Jérémy Doku était une fois de plus l'arme fatale de Domenico Tedesco © Gettyimages

Belgique – Azerbaïdjan : la micro-tactique de Tedesco (analyse)

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Retour tactique sur la victoire de la Belgique contre les Azéris pour conclure les qualifications pour l’EURO 2024 (5-0).

Une pelouse qui dégouline. Un hymne adverse qui sonne faux et des tribunes qui sonnent creux. Tout, dans les images d’avant-match, donne à la Belgique des airs de foutoir chaotique. Quelques minutes plus tard, pourtant, tout semble être prévu. Comme si la cacophonie nationale n’était qu’un leurre, donnant l’impression d’un Diable qui cherche son chemin avant le coup d’envoi pour mieux enfoncer l’accélérateur dès le premier coup de sifflet. La Belgique de Domenico Tedesco récrit la fable du lièvre et de la tortue. Parce que contrairement à la version de La Fontaine, après son départ en trombe, le sprinteur aux longues oreilles ne flâne jamais en chemin.

Il ne faut que quelques instants pour déchiffrer l’itinéraire choisi par les Belges et leur sélectionneur, décidément capable d’adapter ses chemins vers le but en fonction des pièces à sa disposition autant que de celles de son adversaire. Le temps d’une possession qui voit déjà Timothy Castagne dévorer le couloir droit pour adresser un premier centre vers la surface de l’Azerbaïdjan. Toujours disposée à quatre derrière quand l’adversaire tente de partir à l’abordage, la Belgique se dessine en 3-2-4-1 une fois le ballon entre ses pieds. Les muscles d’Aster Vranckx – meilleur ersatz national d’Amadou Onana – et d’Orel Mangala protègent un trio défensif désormais orphelin de Castagne, devenu ailier droit et laissant Johan Bakayoko se rendre disponible à l’intérieur du jeu. À gauche, ce sont Jérémy Doku et Leandro Trossard qui permutent pour se partager l’aile et l’intervalle. Le Citizen est plus libre que jamais, dans un rôle qui rappelle de plus en plus celui que Roberto Martinez aimait confier à Eden Hazard. Comme un hommage, Doku ne tarde donc pas à réciter l’action favorite du roi des Belges : un coup de reins vers l’intérieur, un coup d’œil à l’opposé, et un ballon délicatement déposé entre le latéral et le central gauche azéri qui offre presque l’ouverture du score à un Castagne qui joue son meilleur rôle, celui d’infiltreur qui multiplie les appels haut sur le terrain.

Très vite, l’ouverture du score semble pourtant être une question de dosage, et donc de minutes. L’énergie à la perte du ballon, emmenée par un Lukaku fédérateur et sublimée par un Bakayoko discipliné et dynamique, permet de ne laisser que des miettes aux hôtes du soir. Il faut remonter à 2019 et à un affrontement face aux amateurs de Saint-Marin pour voir la Belgique afficher des chiffres si flatteurs en matière de récupération haute du ballon. L’étouffement est si prononcé que même une remise ratée de Lukaku, interceptée par un Azéri devant Leandro Trossard, aboutit dans des pieds belges. Ceux de Jérémy Doku, dribbleur comme toujours et créatif comme jamais, qui dépose le premier but de la soirée sur le front de Big Rom (1-0).

Les centres préférés de la Belgique

Le centre a des airs futuristes. Le signe d’un football de club qui a contaminé les sélections, et de l’une des adaptations de Domenico Tedesco qu’on peut classer au rayon de la micro-tactique. Des détails presque invisibles quand on ne regarde que les grandes lignes du système de jeu, mais qui sont autant de munitions ajoutées à l’arsenal national. Face aux Azéris, la volonté belge était clairement d’envoyer des ballons dans la surface depuis ce que les geeks du jeu appellent les « halfspaces », ces zones comprises entre le flanc et l’axe du terrain. Plus proches de leur cible, et donc à la trajectoire moins incertaine, ils permettent à Doku d’alerter Castagne qui remise vers Lukaku (2-0), puis à Wout Faes, preuve d’un bloc belge de plus en plus haut, de trouver directement la tête du buteur diabolique (3-0).

Entre-temps, la fougue d’Eddy, arrière latéral visiteur aux sonorités locales a mis l’Azerbaïdjan en infériorité numérique. Le résultat d’une petite demi-heure passée au chevet d’un Jérémy Doku hyperactif. L’ailier dont les jambes semblent être des réacteurs magnétise de plus en plus le jeu belge vers le côté gauche, même si c’est Wout Faes qui réalise largement le plus de passes dominicales. Juste avant le retour aux vestiaires, le dynamiteur national allume encore une dernière mèche et trouve une passe dans l’espace pour un Bakayoko qui manque de justesse pour coller un autre nom que celui de Lukaku au marquoir.

Le Diable fait du breakdance

Le match change au retour des vestiaires. Parce que sans son quadruple buteur, la Belgique perd la destination de ses voyages collectifs. Dominateur d’espace plus que de surface, Loïs Openda est certes alerté dans la profondeur par un Youri Tielemans qui s’associe à merveille avec un profil qui lui rappelle les années fastes de Jamie Vardy à Leicester, mais peine à capitaliser sur les centres nationaux. Aux abords de la surface azérie, l’heure est donc à l’exploit individuel. Un jeu auquel tout le monde veut jouer, mais où c’est toujours Jérémy Doku qui gagne à la fin. Les chorégraphies s’individualisent, et personne n’arrive à la cheville des mouvements survitaminés de l’Anversois.

Le Citizen part à l’assaut jusqu’aux arrêts de jeu, animé par un Tedesco loin d’être rassasié au point de rendre le ballon rapidement à ses joueurs quand il sort à sa proximité. Les filets tremblent finalement une dernière fois, quand Doku passe près d’un penalty puis dévore la profondeur sur une passe de Tielemans et sert Trossard en retrait pour boucler l’addition (5-0).

Le coup de sifflet final suit une faute d’Ameen Al-Dakhil, homme positionné le plus bas sur l’échiquier belge en fin de rencontre mais réprimandé pour une intervention à l’entrée de la surface adverse, comme un témoignage d’intentions audacieuses jusqu’au bout. Un signal, aussi, de l’absence de danger adverse, chiffée à un seul ballon touché dans la surface diabolique en nonante minutes. L’histoire d’un succès sans bémol, facilité par un carton rouge précoce mais si autoritaire que la Belgique en oublierait presque que ça fait désormais six mois qu’elle gagne sans Kevin De Bruyne.

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