des techniciens comme Italiano, nous voyons que cet objectif peut être atteint en jouant au football”.
Le vrai projet Fiorentina
Italiano ne tarde pas à poser sa patte de conservation du ballon, bouclant sa première saison sur le banc florentin à la première place du classement de possession de Serie A, à égalité avec le Napoli de Luciano Spaletti, avec 58 % de moyenne. Italiano fait bien jouer son équipe, cherche les récupérations hautes et met ses joueurs offensifs dans les meilleures conditions possibles. L’Italien réussit à transmettre sa passion pour le jeu au groupe, fait passer un cap à plusieurs joueurs et met en vitrine les bijoux les plus polis de son noyau.
De cette manière, les 17 goals marqués par Dusan Vlahovic lors de la première partie de la saison rapportent plus de 80 millions à la Viola, après le transfert du Serbe vers la Juventus. Les 62 points grappillés lors de ce premier exercice, matérialisé par une qualification européenne suite à la 7e place au classement final, ne symbolisent pas seulement la première saison réussie de l’ère Commisso, mais surtout le début d’un projet clair.
Perfectionniste et déterminé, Italiano ne veut pas s’arrêter là. La Viola revient de loin et reconstruire un projet qui tient la route prend du temps. Le coach transalpin le sait et son jeu, esthétique et élaboré, contient la première base du plan : (Re)séduire les Florentins.
Le technicien transalpin sait que la machine peut rapidement se lancer et ainsi atteindre son objectif de réveiller le géant violet, endormi depuis de très longues années. Vierge de palmarès depuis 2001, la Viola voit ses ambitions mises en péril, au cours de la saison, par des statistiques devant le but infructueuses. La 8e place finale de la Fiorentina minimise les prestations collectives de l’équipe, tant la Viola a séduit dans la botte. Les Florentins sont deuxièmes dans le classement de la possession moyenne cette saison avec plus de 56 %, derrière l’inatteignable Naples de Luciano Spalletti et ses 62 %. Les 16 tirs par matches placent également la bande à Jonathan Ikoné sur le podium aux côtés de l’Inter et de Naples. Le problème, c’est que les Florentins ont marqué près de 20 buts de moins que les deux autres. Des ennuis offensifs clairs qui frustrent, surtout dans une équipe qui se procure énormément d’occasions par match.
Le temps des finales
Lorsque les buts tombent, la Fio se montre intéressante. Les dix victoires consécutives durant le mois d’avril permettent à l’équipe d’Italiano de se hisser en finale de Coupe d’Italie et de Conférence League. La première finale opposait la Fiorentina à l’Inter Milan, en Coppa Italia. Alors que le grand public pensait que l’Inter, plus forte sur papier, dicterait le tempo du match, c’est plutôt l’inverse que se produit, sans grands étonnements pour ceux qui suivent régulièrement la bande à Sofyan Amrabat. Les violets s’inclinent finalement 2-1 mais laissent les regrets dans les vestiaires du Stadio Olimpico et repartent en Toscane avec le sentiment d’avoir tout donné.
Après cette défaite malheureuse, la Fiorentina a encore rendez-vous avec l’histoire. Cette fois-ci face à West-Ham, avec au bout, un trophée plus prestigieux et convoité par une série d’équipes de second plan, souvent barrées par les mastodontes du Vieux Continent. Contrairement à la Coupe d’Italie, le match parait plus serré sur papier. Une finale qui sonne d’ailleurs comme la porte d’entrée d’Italiano dans la cour des grands. Déjà cité dans les plus grands clubs d’Italie, Italiano et son football ambitieux se font également draguer par les propriétaires des bancs prestigieux laissés vides par leurs prédécesseurs.
Dans un football italien qui reprend de sa splendeur et de sa compétitivité ces dernières années, avec trois finalistes dans trois compétitions européennes différentes, la Fiorentina cherche encore sa place. Désireuse de bousculer la hiérarchie installée depuis trop longtemps dans la Botte, la Viola tend à remporter son premier trophée depuis plus de 20 ans grâce au nouveau projet stable et concret. Un trophée qui pourrait enfin valider l’arrivée de Rosso Commisso et son ambition de refaire de la Viola l’une des pierres les mieux sculptées d’Italie.
Par Robin Maroutaëff
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