Comment Toby Alderweireld a construit le titre de l’Antwerp: la preuve par cinq
Buteur décisif dans les arrêts de jeu, Toby Alderweireld réunit tous les ingrédients de la recette du doublé anversois.
Tout l’automne durant, quand la Belgique perdait ses feuilles dans la fournaise mondialiste du Qatar, la rumeur serinait qu’il était trop lent. Que ses jambes ne pouvaient plus vivre trop loin de sa surface. Pourtant, à la 94e minute de ce déplacement à Genk, personne ne semble en mesure de rattraper Toby Alderweireld. Le capitaine de l’Antwerp court le cent mètres de sa vie. Le bloc qui rassemble ses supporters est sa ligne d’arrivée. Quelques secondes plus tôt, l’ancien Diable rouge a fracassé les filets de Maarten Vandevoordt d’une frappe surpuissante. La Pro League s’offre le dénouement le plus fou de son histoire, avec trois champions différents entre la 88e minute et le coup de sifflet final. L’Union, Genk, puis l’Antwerp. 66 ans après, le plus vieux club du Royaume est de retour au sommet. Grâce à un but de son défenseur, synthèse des histoires de sa saison.
La passion des Diables
Il fallait vraisemblablement un Diable rouge pour pimenter la recette du Bosuil. Déjà lors de l’ère D’Onofrio, le Great Old avait successivement accueilli Jelle Van Damme, Steven Defour, Kévin Mirallas et Jordan Lukaku, sans jamais y trouver le succès. À l’été 2021, le retour en Métropole de Radja Nainggolan semblait devoir sublimer cette stratégie du Diable, le président Paul Gheysens affirmant fièrement qu’il préférait faire sauter la banque pour le Ninja que pour le si fiable Hans Vanaken brugeois. Pourtant, le milieu de terrain ne parvient jamais à transformer l’Antwerp en candidat au titre. Il devient au contraire l’incarnation de ce noyau, plus tape-à-l’œil que véritablement efficace, qualifié sans gloire pour des Champions Play-offs qu’il traversera comme un fantôme.
Alors, quand l’été revient, et les tentations diaboliques avec lui, de nombreuses questions entourent le retour de Toby Alderweireld. Le défenseur a certes la Métropole dans la peau, jusqu’à s’être tatoué sa cathédrale, mais revient surtout d’un bail au Moyen-Orient qui avait des airs de pré-retraite.
Il suffira pourtant d’une petite demi-heure de championnat au bout du mois de juillet, lancée sur la pelouse de Malines, pour rappeler au pays qu’il est l’une des légendes les plus discrètes de la génération dorée, mais une légende quand même. Un ballon claqué au-dessus de tout le bloc malinois pour atterrir dans les pieds de Michael Frey, auteur du premier but de la saison. Son rôle préféré, celui du quarterback, offre une nouvelle arme précieuse au Great Old.
L’argent du président
Évidemment, quitter l’exil doré du Qatar n’était pas qu’une question d’amour du maillot. À Anvers, Toby a retrouvé sa ville, mais aussi un contrat XXL, comme seul Paul Gheysens semble capable de les offrir. S’il était bridé par Lucien D’Onofrio dans ses envies de dépenses sur le marché des transferts, le président s’est copieusement lâché depuis deux saisons. Ces dernières années, profitant de la mise en pause du fair-play financier suite à la crise sanitaire, le président du matricule 1 a injecté plus de cent millions d’euros dans son club, pour augmenter le capital et pallier le déficit structurel actuel de ses couleurs.
LIRE AUSSI | Comment l’Antwerp a fait son retour au sommet
Une année durant, suite au départ de D’Onofrio, Gheysens a dépensé sans véritable fil conducteur. Il a fallu l’arrivée de Marc Overmars, ancienne tête pensante sportive de l’Ajax demi-finaliste de Ligue des Champions – et éliminé par le Tottenham de Toby Alderweireld – pour rendre une embouchure à la rivière de millions irriguée par le magnat de l’immobilier.
Alderweireld et Amsterdam
Si Toby Alderweireld a longtemps fait les beaux jours de l’Ajax, la connexion entre le port d’Amsterdam et celui d’Anvers passe par un bureau d’avocats. C’est Omar Souidi, déjà à l’initiative du retour en Métropole de Radja Nainggolan – dont il était l’avocat – qui lie la famille Gheysens à Marc Overmars. Supporter de l’Ajax comme du Great Old, Souidi déplore le triste jeu anversois la saison dernière et conseille au président de profiter de la mise hors-circuit d’Overmans, licencié de l’Ajax pour harcèlement envers plusieurs collaboratrices.
Plus que discutable sur le plan éthique, la qualité sportive du renfort est indéniable. Overmars a les recettes du succès, et les installe dans le vestiaire du Bosuil : un groupe qui n’éparpille pas trop les nationalités, une langue véhiculaire forte dans le vestiaire – le néerlandais, grâce aux nombreux renforts bataves – des joueurs déjà chevronnés pour encadrer les jeunes talents, et des duos linguistiques ou nationaux pour éviter des joueurs plongés dans la solitude. Les jeunes talents comme Pacho, Avila et Valencia peuvent ainsi se regrouper le plus souvent possible, dans un groupe dirigé par un nom inimaginable sur un banc belge.
Le vice-champion du monde Mark van Bommel devient le coach de l’Antwerp, où débarquent des anciens ténors de l’Eredivisie comme Vincent Janssen, Calvin Stengs, voire Jurgen Ekkelenkamp. Le casting est brillant, aussi bien sur le CV que sur le terrain. Pour orchestrer le tout, et assaisonner ce mix entre Pays-Bas et Anvers, le passé amstellodamois de Toby Alderweireld est l’ingrédient idéal.
Le titre de la défense
Aux côtés de l’épatant Pacho, déjà vendu à plus de dix millions à Francfort en vue de la saison prochaine, Alderweireld dirige une manœuvre défensive de haut vol. Gardien le plus sollicité du championnat la saison dernière, Jean Butez ne doit plus multiplier les miracles pour permettre aux siens d’atteindre les play-offs. Une saison sans éclat retentissant lui suffit à accumuler une somme impressionnante de clean-sheets : 19 lors de la phase classique du championnat, principalement acquis lors d’un début d’année 2023 où le onze métropolitain s’est donné des airs de coffre-fort.
LIRE AUSSI | Van Bommel, le coaching à l’italienne
Bien organisé par un Mark van Bommel indéniablement marqué par son séjour de fin de carrière au Milan AC, le blindage anversois asphyxie son adversaire dans l’axe du terrain, l’envoie sur les côtés et l’oblige à envoyer des ballons dans les airs, là où Pacho domine au physique alors que Toby Alderweireld fait parler son placement et son art défensif, étoffés lors de son séjour à l’Atlético au milieu des années dix, sous les ordres du professeur Diego Simeone.
Avec seulement 40,09 expected goals concédés cette saison, l’Antwerp est l’équipe qui a offert le moins d’opportunités à ses adversaires sur les pelouses de Pro League. La clé du titre est là, bien plus qu’à l’autre bout du terrain où les Anversois et leurs 63,5 expected goals créés n’affichent que le sixième bilan de l’élite.
Le CV d’Alderweireld
Pourtant, dans les arrêts de jeu de la saison, c’est aux abords de la surface adverse qu’il fallait faire la différence. Là, Toby Alderweireld a écrit l’histoire du championnat. Le défenseur a marqué le même but que Kompany face à Leicester, mais à la minute de celui de Sergio Agüero contre QPR. Une synthèse hors-normes pour s’inviter à la table des plus grands. Un but d’audacieux dans un scénario où tout le monde a les jambes qui tremblent.
« C’est le match le plus important de la carrière de tous, sauf d’Alderweireld », avançait-on du côté unioniste avant le déplacement au Bosuil dans le cadre de l’avant-dernière journée. Il y a quatre ans, le défenseur des Diables jouait une finale de Ligue des Champions contre Liverpool, un peu moins de douze mois après avoir disputé une demi-finale de Coupe du monde. Des rendez-vous bien plus grands qu’un dernier match de Jupiler Pro League. Une expérience qui ne s’achète pas.
À moins d’avoir les moyens de s’acheter des joueurs d’expérience.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici