Champions League: où est passée la solidité défensive de l’Atlético Madrid ?
Opposé à Manchester United en huitièmes de finale de la Ligue des Champions, l’Atlético est en plein doutes. Sa défense, pilier des succès de l’ère Simeone, montre d’inquiétants signes de fébrilité cette saison. Quelques mois après le titre acquis en Liga, les méthodes de Simeone divisent plus que jamais.
Allongé le long de la touche du Camp Nou, Daniel Wass grimace. Touché après un contact avec Ferran Torres, il doit se faire soigner par le staff médical de l’Atlético. Il s’agit de son premier match sous ses nouvelles couleurs et très vite, il comprend ce que signifie défendre le maillot des Colchoneros. Dans son dos, il sent un homme arriver et le soulever. D’une poigne qui ne laisse aucune place au doute, Diego Simeone relève son joueur pour qu’il remonte au jeu. Au coup de sifflet final, Wass s’effondre dans le rond central et doit être aidé pour retourner aux vestiaires. Quelques heures plus tard, des examens révèlent une blessure au ligament du genou droit
Simeone est connu pour le dévouement poussé à l’extrême auquel il astreint ses joueurs. Cette saison plus que jamais, le noyau est dans le rouge. L’Atlético repart finalement du Camp Nou avec une défaite 4-2 dans les valises. Alors que les coéquipiers de Yannick Carrasco avaient été champions la saison dernière grâce notamment à une défense passée à seulement 25 reprises en 38 matchs, ils atteignent déjà les 34 buts encaissés cette saison, après 25 matchs. L’arrière-garde, qui s’est érigée en référence mondiale par son intransigeance, pointe aujourd’hui au douzième rang des meilleures défenses de Liga. Le tout avec un noyau pratiquement inchangé.
En fin de cycle ?
Si le mercato n’a pas amputé l’équipe de ses leaders, les nombreuses absences ont pesé lourd dans la fébrilité défensive. Le plus gros creux de l’Atlético (3 défaites de rang en décembre) coïncide avec les absences sur blessure de Vrsalkjo, Savic et Gimenez. Si l’on mesure les mérites d’un coach à sa capacité à tirer le meilleur de ses joueurs, Simeone mérite bel et bien sa place au panthéon. Aujourd’hui, il doit faire avec les effets pervers. Peu adepte de la rotation, il voit les organismes de ses piliers s’user inexorablement.
Les entraîneurs aux méthodes aussi exigeantes restent rarement une éternité dans le même club : on pense notamment à des Bielsa ou des Mourinho dont les départs successifs faisaient écho aux fins de cycle de noyaux sur les genoux. A Madrid, il en va différemment. En plus d’incarner l’âme du club depuis 10 ans, Simeone s’appuye sur un groupe qui n’a été que très peu renouvelé, notamment dans le secteur défensif : Gimenez est arrivé au club en 2013, Savic en 2015 et Vrsalkjo en 2016. Débarqués en 2019, Felipe, Renan Lodi et Marco Hermoso font presque office de petits nouveaux.
Les sacrifices et les efforts collectifs, élevés au rang de dogmes par El Cholo Simeone, ont connu leur apogée lors du match décisif pour la survie en Ligue des Champions contre Porto : seul Hermoso était disponible en défense centrale, Geoffrey Kondogbia a dû descendre d’un cran pour stabiliser l’équipe face aux assauts portugais. Dans un match plus qu’haché (3 cartes rouges), l’Atlético s’est imposé 1-3 grâce à des buts marqués sur phase arrêtée et en contre.
Dans ce contexte, le coronavirus est apparu comme l’ultime grain de sable prêt à enrayer la machine en surchauffe. Début janvier, des cadres comme Oblak, Carrasco, Hermoso, Felipe, Hector Herrera, Koke, Griezmann et Joao Felix ont été contraints à l’isolement. Outre leur absence forcément ressentie dans le jeu, le fait d’être victime d’une maladie qui s’attaque aux voies respiratoires n’est pas à prendre à la légère quand on doit s’acquitter de courses défensives aussi intenses. Pour certains observateurs, tous ces signes d’usure marquent la fin de l’ère Simeone. Le contrôle technique prévu à la trêve estivale est vu comme une bonne occasion de mettre quelqu’un d’autre aux commandes d’un véhicule qui doit continuer à rouler avec les grosses cylindrées européennes.
Envers et contre tout
Pourtant, au sein du groupe, les préceptes de l’entraîneur argentin semblent toujours fédérer. Les buts encaissés ne résultent pas d’une désorganisation défensive inhabituelle mais plutôt d’erreurs individuelles. Alors qu’ils n’avaient concédé qu’un seul penalty en Liga la saison dernières, les Colchoneros en sont déjà à 5, dont 4 pour des fautes de main. Il en va de même pour les deux auto-buts concédés dans un rectangle embouteillé. Dans le but, Jan Oblak est aussi beaucoup moins souverain qu’à son habitude. De la trempe des meilleurs gardiens au monde, le Slovène s’est rendu coupable de plusieurs erreurs et présente même le pourcentage d’arrêt le plus faible de la Liga sur les tirs auxquels il est confronté (49,15%). Avant ce weekend, l’Atlético a encaissé 11 buts sur les 14 derniers tirs subis, Oblak n’en arrêtant que 2.
La défaillance est donc plus individuelle que structurelle. Les inlassables harangues de Diego Simeone depuis sa zone neutre (et au-delà) continuent de donner à l’équipe un deuxième et même un troisième souffle. De ses 14 victoires acquises en Liga et en Ligue des Champions cette saison, 6 ont été forcées après la 87e minute. Comme lors de ce match disputé à Getafe fin septembre où les Colchoneros renversent le score pour s’imposer 1-2 avec des buts à la 78e et à la 91e minute. La semaine d’après, ils remettent le couvert à l’AC Milan avec l’égalisation à la 84e et le but de la victoire à la 97e.
Ce n’est pas la première fois que les critiques s’inquiètent du jeu poussif de l’Atlético et ce n’est sans doute pas la dernière. Qu’importe. Diego Simeone en a vu d’autres. Avec toute la résilience inculquée par El Cholo, les joueurs, même en difficulté, continueront de regarder leur opposant direct dans le blanc des yeux. Samedi dernier, pour la première fois depuis un bon moment, tout le groupe était opérationnel pour le match à Osasuna. Cela a débouché sur une victoire 0-3. Manchester est prévenu : pour se qualifier, il faudra leur passer sur le corps.
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