Alessio Castro-Montes est rapidement devenu l’un des cadres de l’Union. © BELGA PHOTO TOM GOYVAERTS

Alessio Castro-Montes (Union Saint-Gilloise): “Je me suis mis à espérer un signe de Tedesco”

/ /

Resté au Parc Duden, Alessio Castro-Montes a vu partir son coach et une partie des artisans de l’épatante saison écoulée pendant un été passé un peu trop devant la télé.

Si une étape de plaine du Tour de France est souvent propice à la sieste, elle se prête – vérification faite – tout aussi bien aux confidences. De longues lignes droites, une absence d’échappée et un besoin légitime de combler les blancs. Tout comme à la télé. Les châteaux d’époque en moins. Alors, entre un sprint intermédiaire, deux ou trois îlots directionnels et une tentative avortée de bordure, Alessio Castro-Montes s’est allongé sur le divan. Pas pour nous confier son désir de voir Jasper Philipsen ou Arnaud De Lie lever les bras, un peu plus pour revenir son city-trip express vers Düsseldorf le 1er juillet dernier, un soir de France-Belgique.

Le latéral unioniste aurait été à pied jusque-là si c’était pour intégrer la bande à Domenico Tedesco. Faute d’appel du sélectionneur, ACM s’est rendu en Allemagne comme n’importe quel membre de la délégation de fans des «Diables». Incognito, plus supporter de salon qu’acteur de terrain, le joueur de 27 ans n’est pas d’un naturel rancunier. Cet été, entre une Supercoupe de Belgique et un tour préliminaire de Ligue des champions avec l’Union, il supporte d’ailleurs d’autres Belges aux JO de Paris. De Thomas Detry (golf) à Remco Evenepoel (cyclisme), en passant par Zizou Bergs (tennis) et Alexander Doom (athlétisme). Sa façon à lui de combler les trous d’un été qu’il aurait légitimement voulu passer un peu moins proche de son poste de télé. Alessio Castro-Montes ne s’en formalise pas. Parle aussi bien des autres que de lui-même. Une forme d’altruisme bienvenu quand on doit faire avec une concurrence qui l’a toujours maintenu plus près des fan zones que du onze de base des Diables. A moins que le meilleur soit encore à venir. Flamme rouge en vue.

Alessio, on te retrouve au cœur d’une préparation singulière puisque entamée sans entraîneur principal. Une curiosité pour un club appelé à rapidement se diriger vers des échéances de premier plan, avec l’enchaînement de la Supercoupe, puis des tours préliminaires de la Ligue des champions. Quelle a été l’atmosphère de ces premières semaines traversées sans T1?

Le début de la préparation, ce n’était pas vraiment le plus cool. A défaut de coach et de pouvoir bosser la tactique, le focus était davantage mis sur la préparation physique. Ce qui fait que ça a forcément été assez dur, surtout les premières semaines. On n’a pas beaucoup vu le ballon. Le plus surprenant était évidemment d’effectuer tout ce travail sans coach principal et donc sans réel «évaluateur». Dans le sens où on sait tous qu’avec un nouveau coach, il y a beaucoup plus de sérieux parce que tout le monde veut se montrer sous son meilleur visage, prouver qu’il a sa place, se faire remarquer, quoi. C’est cette absence de coach qui a donné au début de la préparation un aspect parfois un peu lunaire malgré l’implication majeure des entraîneurs assistants restés en place.

L’autre particularité de ton été, c’est d’avoir suivi l’Euro 2024 à distance alors que certains t’imaginaient parmi les 26 – devenus 25 – de Domenico Tedesco. Comment as-tu vécu cette période?

J’ai joué 51 matchs cette saison, donc je dirais qu’à toute chose malheur est bon. J’ai pu profiter de vraies vacances. Je me suis marié et je suis même parti en voyage de noces à Hawaï. Dans mon cas, heureusement, ma vie ne s’arrête pas au football. J’ai donc essayé de faire le switch le plus rapidement entre ce qui était bien sûr une déception légitime d’un point de vue professionnel et les perspectives personnelles que cela m’offrait.

Tu parles spontanément de tes 51 matchs joués la saison passée. Or, on a beaucoup critiqué le faible niveau de jeu supposé de cet Euro, qui serait lié à l’épuisement de beaucoup des grandes vedettes attendues de la compétition. Des stars qui ont parfois déçu. Tu valides la thèse du manque de fraîcheur?

Je pense que c’est logique, oui. Dans certaines rencontres, tu peux évidemment payer une certaine forme de fatigue, aussi bien physique que mentale, après une saison à plus de 60 matchs pour certains. Et d’un autre côté, je pense aussi que la tactique joue beaucoup. L’Euro à 24 équipes a amené plus de petites nations dans ces grands rendez-vous et celles-là pensent souvent assez logiquement d’abord à défendre quand elles jouent contre des cadors. Ce qui donne des oppositions stéréotypées. Un bloc haut contre un bloc bas.

Petit à petit, les grands s’adaptent et se disent que ce n’est pas toujours à eux d’aller presser haut, quitte à attendre longtemps qu’une brèche s’ouvre. Et puis, dans les grands matchs, cela se répète obligatoirement. En cela, la rencontre entre la Belgique et la France était un bon exemple. J’étais au stade comme simple supporter avec mon frère, donc je pense avoir bien pu analyser ce match et c’est vrai qu’on a vraiment vu que là, plus que la fatigue, ce sont les velléités tactiques des deux coachs qui ont donné lieu à une rencontre très fermée. Cela appartient au fait que dans les très grands matchs comme ceux-là, on essaie régulièrement et d’abord de ne pas perdre. C’est aussi propre au jeu de sélection je crois, où on a moins le temps de mettre des systèmes en place.

Cela fait deux grandes compétitions que tu suis à la télévision alors que cette fois-ci, comme au Qatar en 2022, ton nom a parfois gravité autour de la sélection, sans finalement être repris. Il y a une forme d’incompréhension, ou au moins d’impatience?

Quand je suis à Düsseldorf le 1er juillet, que je vois cette ambiance avant le match contre la France, je ne peux pas vous dire que cela ne pique pas un petit peu. Evidemment que cela fait mal. D’autant plus qu’il y a une part de moi qui se disait que je ne devais pas être si loin d’une sélection. Mais après, il faut être honnête, tous les joueurs sélectionnés méritaient leur place dans le groupe.

Sauf que mathématiquement, il restait une place dans ce groupe. Le fait de voir Domenico Tedesco reprendre seulement 25 noms et se priver d’un latéral droit supplémentaire malgré la blessure et le forfait partiel de Thomas Meunier, n’est-ce pas compliqué à accepter?

Comme je disais, oui, ça pique un petit peu. Beaucoup même, c’est vrai (rires). Et je ne vais pas vous mentir, quand Thomas Meunier est sorti blessé contre le Luxembourg, mon téléphone a explosé dans les heures et les jours qui ont suivi. Beaucoup de gens me disaient que ça allait être mon tour. Que c’était sûr. A force de l’entendre, tu finis par le croire donc c’est vrai qu’à ce moment-là, je me suis mis à espérer un signe du sélectionneur. Mais il a fait son choix, il l’a expliqué et je ne pouvais que respecter cela.

Tu figures depuis un certain temps dans les différentes pré-sélections élargies, mais on ne connaît jamais vraiment le vrai du faux dans ce que cela implique pour les joueurs. Dans ton cas, est-ce que cela signifie qu’à un moment ou un autre, tu as eu un contact direct avec Domenico Tedesco?

Oui, j’ai été dans plusieurs pré-sélections, mais non, je n’ai pas pour autant eu de contacts directs avec le sélectionneur ou même avec Franky Vercauteren. Pas plus qu’à l’époque de Roberto Martínez, qui m’avait aussi pré-sélectionné, sans jamais que je discute avec lui. Mais je l’ai compris maintenant, une pré-sélection, c’est juste la Fédération qui envoie une lettre au club et le club qui prévient le joueur, mais ce n’est rien de plus. C’est aussi pour ça que je ne me faisais pas trop d’illusions avant l’Euro. Je me disais bien que si je devais être repris, le coach aurait au moins pris le soin de m’appeler une fois pour me prévenir.

La retraite annoncée de Jan Vertonghen en appellera peut-être d’autres. Des places vont se libérer. Est-ce que le prochain objectif, c’est d’intégrer le groupe en septembre pour les premiers matchs de Nations League et les retrouvailles face à la France?

Ce n’est pas vraiment un objectif, mais cela doit bien entendu être une ambition. Mais je ne peux rien forcer. Dans deux ans, il y a un Mondial à aller jouer en Amérique. Bien sûr que je voudrais y être, ça fait rêver. Je ferai donc tout pour prouver sur le terrain que j’ai ma place dans ce groupe. Et le reste appartiendra au sélectionneur. Je pense qu’on connaît mon profil maintenant. A voir s’il correspond à un besoin ou non.

On a l’impression que si tu avais fait la même saison que celle réalisée l’an dernier à l’Union dans un club étranger d’un des cinq grands championnats, tu aurais été repris pour l’Euro. Tu le penses aussi?

J’en suis assez convaincu, oui. Mais est-ce que j’aurais vraiment fait la même saison dans un club plus huppé d’un plus grand championnat? Il faut être honnête et reconnaître que je n’en sais rien. J’aurais là aussi tout fait pour en tout cas (rires). La vérité, c’est que je n’ai pas eu les offres attendues de l’étranger l’an dernier, au moment de quitter Gand.

Et que tu as finalement abouti à l’Union, à la surprise générale, le dernier jour du mercato. C’était d’abord une déception d’être resté en Belgique?

Sincèrement, je vais être honnête, jamais je n’aurais pensé signer à l’Union en début de mercato l’an dernier. Parce qu’en effet, ce n’était pas un objectif pour moi de rester en Belgique. Et que j’avais quelques touches à l’étranger. Séville s’est manifesté, j’aurais pu aller à Augsbourg, à Hambourg, mais en D2, ou à Toulouse… Finalement, il y avait toujours un petit quelque chose qui coinçait. Et honnêtement dans ce contexte, j’étais finalement très content de débarquer au cœur du projet unioniste. Déjà parce que je rejoignais un club ambitieux, ensuite parce que cela me permettait de rejouer à ma meilleure place, à droite, ce qui n’était plus le cas à Gand (NDLR: où Hein Vanhaezebrouck privilégiait Matisse Samoise à cette position). Bref, je savais que j’allais m’épanouir dans ce club. Mais je savais aussi que cela m’empêcherait peut-être à moyen terme de franchir un palier. Dans le sens où au fond de moi, je me doutais qu’en restant en Pro League, je diminuais mes chances de participer à l’Euro.

Certains disent que tu es un des joueurs belges les plus sous-estimés actuellement. Comment vit-on avec cette étiquette?

C’est vrai qu’on me le dit parfois. Pas souvent, mais parfois. Je ne vais pas jouer au Calimero, mais c’est vrai que je me demande parfois comment cela se fait que certains pensent cela de moi. Il me semble que je prouve chaque semaine mon vrai niveau. Mais je ne peux rien faire contre ça.

On se doute qu’un départ vers l’étranger figure toujours à ton agenda du coup…

Je suis bien ici à l’Union, je ne partirai pas pour partir, mais bien sûr que si je reçois une offre d’un bon club avec un vrai projet, je tenterais le coup. Mais je suis aussi très excité par la saison qui m’attend ici avec la Coupe d’Europe et la perspective de jouer encore le haut du tableau en championnat. On sera au rendez-vous, comme les autres équipes habituées à jouer la tête.

Qu’est-ce que tu as découvert de différent à l’Union?

C’est spécial de jouer pour l’Union. Je vous parlais de la préparation tout à l’heure. C’est vraiment très particulier d’en être résolu à attaquer une saison sans coach et je crois que cela ne pourrait arriver qu’à l’Union. Je ne vois pas une telle situation se produire à Gand en tout cas. Et finalement, cela résume assez bien l’atmosphère familiale, mais surtout la philosophie du club. Un club où l’on sent que les principes, voire l’idéologie, passent avant tout le reste. Avant le coach, avant les joueurs aussi. Ici, par exemple, tout le monde savait qu’Alexander Blessin avait reçu une belle offre de Sankt-Pauli et il était assez évident pour tout le monde que l’Union n’allait pas faire grand-chose pour le retenir. Ce n’est pas le genre du club de faire le forcing. Parce que je pense qu’ils sont sûrs de leur philosophie et que ce qui importe pour eux, ce ne sont pas les noms qui la mette en place, mais la manière de la mettre en place. Et je suis certain que le futur coach sera garant de cette vision (NDLR: Alessio Castro-Montes ignorait encore au moment de cet entretien la nomination de Sebastien Pocognoli).

L’an dernier, le club a vécu une saison historique avec ce titre en Coupe et une saison régulière sans faute. Comment expliquer le fiasco du début des Play-offs et ce zéro sur douze finalement éliminatoire dans la course au titre?

(Long silence) C’est très difficile encore aujourd’hui d’expliquer ce qui s’est passé. Je crois que beaucoup se joue durant ces 45 premières minutes assez catastrophiques à Genk, lors du premier match. C’était certainement notre moins bonne mi-temps de la saison. Ça nous a mis un sacré coup au moral et malheureusement, malgré ce qu’on se dit à la mi-temps, on n’arrive pas à redresser la barre en seconde période. Je crois que même inconsciemment, ça a particulièrement dû toucher les joueurs qui avaient vécu les deux saisons précédentes avec les épilogues que l’on connaît. Pour eux, cette défaite était encore plus dure à avaler. Et ça a lancé cette terrible spirale négative de quatre matchs. Dans l’ensemble, sur les trois rencontres suivantes, on n’est pas mauvais, loin de là, mais on est battu sur quelques erreurs individuelles, ce qui n’avait jamais été le cas lors de la saison régulière. Heureusement, après, il y a cette finale de Coupe que l’on gagne et d’un coup, une immense pression qui s’enlève de nos épaules. Je crois que ça nous a fait du bien et surtout, cela nous a permis de bien finir la saison.

On dit du coaching d’Alexander Blessin qu’il est exigeant tant il demande beaucoup de sacrifices au quotidien à ses joueurs. Ce qui permet dans certains cas d’obtenir rapidement des résultats, mais dans d’autres de parfois perdre son vestiaire sur la longueur. Est-ce que l’usure physique et mentale, même au bout d’une seule année, peut être une des raisons d’une fin de saison plus compliquée selon toi?

Non, je ne pense pas du tout. Evidemment, le coach était très, très exigeant. Probablement le plus dur que j’ai connu. Mais c’est aussi quelqu’un qui connaît parfaitement son groupe. Les capacités de chacun. Les qualités et les défauts de l’ensemble de ses joueurs. En ce sens qu’il sait exactement ce qu’il peut demander comme effort à tel ou tel joueur. Et ce qu’il ne doit surtout pas demander à un autre. A ce niveau-là, il est assez impressionnant parce qu’il sent très bien son groupe. Et physiquement d’ailleurs, on termine mieux la saison qu’on ne la débute. Ça se traduisait notamment dans le résultat de nos courses à haute intensité, qui étaient assez phénoménales en fin d’exercice, notamment après la finale de la Coupe comme je vous le disais. Comme quoi, le mental appuie aussi le physique.

Finalement, comme chaque saison depuis son retour en D1, l’Union va devoir se reconstruire en perdant à la fois son coach et ses meilleurs joueurs. Dans quel état d’esprit le vestiaire aborde-t-il cette situation?

Ce que je peux vous dire, c’est que je n’ai pas ressenti d’inquiétude au cours de la préparation. Bien sûr, c’est impossible pour nous de dire à ce stade si on pourra reproduire la même saison que l’an dernier. Mais c’est aussi le cas de nos concurrents. Et c’était aussi le cas l’an dernier à mon arrivée. Quand je signe à l’Union début septembre, rien ne me dit que je signe alors chez un candidat au doublé. Comme souvent ici, l’appétit vient en mangeant. Le fait que la direction ait l’habitude de se retrouver dans pareille situation, cela donne forcément de la confiance. Mais on sait aussi qu’il y a une part d’incertitude, c’est un peu le charme de l’Union (rires). Non, mais en vrai, on sait qu’ils bossent comme des fous et qu’ils ne vont pas se tromper.

De là à dire qu’il y aura de nouveau dans l’effectif un joueur avec l’impact d’un Deniz Undav, d’un Victor Boniface ou d’un Mohamed Amoura comme sur les trois dernières saisons, il y un gap. A défaut, tu penses qu’il y a un joueur qui était déjà là l’an dernier et qui pourrait exploser, à la façon d’un Cameron Puertas la saison dernière?

C’est toujours difficile de jouer à ce petit jeu. D’autant que l’an dernier, franchement, personne n’avait vu venir cette saison de fou que nous a sortie Cameron Puertas. C’est donc hyper difficile à dire parce que je trouve qu’il y a plusieurs très bons joueurs qui étaient déjà là l’an dernier et qui pourraient prétendre à plus de temps de jeu, mais j’espère, et je crois, que cela peut être la saison d’un gars comme Noah Sadiki. Il n’a encore que 19 ans, mais il a déjà emmagasiné beaucoup d’expérience, c’est un super joueur et un gars génial. Je le vois vraiment faire une grosse saison et je nous le souhaite autant qu’à lui (rires).

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire