Comment Gift Orban a choqué la Belgique
Avec 20 buts en 20 matches sous le maillot gantois, le Nigérian est devenu la nouvelle sensation de Pro League. Plongée dans les laboratoires du robot Orban.
Sortir 3,25 millions d’euro pour un joueur de seconde division n’est pas courant dans les standards financiers de notre Pro League. C’est pourtant ce que les décideurs de La Gantoise ont fait, le 31 janvier dernier, pour décrocher un jeune attaquant nigérian de 20 ans sur le gong d’une circulation de mercato hivernal assez calme aux abords de la E40.
Auteur de 19 réalisations en 24 matches avec le club de Stabaek en Obos Ligaen, soit la D2 norvégienne, Gift Emmanuel Orban débarque en Belgique avec l’étiquette de parfait inconnu. Un inconnu au prix flambé par l’exposition des nombreux talents issus des championnats scandinaves dans les meilleurs clubs européens. La filière nordique est bien connue par quelques clubs de Pro League, conscient de l’implantation scandinave dans quelques pays de l’Afrique de l’Ouest et des exemples de réussites qu’ont pu être Paul Onuachu, Krepin Diatta ou plus récemment Victor Boniface.
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Comme pour ses compatriotes Samuel Kalu et Moses Simon arrivés lors de la fenêtre de transferts de janvier, Hein Vanhaezebrouck est vite convaincu des qualités du jeune Nigérian, dont la vitesse et les appels de balles tranchants entraient parfaitement dans son système de jeu à 2 attaquants. Un profil de joueur explosif plutôt rare dans l’effectif offensif buffalo qui amène, aux côtés du très régulier Hugo Cuypers, un côté d’imprévisibilité qui manquait un peu depuis la blessure de Tarik Tissoudali.
Le phénomène Orban
Au moment de poser les liasses sur la table des Norvégiens, personne n’imagine l’influence qu’occupera directement l’attaquant africain. Recruté à la suite du départ d’Ibrahim Salah vers Rennes, Orban sonnait plutôt comme un pari d’avenir pour le club gantois. Il est néanmoins lancé dans le grand bain du onze titulaire de HVH dès sa première sortie à Westerlo. Sans réelle attente. Les absences de Darko Lemajic et Laurent Depoitre au Kuipje laissent le champ libre au talent de Gift, que l’entraineur flandrien qualifiait encore de “pas encore prêt” avant la rencontre.
La suite, ce sont deux pétards envoyés dans les filets de Sinan Bolat, dont une reprise acrobatique et une volée à l’entrée du rectangle après une passe en profondeur lobée dont seul Sven Kums a le secret. La Belgique fait rapidement connaissance avec Orban, cadeau tombé du ciel pour l’attaque de Vanhaezebrouck, qui se plaignait de sa force de frappe après une sortie de Coupe du monde compliquée.
Des Buffalos en renouveau, qui reprennent du poil de la bête dès le mois de février, animés par une soif de victoire incarnée par leur nouveau numéro 20 locksé. Orban sonne le glas du beau parcours européen des Azéris de Qarabag en sortant du banc, grâce à un but et un penalty marqué qui propulsent les Gantois en huitièmee de finale de la Conférence League.
Quelques jours plus tard, face à Anderlecht, Gift remet son costume de Facteur X. Il mystifie Jan Vertonghen en duel à la 57e minute et envoie une roquette dans la lucarne opposée de Bart Verbruggen, démontrant toute la panoplie de ses qualités. Le petit Nigérian ne s’arrête pas là. La semaine suivante, Orban glace Zulte Waregem en inscrivant un quadruplé d’une facilité déconcertante et démontre l’intégralité de sa palette, inscrivant même un coup franc, au nez et à la barbe du capitaine Kums, pourtant tireur désigné depuis des années.
Pied droit, pied gauche, Gift n’est pas là pour rigoler, il est là pour détruire toutes les équipes qui veulent lui empêcher de goûter la douce saveur des filets tremblants. “Je suis un attaquant, c’est mon job de marquer”, dit le principal intéressé après la rencontre au Gaverbeek. “Je suis déjà concentré sur le prochain match”. Un match qui fera entrer Orban dans l’histoire des compétitions européennes.
L’Europe à ses pieds
Après avoir égalisé lors du nul 1-1 à Basaksehir en huitième de finale aller, Orban dégoute les Turcs au match retour en inscrivant un triplé en 3,25 minutes, rendant par hasard hommage au prix déboursé par La Gantoise. Le Nigérian entre alors dans le livre des records de l’UEFA en marquant le triplé le plus rapide en Coupe d’Europe, attirant une grosse hype européenne autour de ses qualités.
Très mobile, costaud malgré son gabarit d’1m73, Orban se déplace comme un attaquant d’expérience. Il exténue les défenses belges grâce à des mouvements verticaux et une excellente position du corps à la réception du ballon qui lui permet d’être toujours face au but au moment d’armer ses frappes. Le néo-Gantois possède un flair et un sens du but incroyables, facturant des stats d’un but par match depuis son arrivée sur le sol belge.
Les chiffres sont terrifiants. Sur les terrains européens depuis moins d’un an, Gift Orban a fait parler la poudre 39 fois en 44 rencontres. Une carburation aux goals à la Erling Haaland pour celui qui a récemment déjà ouvert la porte à la Premier League, constamment à la recherche de victoires et de trophées. Comparable au style de jeu du Kun Agüero à Man City, le jeune nigérian pénètre chaque surface et envoie valser les schémas tactiques les plus minutieusement préparés au moindre espace laissé.
Persévérant à la mentalité de vainqueur, le joueur formé au Bison FC veut tout gagner, s’énervant lorsque la victoire n’est pas le point final de l’histoire de ses matches. Orban a inscrit 15 goals en championnat belge et fait déjà partie des 6 meilleurs buteurs de Pro League en débutant seulement au mois de février, talonnant les 16 buts inscrits par son compatriote Paul Onuachu, parti à Southampton au moment de son arrivée. Une obsession du but prouvé par le sang-froid qui anime Orban face aux cages qui le place déjà à la 20e place du classement total des frappes aux buts en Pro League avec 50 tentatives, soit une moyenne de 3,99 frappes tentées par matches, là où le leader Ferran Jutgla en a tenté 95 soit 3,77 par matches.
Forces et faiblesses du phénomène Orban
Ce qui impressionne chez le jeune buteur, en plus de ses qualités physiques d’explosivité et de puissance, c’est sa frappe de balle. Gift Orban est adroit des deux pieds et n’hésite pas à prendre sa chance de loin avec une certaine justesse, comme en témoigne ses bijoux contre Anderlecht, Basaksehir ou ce qui aurait pu être le but de l’année à Sclessin, avec une frappe depuis le rond central qui s’est finalement écrasée sur la transversale d’Arnaud Bodart. Une justesse de tir traduite par 63,6 % de frappes cadrées pour un joueur qui a un taux de 4,3 tirs par matches depuis le début des Europe Play-Offs. Des qualités impressionnantes, rarement sorties aussi rapidement chez un nouvel arrivant.
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Aux rayons des défauts, le jeu de tête peut encore être amélioré, pas vraiment aidé par son mètre 73. Au même titre, le joueur a tendance à beaucoup marquer lors des 70 premières minutes avant de s’éteindre peu à peu. Orban ne s’économise pas et grille beaucoup d’énergie dès l’entame de la rencontre, au détriment d’une endurance parfois trop légère. Le Nigérian devrait peut-être parfois plus se recoller au collectif gantois, lui qui célèbre souvent seul ses buts, ce qui peut déranger à certains moments Vanhaezebrouck, comme le coach l’a confié récemment en conférence de presse : “Nous allons lui expliquer qu’il peut également célébrer avec ses coéquipiers”.
La marge de Gift Orban reste énorme et son potentiel aurait attiré près de 50 scouts lors du match face à Eupen le 19 mars dernier. Le jeune attaquant devrait néanmoins rester dans le chef-lieu de la Flandre-Orientale, comme l’a confirmé le manager Michel Louwagie au journal L’Equipe : “Il n’est pas dans nos intentions de le vendre cet été. Son agent le sait”. Une manière de prévenir du prix que pourraient demander les Gantois, bien décidés à briser le record des 27 millions reçus pour Jonathan David. Dans un idéal de progression, Orban devrait rester encore une saison en Pro League. Une saison supplémentaire faisant office de confirmation, avec une qualification en Coupe d’Europe déjà dans la poche des Buffalos. L’occasion pour Gift de décrocher un transfert emballé dans un paquet-cadeau.
Par Robin Maroutaëff
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