Belgique-Roumanie: costume pour l’échafaud (analyse)
Retour tactique sur la victoire de la Belgique face à la Roumanie, la première des Diables lors de cet Euro 2024 (2-0).
Parce que l’Euro à 24 offre plus d’une séance de rattrapage, ce n’est pas encore un match sur l’échafaud. Pourtant, c’est en se préparant à éviter une condamnation au miracle que Domenico Tedesco taille le costume de son Diable. En face, les artistes roumains montent sur la pelouse avec la confiance de ceux qui restent sur une série de treize rencontres officielles sans connaître la défaite depuis le mois de juin 2022. Conscient mais confiant, le sélectionneur sort son onze de gala. Celui qu’il aurait probablement aligné contre l’Allemagne, pour le duel amical de prestige de sa première fenêtre internationale, si Jérémy Doku et Youri Tielemans avaient été disponibles ce jour-là. Tedesco opte donc pour sa défense de toujours, la longue-vue de Tielemans aux côtés d’Onana et la finesse de Dodi Lukebakio sur le flanc droit. Derrière à gauche, Arthur Theate pourra se contenter de penser à défendre, puisque la zone offensive hébergera le cerveau de Kevin De Bruyne à l’intérieur et les cuisses de Doku dans le couloir.
Sur les dernières notes de la Brabançonne, le sourire en coin du coach national est évocateur. De l’autre côté de la ligne blanche, la Belgique rit avant de jouer. Une récupération haute et musclée de Tielemans, deux appuis sur Lukaku entrecoupés des premiers pas de danse de Doku, le tout pour laisser le temps au milieu de terrain d’Aston Villa d’installer son canon à l’entrée de la surface (1-0). Dès les premiers mètres de la route vers l’échafaud, le Diable est parvenu à faire demi-tour.
Après le score, c’est le jeu qui s’éveille. La Roumanie de Iordanescu s’installe dans un 4-1-4-1 où Denis Dragus est chargé de chatouiller les relances de Jan Vertonghen et Wout Faes, tandis que les milieux doivent être neutralisés sur chaque passe vers l’avant. La Belgique répond avec sa chorégraphie préférée, muant vers un 3-2-5 dès qu’elle prend le contrôle du ballon. Castagne escalade son couloir jusqu’à la ligne offensive, et laisse Lukebakio occuper l’intervalle entre l’axe et le flanc. Le gaucher de Séville interprète le rôle à merveille: dans les rétroviseurs des milieux roumains, il parvient à conserver tous les ballons qu’il reçoit sous pression, souvent à se retourner, et ainsi à soulager un côté droit où Faes et Castagne ne brillent que rarement par leur aisance ballon au pied. Le Diable s’installe, et navigue au-delà des 70% de possession de balle.
La Belgique qui récite
En assiégeant le camp roumain, la Belgique évite soigneusement de multiplier les centres. Les entrées dans la surface adverse sont pourtant nombreuses puisque au bout des deux premières journées, personne n’a touché plus de ballon dans la zone de vérité que les Diables (76, huit de plus que le Portugal). Souvent, ce sont des exploits individuels ou des combinaisons courtes qui forcent les portes du rectangle. Peu avant le quart d’heure, Doku s’élance de la ligne de touche comme du haut d’un tremplin pour sauter sur la défense de la Roumanie, attirer deux défenseurs et servir un Lukaku donc le jeu en pivot est neutralisé par un retour défensif exceptionnel. Dans la foulée, c’est au tour de Kevin De Bruyne de se lancer dans une course folle avec le ballon. Son décalage pour Lukebakio est parfait, la frappe enroulée ne trouve que les doigts du gardien.
La Belgique poursuit sa partition, trouvant de plus en plus facilement De Bruyne et Lukebakio entre les lignes, ou s’appuyant sur le meilleur dribbleur du tournoi pour décapsuler l’organisation roumaine. Contrairement à ses habitudes devenues presque historiques, le Diable construit à droite et court à gauche. La demi-heure tout juste écoulée, un ballon piégeux de Casteels vers Theate est catapulté le long de la ligne par le Rennais, mais arrive jusqu’à la surface grâce aux jambes insaisissables de Doku. A l’approche de la mi-temps, Castagne et Lukebakio combinent astucieusement sur l’autre flanc et alertent De Bruyne dont la frappe croisée manque de puissance pour assommer la rencontre.
Les Roumains contre KDB
Laissés en jeu au bout d’une première période où ils n’ont existé que sur une phase arrêtée écartée par une claquette de Casteels, les Roumains annoncent la couleur en moins d’une minute. 45 secondes suffisent pour un premier tir de Man en forme d’avertissement, annonçant trois quarts d’heure bien plus équilibrés que les premiers. Une accélération de Mihaila surprend ensuite Amadou Onana, qui allonge la foulée pour empêcher un tir confortable au bout de la chevauchée.
Moins dominante, moins fluide aussi, la Belgique reste dangereuse. Essentiellement grâce à Kevin De Bruyne. Quand il est installé dans l’axe gauche du terrain, le capitaine des Diables est naturellement mis en position de chercher l’action décisive. KDB a du venin dans le pied droit, mais le serpent belge se mord uniquement la queue en finition. Un jeu national plus direct offre deux frappes à De Bruyne, un tir dans le petit filet à Doku, puis un but à Lukaku annulé pour un hors-jeu mesuré au microscope.
Le Diable ressemble à celui qui affrontait la Slovaquie, avec moins de maîtrise mais toujours autant d’occasions. Monté très tôt à la place d’un excellent Lukebakio, Trossard brille comme son prédécesseur pour faire respirer le côté droit belge, mais bafouille systématiquement sur la ponctuation. Yannick Carrasco n’est pas plus en réussite sur l’autre flanc, et la Roumanie manque de profiter d’une passe en retrait trop courte d’Onana pour égaliser. Finalement, c’est donc De Bruyne qui conclut le travail en solitaire, profitant d’un ballon très profond de Casteels et d’une trajectoire mal estimée dans la défense adverse pour anesthésier le marquoir (2-0).
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Problèmes de surface
Piégé sur un long ballon, anodin, Wout Faes offre une dernière cartouche à Denis Alibec. Le buteur roumain parvient à surprendre Casteels, mais pas Castagne qui offre de la continuité à la belle série défensive de la Belgique. Sur leurs 18 dernières sorties officielles, les Diables n’ont encaissé que onze fois, loin de l’image d’une sélection qui inquiète surtout son public quand on évoque sa ligne arrière. A l’inverse, seules l’Espagne (8) et la Croatie (7) ont manqué plus de «grosses occasions» que les Belges (6) depuis le début du tournoi. Au cœur de la cible, les cinq gros ratés de Lukaku devront être corrigés si le Diable veut vraiment allonger son été.
La bonne nouvelle, en plus des trois points et des sourires, c’est que l’équipe de Domenico Tedesco a semblé suivre son chemin naturel, sans trop adapter sa route pour éviter les embuscades adverses. Et que cette route semble idéale pour laisser la potence dans ses rétroviseurs.
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