Swann Borsellino
Bons baisers de Bruges
On peut aimer les dimanches, mais il ne faut jamais oublier que le dimanche n’est qu’un jour dans une semaine, et que lui aussi, il peut être une belle journée de merde. C’est en tous cas ce qu’ont dû se dire les supporters d’Anderlecht, qui vont avoir bien du mal à se dire que le programme que leur a réservé la fin de week-end faisait partie du fameux process.
Invités à se faire beaux pour leur rendez-vous dominical pris à 13h30 à Bruges, les Mauves ont rythmé malgré eux une journée trépidante. 13h30, le dimanche, c’est aussi le moment idoine pour un baptême. En l’occurrence le mien, pour ma première journée gargantuesque de football belge. Au nom de Hans, de Jérémy et du Saint- Raskin. Amen.
Aujourd’hui, Rennes est probablement la deuxième meilleure équipe en France.
Comme dans chaque bon film d’action, tout a commencé par une intrigue que chacun pressentait. Annoncé dans le groupe anderlechtois pour se déplacer à Bruges, Jérémy Doku n’en était finalement pas. Une absence qui prendra de l’importance plus tard dans la journée. En tant qu’observateur du football européen, je ne connaissais de ce Bruges-là que ce qu’il avait montré en phase de poule de la Champions League. Au gré de matches hyper convaincants face au Real ou au PSG, ma curiosité avait grandi, nourrissant jusqu’ici une certaine déception après les sept premières prestations brugeoises en Pro League. Il n’a fallu que quelques minutes de ce Topper pour dissiper tous les doutes. Peut-être parce que pour ce choc à la maison, les Brugeois ont enfin enfilé le costard. Peut-être parce que la scène était propice pour voir les stars briller. Peut-être parce que l’adversaire a tout fait pour que les locaux puissent exceller. Ce dimanche, j’ai vu la meilleure équipe de Belgique. Ce n’est ni une insulte à Charleroi, ni au Standard, ni à personne, d’ailleurs. C’est, à la rigueur, une ode à un football que j’ai jugé de qualité européenne. J’ai vu une équipe cohérente, avec onze joueurs qui savent quoi faire du 4-3-3 de Philippe Clement et du mouvement incessant. Pour la première fois depuis que j’ai posé mes bagages en Pro League, j’ai vu un monde qui séparait deux équipes et c’est autant à cause du match d’Anderlecht que grâce aux atouts brugeois.
Comme dans chaque bon film d’action, il y a une scène avec un avion. Celui de Jérémy Doku a atterri à Rennes dans la soirée. Des supporters anderlechtois, je comprends la déception. Quand on bâtit un projet de jeu basé notamment sur la géniale insouciance de la jeunesse, voir partir l’une de ses meilleures pépites est un couteau planté dans le dos. Je me dois cependant de tempérer quelques ardeurs et n’y voyez ici aucun chauvinisme. Je n’aurais jamais pensé écrire cela il y a une décennie, mais aujourd’hui, le Stade Rennais est probablement la deuxième meilleure équipe en France derrière vous savez qui. Doku y sera mieux que dans un grand club – marche trop haute, temps de jeu réduit, il y jouera la Ligue des Champions et, qu’on le veuille ou non, des matches de qualité le week-end. Il y sera coaché par Julien Stéphan, un entraîneur sachant y faire avec les jeunes – il a parfaitement géré le cas Camavinga, dans un club bien structuré, où tout sera fait pour qu’il réussisse. Tout cela pour dire que Rennes n’est, de réputation, ni Liverpool, ni l’Olympique de Marseille, mais que dans le premier, Doku n’aurait pas joué tandis que dans le second, il n’aurait pas autant progressé ni pris de plaisir.
Du plaisir, c’est un autre gamin qui m’en a donné lors de ce Super Sunday. J’ai posé mes yeux sur Nicolas Raskin pour la première fois à Sclessin, un jour de Standard-Genk. Je ne l’ai plus quitté du regard. Ce dimanche, lors d’un choc sous testostérone, il a montré la palette des grands : le cerveau, les muscles et les pieds. Le cerveau pour anticiper les lignes de passes, comme souvent, et jouer de malice comme s’il avait l’âge du Nicolas qui gardait les buts adverses. Les muscles, sur les duels et les conservations de balle. Les pieds et un peu les poumons, pour aller chercher ce but du gauche à la 84e minute. C’est peut-être ça qui lui a valu la réputation qui était la sienne, mais Nicolas Raskin ne triche pas. Il a fini le match avec autant de crampes que de joie. Histoire d’être sûr que les supporters du Standard, eux, oublient que le dimanche est finalement un jour comme les autres.
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