Il a suffi de quatre tirs cadrés aux Brugeois pour marquer trois fois à Bergame. © IPA Sport/ABACA

Bruges fait l’exploit en Ligue des Champions: comment le Club aime faire mentir les datas

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Le Club de Bruges est en huitièmes de finale de la Ligue des Champions pour la deuxième fois en trois ans. Les chiffres hurlaient pourtant à l’élimination. Explications d’un paradoxe.

La scène n’est pas toujours la même, entre les salles confidentielles de la Conference League et les grands shows de la Ligue des Champions. Les acteurs changent aussi, au gré des mercatos qui créent des plus-values et révèlent de nouveaux talents. Le verdict, pourtant, est toujours identique: pour la troisième année consécutive, la campagne européenne du Club de Bruges est une réussite. Un exploit. Entrecoupées d’une historique demi-finale européenne (la première depuis 1993) au printemps dernier, les pérégrinations brugeoises sur la plus grande scène continentale les amènent pour la deuxième fois en trois ans parmi les seize meilleures équipes d’Europe. Grâce notamment, comme il y a deux ans, à un certain miracle statistique.

Au cœur de l’automne 2022, les hommes de Carl Hoefkens avaient défié toutes les lois du jeu, faisant un pied de nez aux datas grâce à un Simon Mignolet exceptionnel. Après quatre matchs, le futur Soulier d’or avait vu ses adversaires tirer 70 fois, mais n’avait récupéré aucun ballon au fond de ses filets. Une anomalie récompensée par une qualification exceptionnelle en huitièmes de finale, faisant du Club de Bruges la troisième équipe à passer l’hiver européen en Ligue des Champions au XXIe siècle après Gand (en 2016) et Anderlecht (en 2001).

Deux années sont passées, la formule a changé, et Bruges s’est hissé dans ces tout nouveaux barrages pour accéder aux si convoités huitièmes de finale. Cette fois, Mignolet n’a pas dû être exceptionnel pour franchir la première phase, marquée par une défense solide (onze buts encaissés en huit matchs en affrontant la Juventus, Manchester City, Dortmund ou le Milan) et une attaque efficace (onze points acquis en ne marquant que sept fois). L’Atalanta avait pourtant l’allure d’un trop gros morceau sur la route du huitième. C’est là que l’anomalie statistique est revenue.

Vainqueur logique à l’aller, Bruges a subi les vagues bergamasques comme une tempête. Les coéquipiers de Charles De Ketelaere ont frappé 30 fois au match retour, ratant tout, penalty compris, et ne trouvant qu’une fois le chemin des filets quand les sept tentatives brugeoises ont suffi à planter trois buts. Le Club a concédé 3,28 expected goals à Bergame (chaque tentative au but reçoit une valeur entre 0 et 1 en fonction de sa probabilité de finir au fond des filets). Plus que n’importe quelle autre équipe engagée en barrages ce mardi soir, y compris les éliminées.

L’an dernier, deux équipes avaient subi une telle marée adverse dans la phase éliminatoire de la Ligue des Champions: Copenhague à Manchester City et la Lazio au Bayern Munich. Les victimes avaient perdu et encaissé trois fois (3-1 pour les Danois, 3-0 pour les Italiens). Bruges a défié cette logique pour décrocher sa qualification. Parce que le football ne récompense pas toujours celui qui frappe le plus, ou même le mieux. En Ligue des Champions, on a coutume de dire que c’est celui qui punit le mieux son adversaire qui passe au tour suivant.

La saison dernière, le Borussia Dortmund a d’ailleurs atteint la finale en créant systématiquement moins d’occasions que ses adversaires lors des tours précédents. Le point d’orgue de cette campagne réaliste avait été atteint lors de la demi-finale retour contre le PSG, remportée 1-0 malgré un verdict aux expected goals qui penchait largement en faveur des Parisiens (3,25-0,74). Pour créer plus d’opportunités que leur adversaire, les Allemands avaient dû attendre la finale, pourtant perdue face au Real Madrid. Parce que personne ne défie mieux les statistiques que les Madrilènes, qui avaient écarté Leipzig et Manchester City en se créant moins d’occasions. Les hommes de Carlo Ancelotti n’ont pas leur pareil pour punir, et ont bien compris que c’est la qualité des gestes offensifs et défensifs posés dans les deux surfaces qui fait la différence en Ligue des Champions.

Bruges semble l’avoir compris, lui aussi. C’est peut-être le signe que le Club est tranquillement en train de devenir un grand d’Europe.

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