Algérie : le football, symbole majeur d’un patriotisme qui défie les grandeurs
Dépassant largement ses propres frontières, la ferveur des algériens pour le football est devenue, au fil des années, un phénomène mondial. Dans quelques semaines, la CAN 2022 sera le théâtre de cet amour maternel qu’éprouve le peuple Fennec pour le ballon rond qui lui a, en partie, donné la vie.
Série à suspense de l’été, L’Euro 2021 projette son antépénultième épisode au soir du 7 Juillet. Le synopsis mentionne un duel méditerranéen entre l’Italie et l’Espagne. Un thriller tactique opposant le pragmatique Roberto Mancini au romantique Luis Enrique. Malgré une énorme domination hispanique, Federico Chiesa, aussi cruel que Jack Torrance dans Shining, délivre la Squadra Azzura d’un coup de botte dont il a le secret. Plus tard, la magnifique séquence entre Alvaro Morata et Dani Olmo nous emmène vers un long format de 120 minutes.
A ce moment précis, le réalisateur opte pour un travelling surplombant la tribune espagnole. Au centre d’une liesse indescriptible, le focus s’attarde sur un drapeau algérien fièrement brandi par ses propriétaires. Une fois de plus, la scène amuse beaucoup de spectateur en raison de sa récurrence. En effet, chaque week-end aux quatres coins de l’Europe, des étendards vert et blanc frappé d’un croissant de lune garnissent les stades sans même qu’un joueur Fennec ne foule la pelouse. Toutefois, ce running gag cache un phénomène bien plus complexe.
Une indépendance arrachée à coups de crampons
Nation ô combien jeune, l’Algérie n’a pas encore soufflé ses 60 bougies. Pourtant, le pays s’est déjà offert une place de choix sur l’échiquier footballistique mondial. Par exemple, la talonnade géniale de Rabah Madjer pour inscrire un but en finale de Ligue des Champions 1987 a donné lieu au geste technique qui porte son nom. Sans oublier les « magnifiques défaites » des Coupe du Monde 1982 et 2014. De grands moments de fierté pour ce peuple nord-africain.
Plus loin que l’égo se cache l’amour. Et si les algériens entretiennent une relation charnelle avec le sport roi, teintée de passions et d’excès, c’est parce que le football fait partie intégrante de son histoire politique. Souvent snobé par les grandes instances du football, chaque sortie est une croisade pour la sélection qui part honorer son fief : l’Algérie, le Maghreb et l’Afrique. Ensuite, et surtout, l’équipe nationale a été un vecteur permanent de la lutte pour une Algérie libre. Elle donnait de la force et de l’espoir à tout un peuple et se révèlera indissociable du combat pour l’indépendance.
Bien avant la mise en place de cette équipe nationale, le foot s’érigeait déjà comme le symbole des ambitions nationalistes au sein du pays. Il y a d’abord eu la création de clubs « musulmans » lors de la période coloniale française, surtout après 1945. Dans un premier, cela ne dérange guère les autorités coloniales qui appuient même ce mouvement, convaincu que la pratique commune du ballon rond donnera de l’air au pouvoir en asphyxiant les rivalités raciales ou religieuses. Malheureusement, les matchs sur le sol africain opposant les équipes européennes aux équipes algériennes tournent de plus en plus au pugilat.
« Et si les algériens entretiennent une relation charnelle avec le sport roi, teintée de passions et d’excès, c’est parce que le football fait partie intégrante de son histoire politique. »
La FIFA corse le menu
Et ce « onze de l’Indépendance », comme beaucoup daignent à le surnommer, part à l’assaut des pays étrangers pour conquérir l’esprit du monde quant à l’indépendance de leur territoire. Amère, la France décide de mettre des bâtons dans les roues d’un mouvement qui prend trop d’importance à son goût. La Fédération Française de Football fait pression sur la FIFA pour que toute sélection qui jouera contre l’Algérie soit exclue pendant deux ans de toutes compétitions. Si la demande tricolore, assaisonnée d’un zeste de corruption, est indigeste, l’aval de la FIFA donne la nausée.
Les menaces de l’instance reine du football n’auront toutefois pas raison. Plusieurs pays acquis à la cause algérienne n’ont pas hésité à braver cette interdiction. Mieux, des stars de l’équipe de France affichent clairement leur soutient à certains de leur anciens équipiers à l’image de Raymond Kopa où de Fontaine qui, une fois de plus, avait vu Juste.
Bien entendu, comparé aux entres enjeux en vigueurs, le sportif fait pâle figure. Il convient tout de même de relever l’étincelant bilan du FLN composé de 57 brillantes victoires pour seulement 12 sombres défaites. Oui, l’important n’était pas là. Mais le peuple n’oubliera jamais que si, depuis 1962, le drapeau vert et blanc éblouit le ciel d’Alger, c’est en partie grâce à cette équipe de diamants.
« La Fédération Française de Football fait pression sur la FIFA pour que toute sélection qui jouera contre l’Algérie soit exclue pendant deux ans de toutes compétitions. Si la demande tricolore, assaisonnée d’un zeste de corruption, est indigeste, l’aval de la FIFA donne la nausée. »
Vaincre en terre camerounaise
Cet hiver, les ouailles de Djamel Belmadi poseront le pied au Cameroun avec le trophée de 2019 bien au chaud dans leurs bagages. Le ramener à Alger ne sera pas chose aisée tant la Coupe d’Afrique des Nations est une compétition exigeante. Le génie de Ryad Mahrez où le flair d’Islam Slimani pourraient les y aider. Mais leur plus grande force viendra une nouvelle fois des gradins et de leur magnifiques supporters, tous conscient qu’entre souffrance, amour et passion, le coeur du Maghreb bat en partie grâce au ballon rond.
« One Two Three … Viva l’Algérie ! », d’où ça vient en fait ?
Connue de tous, cette mélodie enivrante résonne à chaque match disputé de l’équipe nationale. A la fois simple et efficace, le slogan colle à la peau d’un pays où le football rime avec joies et libertés. Et si le jeu en lui-même fut, pendant longtemps, vecteur de revendications politiques, il en serait de même pour ce chant créé de toutes pièces par les supporters algériens.
Entonné pour la première fois lors d’une joute amicale opposant l’Algérie à Sheffield United, son origine n’est pas très claire et deux explications s’offre à elle. Pour certains, il s’agirait d’une adaptation d’un slogan indépendantiste : « We want to be free, Viva l’Algérie !« , scandé à tue-tête lors de la guerre d’Algérie. Victorieux 3 buts à 1, les supporters Fennecs mixent alors la formule nationaliste avec le score indiqué sur le marquoir pour chanter en coeur « One, Two, Three, Viva l’Algérie » !
D’autres observateurs attribuent la genèse de ce chant au cri de guerre marocains « Un Deux Trois / Vive le roi ! » scandé au moment de la crise du Sahara occidental qui est à l’origine de grosses tensions entre Rabat et Alger.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un nouvel exemple illustrant le lien très fort qui unit la politique et football au sein du pays. Un mariage que même la Fifa, en belle-mère rabat-joie, n’a pu empêcher l’union.
La patrie plutôt que Di Stefano
Avril 1958 est sans aucun doute le point culminant de l’importance du football dans ce conflit. Par pure solidarité nationaliste, 10 joueurs professionnels algériens évoluant dans les ligues métropolitaines françaises décident de quitter l’hexagone. Ensemble, ils n’ont qu’une idée en tête : donner naissance à la première équipe nationale d’Algérie. Celle-ci sera nommée FLN, Front de Libération Nationale, et sera basée à Tunis.
Il s’agit d’un mouvement d’une ampleur inégalée. On parle quand même de plusieurs joueurs de Ligue 1 qui font table rase de tout ce qu’ils ont accomplis pour fonder une équipe nationale clandestine dont le pays est encore sous tutelle coloniale. Deux d’entre eux ont déjà défendu le maillot tricolore. Mustafa Zitouni, à qui Alfredo Di Stefano faisait les yeux doux pour rejoindre le grand Real Madrid, et Rachid Mekhloufi, magnifique joueur de l’AS Saint-Etienne.
Bien que la comparaison soit impossible au vu du contexte politique, tentons d’imager cela. C’est comme si, aujourd’hui, Thomas Lemar, Alexandre Lacazette et Kingsley Coman quittaient l’équipe de France pour défendre les intérêts de la Guadeloupe. Impensable.
Plus tard rebaptisée Equipe d’Algérie Indépendante, la troupe de Mokhtar Aribi, ancien coach d’Avignon, entament une tournée tunisienne où ils terrassent logiquement toutes les formations locales. Mais, très vite, les objectifs politiques reprennent le dessus. En fin de compte, le sport est une flèche au service de l’arc nationaliste.
Ceci explique en partie pourquoi l’équipe d’Algérie est, encore aujourd’hui, une des plus soutenues au monde. Le football symbolise cette période glaçante qu’à vécue le pays. A travers lui, les citoyens algériens transpirent encore aujourd’hui la sueur, les sacrifices et les combats des hommes qui se sont battus pour eux. La preuve, les grands stades algériens portent chacun un nom en rapport avec la Guerre d’Indépendance.
« C’est comme si, aujourd’hui, Thomas Lemar, Alexandre Lacazette et Kingsley Coman quittaient l’équipe de France pour défendre les intérêts de la Guadeloupe. Impensable. »
La FIFA corse le menu
Et ce « onze de l’Indépendance », comme beaucoup daignent à le surnommer, part à l’assaut des pays étrangers pour conquérir l’esprit du monde quant à l’indépendance de leur territoire. Amère, la France décide de mettre des bâtons dans les roues d’un mouvement qui prend trop d’importance à son goût. La Fédération Française de Football fait pression sur la FIFA pour que toute sélection qui jouera contre l’Algérie soit exclue pendant deux ans de toutes compétitions. Si la demande tricolore, assaisonnée d’un zeste de corruption, est indigeste, l’aval de la FIFA donne la nausée.
Les menaces de l’instance reine du football n’auront toutefois pas raison. Plusieurs pays acquis à la cause algérienne n’ont pas hésité à braver cette interdiction. Mieux, des stars de l’équipe de France affichent clairement leur soutient à certains de leur anciens équipiers à l’image de Raymond Kopa où de Fontaine qui, une fois de plus, avait vu Juste.
Bien entendu, comparé aux entres enjeux en vigueurs, le sportif fait pâle figure. Il convient tout de même de relever l’étincelant bilan du FLN composé de 57 brillantes victoires pour seulement 12 sombres défaites. Oui, l’important n’était pas là. Mais le peuple n’oubliera jamais que si, depuis 1962, le drapeau vert et blanc éblouit le ciel d’Alger, c’est en partie grâce à cette équipe de diamants.
« La Fédération Française de Football fait pression sur la FIFA pour que toute sélection qui jouera contre l’Algérie soit exclue pendant deux ans de toutes compétitions. Si la demande tricolore, assaisonnée d’un zeste de corruption, est indigeste, l’aval de la FIFA donne la nausée. »
Vaincre en terre camerounaise
Cet hiver, les ouailles de Djamel Belmadi poseront le pied au Cameroun avec le trophée de 2019 bien au chaud dans leurs bagages. Le ramener à Alger ne sera pas chose aisée tant la Coupe d’Afrique des Nations est une compétition exigeante. Le génie de Ryad Mahrez où le flair d’Islam Slimani pourraient les y aider. Mais leur plus grande force viendra une nouvelle fois des gradins et de leur magnifiques supporters, tous conscient qu’entre souffrance, amour et passion, le coeur du Maghreb bat en partie grâce au ballon rond.
« One Two Three … Viva l’Algérie ! », d’où ça vient en fait ?
Connue de tous, cette mélodie enivrante résonne à chaque match disputé de l’équipe nationale. A la fois simple et efficace, le slogan colle à la peau d’un pays où le football rime avec joies et libertés. Et si le jeu en lui-même fut, pendant longtemps, vecteur de revendications politiques, il en serait de même pour ce chant créé de toutes pièces par les supporters algériens.
Entonné pour la première fois lors d’une joute amicale opposant l’Algérie à Sheffield United, son origine n’est pas très claire et deux explications s’offre à elle. Pour certains, il s’agirait d’une adaptation d’un slogan indépendantiste : « We want to be free, Viva l’Algérie !« , scandé à tue-tête lors de la guerre d’Algérie. Victorieux 3 buts à 1, les supporters Fennecs mixent alors la formule nationaliste avec le score indiqué sur le marquoir pour chanter en coeur « One, Two, Three, Viva l’Algérie » !
D’autres observateurs attribuent la genèse de ce chant au cri de guerre marocains « Un Deux Trois / Vive le roi ! » scandé au moment de la crise du Sahara occidental qui est à l’origine de grosses tensions entre Rabat et Alger.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un nouvel exemple illustrant le lien très fort qui unit la politique et football au sein du pays. Un mariage que même la Fifa, en belle-mère rabat-joie, n’a pu empêcher l’union.
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