Ce que Bruno Venanzi a payé pour échapper au procès du Footbelgate (info Le Vif)
L’ancien président du Standard de Liège a payé une transaction pénale d’environ 23.500 euros pour éteindre les poursuites dont il faisait l’objet dans le cadre du Footbelgate. Le parquet fédéral lui reprochait trois faux en écriture.
L’ex-homme fort des Rouches, Bruno Venanzi, a finalement choisi, comme d’autres figures phares du football belge avant lui, de passer à la caisse du Footbelgate. Pour rappel, cette tentaculaire affaire – également baptisée opération « Mains propres » – a éclaté en octobre 2018. Elle est cornaquée par le parquet fédéral. De Bruges à Anderlecht, du Standard à Gand, de Genk à Charleroi, onze des dix-huit clubs de la Pro League sont éclaboussés. Argent noir, fausses factures, rétrocommissions, pots-de-vin, matchs truqués : c’est la plus grande affaire judiciaire de l’histoire du football belge.
Poursuivi dans ce dossier, Bruno Venanzi a accepté de payer une transaction pénale d’environ 23.500 euros proposée par le parquet fédéral, a appris Le Vif à très bonne source. Ce paiement, réalisé il y a quelques mois, n’est pas une reconnaissance de culpabilité. Il signe juste l’extinction des poursuites à l’égard de Bruno Venanzi. En clair, cette transaction permet à l’ex-dirigeant des Rouches de ne pas avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel et donc d’éviter une condamnation pénale.
La transaction se décompose en trois montants de 7 000 euros concernant trois faux contrats présumés, car le parquet fédéral estime que Bruno Venanzi est le coauteur de trois faux en écriture. À ces 21.000 euros, il convient d’ajouter 0,54% des frais dépensés pour réaliser l’enquête judiciaire, soit environ 2.500 euros. Total, donc : 23.500 euros.
Contrats bidon et surévalués
Mais que reproche exactement la justice à Bruno Venanzi ? D’avoir signé trois conventions de « scouting » avec l’agent Dejan Veljkovic dans le cadre de trois transferts entrants : un entraîneur (Jankovic) et deux joueurs (Cimirot et Mladenovic). Le scouting consiste, pour un club, à mandater un agent pour qu’il aille « pister » de nouveaux talents en vue de les recruter.
Mais souvent avec Veljkovic, il s’agit de contrats bidon et surévalués : l’agent n’effectue aucune prestation, récupère les fonds du club, puis les rétrocède discrètement au joueur ou à l’entraîneur concerné (pour un complément de salaire occulte), et souvent, aussi, à l’un des managers du club (rétrocommission). Ces paiements au noir lèsent le fisc, la sécurité sociale et, ici, le Standard (qui a porté plainte).
Plus concrètement, Bruno Venanzi était poursuivi pour avoir signé, pour le Standard, une fausse convention de scouting, en octobre 2016, avec la société monténégrine Colt Sport de Dejan Veljkovic. Une convention signée lors du transfert de l’entraîneur serbe Aleksandar Jankovic du KV Mechelen vers le Standard. Montant des fonds du club liégeois détournés : 960.000 euros payables en six tranches.
Cette convention soi-disant pour le recrutement « d’internationaux en Serbie, Monténégro, Macédoine, Croatie et Bosnie », aurait également permis à l’entraîneur de toucher une coquette indemnité de licenciement au noir. Lorsque son contrat de travail avec le Standard est rompu en avril 2017, Jankovic aurait touché un « bonus » de 475.000 euros lié à la résiliation de ce faux contrat de scouting.
« Peut-on payer une partie non déclarée ? »
L’ex-agent Dejan Veljkovic a expliqué, dans une interview, les coulisses des négociations lors de l’embauche d’Aleksandar Jankovic : « Jankovic et moi sommes allés négocier son contrat au Standard (comme entraîneur). Venanzi (le président), Renard (le directeur sportif), Van Buyten (le conseiller de Venanzi), l’avocat du club et le directeur financier étaient présents. Jankovic a fait part de ses exigences salariales. Les gens du Standard se sont retirés dans une autre pièce pour discuter. Ils sont revenus et ont dit: « C’est OK mais peut-on payer une partie déclarée et une partie non déclarée? » C’est donc le club qui a fait une proposition avec un salaire déclaré et un salaire sous forme de faux contrat de scouting. »
Même scénario concernant le milieu défensif bosnien Gojko Cimirot. Quand il arrive au Standard du PAOK Salonique en janvier 2018, une autre convention est conclue dans le même but. Signée par Bruno Venanzi (pour le Standard), elle octroie à Beneyug Sport Management Ltd (une société chypriote contrôlée par Dejan Veljkovic) quelque 100.000 euros, payables en 5 tranches de 20.000 euros.
Pour obtenir une peine clémente, Veljkovic s’est « mis à table », profitant d’une nouvelle loi votée en juillet 2018. Il est ainsi devenu le tout premier repenti du royaume.
Un mécanisme similaire a été utilisé, selon le parquet fédéral, lors du transfert de l’arrière-gauche serbe Filip Mladenovic, en janvier 2017, de Cologne au Standard de Liège. Cette fois, la convention de scouting est signée avec une autre société monténégrine : Doo Magnum. Le montant des fonds liégeois détournés serait de 400.000 euros.
Carnet noir et « petits arrangements »
Tous ces détails ont été communiqués aux enquêteurs par l’agent Dejan Veljkovic. Ce dernier notait scrupuleusement, dans un « carnet noir », toutes les transactions qu’il réalisait. Pour obtenir une peine clémente, Veljkovic s’est « mis à table », profitant d’une nouvelle loi votée en juillet 2018. Il est ainsi devenu le tout premier repenti du royaume.
Grâce notamment à ses indications, le parquet fédéral a demandé, en janvier 2022, le renvoi de 56 personnes physiques – dirigeants, joueurs, agents, entraîneurs et arbitres – et d’une société devant le tribunal correctionnel. Ils sont inculpés de faux en écriture, fraude fiscale, blanchiment d’argent, appartenance à une organisation criminelle, ou sont encore accusés d’avoir truqué des matchs.
Bruno Venanzi serait le 17e suspect sur les 57 qui a conclu un accord à l’amiable avec la justice. Les noms de ces 17 suspects et les montants qu’ils ont payés ne sont pas connus. Les transactions pénales élargies ne sont pas publiques : il s’agit d’un accord secret entre le parquet fédéral et chacun des inculpés qui souhaite transiger. Mais le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne (Open VLD) veut mettre fin à ces « petits arrangements » en coulisses. Le conseil des ministres a d’ailleurs approuvé, en avril, un projet de loi visant à rendre ces accords publics.
Venanzi, acteur mineur du Footbelgate
Certains noms de suspects ayant transigé avec le parquet fédéral ont néanmoins filtré dans divers médias : Bart Verhaeghe, Vincent Mannaert (Club Bruges), Michel Louwagie (manager de Gand), Herbert Houden, Patrick Janssens, Herman Nijs et Filip Aerden (anciens directeurs du Racing Genk), Matthias Leterme (manager de Courtrai), Paul Van der Schueren (membre du conseil d’administration d’OHL), Erwin Lemmens (entraîneur des gardiens à la Fédération belge) et Peter Maes (ex-entraîneur de Genk et Lokeren).
Le montant de la transaction pénale de Bruno Venanzi est pour l’instant le seul connu dans cette affaire. Il est relativement modeste et fait de Venanzi un acteur mineur dans ce dossier. À titre de comparaison, dans une autre affaire liée au Standard, l’ex-homme fort du club liégeois, Lucien D’Onofrio, a payé en 2015 une transaction pénale de près de 1,6 million d’euros pour échapper à un procès en correctionnelle pour blanchiment.
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