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Carcela, le génie incompris

Au terme de la saison, Mehdi Carcela, l’enfant de la Cité ardente devrait quitter pour la troisième fois la maison rouche. Retour sur une campagne 2018-2019 contrastée.

Mehdi Carcela aime le mauve. Ou plutôt, il est rare qu’il ne se sublime pas quand Anderlecht s’inscrit au programme. Il y a quasiment un an, le 18 avril 2018, l’international marocain, brassard autour du bras, avait inscrit le but de la victoire (2-1) à la sortie d’une spéciale Carcela, façon Arjen Robben : contrôle du gauche côté droit, dribble intérieur devant Ivan Obradovic et finition enroulée hors de portée de Matz Sels. Sept ans plus tôt déjà, le 14 mai 2011, toujours en plays-offs 1, le génial gaucher avait conclu une action similaire, avec le pauvre Roland Juhasz dans le rôle d’Obradovic.

L’an dernier, au coeur d’une campagne sous forme de montagne russe, Mehdi Carcela avait alors enfilé les habits du sauveur. Arrivé de Grèce, à la toute fin du mercato hivernal, il avait été décisif à cinq reprises (2 buts et 3 assists) sur les six rencontres de saison régulière qu’il restait à disputer pour arracher, au bout du suspense, le précieux sésame pour des PO1 qu’il allait totalement dynamiter (3 buts et 6 assists). De quoi loger le Standard de Ricardo Sa Pinto à la seconde place.

Cette saison, le Belgo-Marocain n’affiche plus le même rendement. Avec 4 buts et 7 assists au compteur en 28 rencontres de saison régulière, le bilan chiffré est indigne d’un talent pourtant hors norme. Alors, comment expliquer cette saison contrastée entre coups d’éclats et coups de mou ?

Revalorisation salariale

Tout avait assez mal commencé. À la sortie d’une Coupe du Monde – qui devait être le climax de sa carrière et dont il ressortira déçu, ne disputant que 15 petites minutes face au Portugal – Mehdi Carcela avait créé la première polémique du Standard version MPH. Attendu le lundi 16 juillet, l’international marocain n’allait jamais se présenter aux entraînements. Quatre jours plus tard, avec ses casquettes de coach et de vice-président, Michel Preud’homme sortait de sa boîte de façon plutôt cash.

 » L’histoire est compliquée, parce que c’était vraiment inattendu. Son option de transfert a été levée le dernier jour, le président avait une somme de transfert définie, et il avait promis à son agent que si cette somme diminuait, ce serait au profit du joueur, que le Standard ne « gagnerait rien » là-dessus. Le Standard avait promis un beau geste si la somme de transfert était moindre, mais cela n’a finalement pas été le cas. Pour nous, c’est ennuyant. Si on avait su il y a un mois que Mehdi ne reviendrait pas, cet argent-là, on l’aurait utilisé pour acheter un bon joueur qui aurait fait toute la préparation avec nous. « 

Dans le clan Carcela, on reprochait à la direction rouche une gestion plus que maladroite du dossier qui entourait sa levée d’option. Quant au joueur, il n’a jusqu’aujourd’hui jamais vraiment digéré la promesse non tenue en fin de saison dernière d’une augmentation salariale (ce que le club réfute), qui n’arrivera jamais sur la table.

Une cassure quasiment définitive pour un élément qui marche énormément à la confiance et à l’affectif. Un artiste qui revendique une forme de liberté sur le terrain, ce dont il jouissait totalement la saison dernière, et dont il a parfois été privé cette saison au coeur d’un système  » MPH-Ferrera  » qui se veut plus rigoureux et balisé, et qui laisse moins de place à l’improvisation.

Un équilibre difficile à trouver pour l’intéressé qui reconnaissait dans l’Avenir :  » Quand on suit les consignes tactiques du coach, on voit que ça porte ses fruits, mais c’est sûr que moi, je dois rester libre . Si je n’ai pas cela, autant m’enlever du terrain, ça reviendrait au même.  » Une forme de liberté que certains de ses détracteurs associent à un manque de professionnalisme.

Retards et départs

Fin septembre, après deux revers douloureux, l’un à Séville (5-1), l’autre à Anderlecht (2-1), c’est Sud Presse qui se fait le relais de la direction et relate les retards répétés de Mehdi Carcela à l’entraînement. Trois mois plus tard, lors de la cérémonie du Soulier d’Or où le Standardman termine derrière le vainqueur attendu, Hans Vanaken, c’est son coach, Michel Preud’homme qui fustigera, cette fois à découvert, l’absence de son joueur.  » Il a toutes les qualités pour gagner le Soulier d’Or, mais il doit être plus régulier et doit avoir un comportement exemplaire… ».

Un Mehdi Carcela qui  » se serait endormi  » comme justificatif à son absence à la grand- messe footeuse du nord du pays alors que l’intéressé avait fait part, en interne, de sa volonté de ne pas s’y rendre. Une forme de bashing à l’encontre de son propre joueur qui allait d’ailleurs passer difficilement aux yeux du groupe des joueurs.

Quelques semaines avant l’élection du Soulier d’Or, lors du stage hivernal à Marbella, Mehdi Carcela apprend (indirectement) qu’il n’entre plus dans les plans du futur Standard, qui se met tout doucement en place et qu’il peut se chercher un nouveau club pour l’année prochaine. Une communication maladroite qui brouille encore un peu plus la relation entre le club et l’enfant de Sclessin. Et si sa fierté l’interdit d’afficher ses émotions, l’homme est à nouveau touché en plein coeur.

Après le succès précieux du Standard face à l’Antwerp en ouverture des plays-offs, on a pu voir Michel Preud’homme tomber dans les bras de l’international marocain en fin de rencontre. Comme si l’histoire du retour, pour la seconde fois, de l’enfant prodigue n’était pas totalement terminée. Et pourtant, à près de 30 ans, le Liégeois devrait privilégier le portefeuille au terme de la saison et poursuivre sa carrière dans un club du Golfe. Un choix quelque peu similaire à celui d’août 2011, quand il avait également opté pour l’aspect financier en signant pour Anzhi en Russie.

Deux mois plus tôt, un tacle au visage d’une rare violence de Chris Mavinga l’avait envoyé au tapis puis à l’hôpital. Certains pensaient alors sa carrière brisée. Cette fois, les sympathisants liégeois espèrent saluer en grande pompe l’enfant de la maison. Avec un deuxième titre dans les bagages, dix ans après celui de 2009.

Par Thomas Bricmont

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