Le CEO Vandendriessche viré de l’Union belge: une victime de plus d’un football aux coulisses obscures
Piet Vandendriessche n’est plus le CEO de la Fédération belge de football. L’ancien homme fort de Deloitte ne s’est jamais plié aux règles tacites d’un milieu qui dicte ses propres lois.
La dernière victime s’appelle Piet Vandendriessche. Cette fois, il n’y aura eu que quelques mois entre le temps des louanges et celui des reproches. Comme tant d’autres avant lui, le CEO de la Fédération belge de football (RBFA) s’est noyé dans les eaux troubles des plus hautes sphères footballistiques du pays. Un drôle de lieu de pouvoir où, pour survivre, il faut à la fois pouvoir nourrir les petits poissons et nager au milieu des requins en évitant que tout le monde finisse par dévorer la part du voisin.
Avec ses années fructueuses passées à la tête du cabinet de consultance Deloitte, Vandendriessche avait tout du candidat de rêve pour mener les grands travaux (essentiellement financiers) nécessaires à l’avenir du football belge. En mars, c’est encore avec un sourire radieux qu’il faisait son entrée sur la scène du musée Hergé, à Louvain-la-Neuve. Là, le CEO de la Fédé annonçait la prolongation du contrat de Domenico Tedesco jusqu’en 2026. Le décevant Euro allemand est passé par là, fragilisant la position du sélectionneur et ouvrant la porte aux critiques sur son patron. Dans la presse, on lit alors de plus en plus que ce nouveau contrat désormais jugé prématuré était le cheval de bataille de Piet Vandendriessche, auquel on reproche paradoxalement sa lenteur sur tous les autres dossiers tout en soulignant que sur celui-là, il est plutôt allé bien trop vite. Au nord du pays, surtout, on parle négativement du patron exécutif du foot belge, glissant des infos opportunément sorties des coulisses.
C’est ainsi que fonctionne la Fédération, depuis sa refonte sous l’impulsion de Mehdi Bayat, dirigeant de Charleroi élu président fédéral en 2019 dans un curieux mélange des genres. Autrefois essentiellement aux mains du football local par l’intermédiaire de ses dirigeants provinciaux, le pouvoir est désormais mieux réparti entre professionnels et amateurs au sein d’une assemblée à dix têtes: deux dirigeants de l’ACFF (le football francophone), deux de la VV (le football flamand), deux indépendants et quatre représentants du football professionnel. Plus souvent d’accord que les autres, ce sont eux qui ont pris la main. C’est donc la rupture entre les quatre et Piet Vandendriessche qui a fini par coûter son poste à ce dernier, révoqué à l’unanimité.
Vandendriessche, Mannaert et les pros
Si certains dossiers sont sortis à titre d’exemples, de la prolongation de Tedesco à la répartition financière des recettes des Diables rouges, le reproche qui traverse ce dossier en filigrane est le même que reçoivent tous ceux qui viennent de la «société civile» pour s’installer dans le monde du ballon rond: une manque de connaissance du football. Ou plutôt, de ses codes. Précisément, Vandendriessche n’aurait pas compris pourquoi il fallait accorder tant de privilèges à Vincent Mannaert, ancien CEO du Club de Bruges devenu candidat à la tête du département sportif de la Fédération pour épauler Domenico Tedesco en vue du Mondial 2026. Mannaert ne voulait rendre de comptes qu’à lui-même, voire au comité sportif composé de trois dirigeants du monde professionnel (Pierre Locht, Sven Jaecques et Wouter Vandenhaute). Pour le CEO de la Fédé, un tel poste ne pouvait être affranchi de contacts avec la RBFA dans sa globalité, sous peine de voir l’essentiel du pouvoir tomber entre les mains des représentants du football professionnel. Un petit arrangement injustifiable dans le monde de l’entreprise, mais tout à fait traditionnel dans le milieu si particulier du ballon rond. Le retrait de la candidature de Vincent Mannaert, assorti d’un mail qu’on dit incendiaire en coulisses, aura indirectement abouti sur trois jours de réunions extraordinaires, puis la mise à pied de Piet Vandendriessche.
Le football professionnel a ses propres codes. Ceux qui disent qu’on ne peut pas passer à côté de l’opportunité d’offrir un poste en vue à Vincent Mannaert, même si cela implique certaines concessions. L’homme a avoué son assuétude à l’alcool, qui l’a parfois amené à de grands excès lors de sa période brugeoise. Il a également été inculpé dans le cadre du fameux «Footballgate», qui a secoué le milieu à la fin de l’année 2018, évitant le passage devant les tribunaux en concluant une transaction pénale. Surtout, il est très lié au Club de Bruges, qu’il a contribué à ramener au sommet en compagnie d’un Bart Verhaeghe qu’on dit toujours très influent dans les couloirs de la Fédération à Tubize. Autant de griefs qui devraient être incompatibles avec une fonction majeure au sein d’une instance censée donner l’exemple. Les intéressés rétorqueront que Mannaert n’a pas été condamné, a droit à une deuxième chance, et est surtout immensément compétent. Dans le milieu du football belge, où on tente d’éviter les doubles casquettes depuis la fin du règne de Mehdi Bayat, être talentueux et disponible est devenu une anomalie. Par conséquent, une opportunité à côté de laquelle on ne peut pas passer, quelles que soient les considérations éthiques.
Longtemps, les hommes forts du football belge ont justifié leurs fonctions multiples et leurs intrusions fédérales par l’étroitesse du territoire, forcément limité en personnes compétentes pour prendre les décisions footballistiques les plus importantes du pays. En ouvrant leurs portes à des personnalités venues du monde des affaires, aussi brillant soit leur CV, les cibles ont changé mais les critiques restent les mêmes: ils ne savent pas comment ça fonctionne. Ils n’ont pas les codes.
Piet Vandendriessche était là pour changer les choses, mais il n’a pas voulu le faire à la manière des représentants du football professionnel. Comme elle l’a annoncé dans un communiqué presque glacial, la Fédération continuera donc sans lui. Avec ses méthodes de toujours.
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