Le Standard des grands soirs attire toujours du monde, y compris des politiciens. © BELGAIMAGE

Argent, carnet d’adresses, avantages: les politiciens peuvent-ils vraiment aider le Standard?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Le monde politique s’est évidemment emparé de la situation du Standard. De là à dire qu’il peut vraiment aider le club, il y a un gouffre difficile à franchir.

Les mots de Willy Borsus font parler. Réagir. On pourrait presque soupçonner que la main tendue au Standard prend des airs de stratégie électorale. Interrogé par La Libre, le cabinet du ministre wallon de l’Economie glisse prudemment qu’il «n’exclut pas d’éventuellement intervenir» dans le dossier du marasme financier qui entoure le fleuron de la Wallonie footballistique. Campagne oblige, les micros sont tendus dans les autres camps. La RTBF profite de son Jeudi en Prime pour sonder Jean-Marc Nollet: «La situation est vraiment triste et me touche, mais je ne pense pas que c’est la responsabilité de la Région ou d’une autre autorité publique d’intervenir directement pour racheter le club. Ce ne sont pas les impôts des citoyens et des citoyennes qui doivent servir à ça.»

Tous les pays ne partagent visiblement pas cette vision des choses. En Italie, un autre club en grande difficulté de la galaxie 777 Partners a ainsi pu compter sur la générosité des instances. Fondé en 1893 et club en activité le plus ancien de la Botte, le Genoa était en péril financier avec une dette évaluée à plus de 106 millions d’euros à la fin de l’année 2022. Au cours de l’année suivante, le club a donc soumis une proposition à l’Agence italienne des impôts en espérant réduire sa dette de 65% et profiter d’un plan d’étalement sur dix ans pour le paiement des 35% restants. Une proposition approuvée au mois d’octobre dernier, apurant par conséquent la dette fiscale du club d’environ 70 millions d’euros. Un cadeau offert dans la lignée d’un amendement à la loi des finances, signé fin 2022 et qui permet aux clubs de réclamer du report des impôts dus au fisc.

Pas question d’une telle générosité dans un budget wallon déjà exsangue. Dans la foulée de son coup de pub, le cabinet du ministre Borsus déclare d’ailleurs se tenir «à disposition pour jouer un rôle de facilitateur, de contacts, comme nous le faisons avec d’autres entreprises». Cette fois, Jean-Marc Nollet était d’accord: «La Région pourrait mettre d’éventuels investisseurs autour de la table. Du cru, pas des spéculateurs et pas des fraudeurs.»

Dans le milieu du football, ce rôle est rarement joué par les politiciens. Il est l’apanage de ceux qu’on appelle «les rapporteurs d’affaires». Des agents, souvent. Des avocats renommés, parfois. Dans le cadre de la revente du Standard par Bruno Venanzi, c’est ainsi l’agent Kristof Vandersmissen qui avait fait le lien avec les Américains de JKC Capital, finalement éconduits en dernière minute par la volte-face du président et son choix inattendu pour 777 Partners.

Conseillé par la société de consultance PwC, Venanzi avait au préalable contacté la famille Lhoist, presque l’unique piste envisageable sur le marché belge. Une option locale pour laquelle plaide le monde politique en parlant de gens «du cru», mais bien plus idéaliste que réaliste sur l’échiquier économique national. Pour l’entreprise Lhoist, le problème n’était alors pas financier, mais plutôt médiatique: dans leur entourage, on raconte que les projecteurs braqués en permanence sur le Standard sont incompatibles avec le vœu de discrétion fait par la famille qui préfère faire grandir plus calmement son club de Rochefort, membre presque confirmé de la future Nationale 1 francophone (troisième division nationale). Leur refus avait, à l’époque, beaucoup touché Bruno Venanzi, qui les voyait comme le candidat idéal à la reprise du club après l’échec de sa collaboration avec François Fornieri.

Dans un tel dossier, l’intervention de l’un ou l’autre carnet d’adresses ministériel paraît clairement superflue, car il semble difficile d’imaginer qu’un éventuel prochain propriétaire du Standard soit issu du sérail belge. Les pistes qui frappent actuellement à la porte de Sclessin viennent très majoritairement de l’étranger, souvent amenées par des agents qui font jouer leurs contacts pour amener le sauveur des Rouches et décrocher la commission qui va avec. Le monde politique pourrait intervenir dans un second temps, à l’heure d’aider à la bonne tenue des négociations en facilitant l’arrivée de nouveaux investisseurs à Liège. Là, les cas récents sont bien plus nombreux: lors du rachat d’Ostende par les Américains de Pacific Media Group, le bourgmestre Bart Tommelein était ainsi intervenu pour aider à régler le litige financier qui opposait les repreneurs à l’ancien propriétaire, le milliardaire Marc Coucke. Du côté de la capitale, Catherine Moureaux s’était publiquement enthousiasmée de sa première rencontre avec John Textor, le riche nouveau propriétaire du RWDM. Quant à l’Antwerp, il a pu poursuivre une croissance spectaculaire et rénover son stade en un temps record, notamment grâce à la volonté du bourgmestre Bart De Wever de faire briller sa métropole sur la carte sportive du pays.

A l’époque où Bruno Venanzi avait créé une société immobilière pour racheter le stade de Sclessin, il se murmurait que Noshaq, le bras financier liégeois, envisageait de se joindre au fastueux projet. Dans les couloirs de la société d’investissement, on reconnaissait que le potentiel du quartier, d’où doit un jour s’élancer le tram principautaire (un privilège obtenu à l’époque grâce aux excellentes relations entretenues par Lucien D’Onofrio avec le monde politique liégeois), ne laisse pas indifférent, et que l’importance croissante de Noshaq Immo pourrait inciter le fonds à franchir le pas.

Si l’histoire a pris un détour bien différent de celui imaginé à l’époque, elle prouve une fois de plus que le monde politico-économique n’est jamais bien loin du Standard. Sclessin est une belle caisse de résonance, et pas seulement grâce aux chants de son public ardent.

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