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Union-Bruges : eau tiède, sang-froid et moments chauds (analyse)

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Récit tactique de la victoire des doubles champions en titre au Parc Duden, synonyme de prise de pouvoir en tête du championnat (0-2).

De l’autre côté de la frontière, sur les terres de Johan Cruyff et de Louis van Gaal, on n’est pas spécialement réputé pour le goût du compromis. Pourtant, quand il installe le onze qui doit conquérir le Parc Duden et ramener ses Blauw en Zwart au sommet du championnat, Alfred Schreuder a l’air d’un homme qui renverse un verre d’eau tiède. Pour remplacer Mats Rits, le coach du Club choisit les muscles d’Eder Balanta. Surtout, il assemble le reste de son puzzle en mélangeant les pièces, comptant sur la vitesse de Sargis Adamyan devant et la polyvalence de Charles De Ketelaere à gauche. Les idéaux résolument offensifs, le jeu de position et les triangles restent au vestiaire : Bruges grimpe sur la pelouse en tenue de combat.

En face, l’Union déploie son onze de toujours, et débute forcément la rencontre avec le confort de l’habitué. Loïc Lapoussin est aérien et met Tajon Buchanan dans les cordes. À l’autre bout du terrain, les courses incessantes dans l’espace de Dante Vanzeir et Bart Nieuwkoop obligent De Ketelaere à jouer à reculons. La symphonie des hommes de Felice Mazzù est complétée par l’énergie de Teddy Teuma, toujours prompt à sauter dans les pieds des milieux brugeois malgré son carton jaune précoce et capable de désorienter les adversaires par ses appels en diagonale entre les défenseurs adverses. Assis sur le banc de touche, Ruud Vormer doit apprécier cette réincarnation gauchère et maltaise de ses meilleures années en Venise du Nord.

Depuis les onze mètres, Vanzeir prend une leçon de géométrie et de grandeur. Comme un tennisman qui forcerait ses coups en jouant la ligne pour tenter d'enfin transpercer la défense de Rafael Nadal.
Depuis les onze mètres, Vanzeir prend une leçon de géométrie et de grandeur. Comme un tennisman qui forcerait ses coups en jouant la ligne pour tenter d’enfin transpercer la défense de Rafael Nadal.© belga

Bruges a le ballon sans la maîtrise. Difficile de s’installer balle au pied avec un milieu de terrain renforcé, où Dennis Odoi et Balanta jouent les pare-chocs pour protéger la défense de ces infiltrations venues du milieu adverse. Le Club essaie de réciter ses chorégraphies habituelles, mais les pions ne sont pas placés au même endroit et chaque sortie de balle se transforme en torture par étouffement. Les offensives brûlantes sont impossibles, et le calcul froid n’est pas le genre des artistes en bleu et noir. Bruges se noie dans l’eau tiède renversée par son coach, et sa bouée de sauvetage porte un numéro 10.

Discret au marquoir mais impérial au ballon, Noa Lang distribue de l’oxygène collective à coups d’exploits individuels. Le Néerlandais slalome entre le pressing bruxellois, gagne des mètres, du temps, et parfois même des occasions. Sans la lecture de trajectoire magistrale de Koki Machida, il offrait même presque l’ouverture du score à Adamyan juste avant la pause et complètement contre le cours d’un jeu dicté par les Saint-Gillois. Le champion en titre survit grâce à l’héroïsme de ses défenseurs, qui boucleront la rencontre avec quatorze ballons dégagés depuis leur surface, et au vice d’un Balanta toujours prompt à flirter avec le règlement.

LA SOMME DES CHAMPIONS

Bruges change de plan à la reprise, sans pour autant parvenir à bouleverser la physionomie du match. Simon Mignolet tente plus de passes longues en un quart d’heure qu’en une mi-temps, et la précision des passes brugeoises flirte avec les 50%. Pour éviter le pressing unioniste, le Club choisit de le surmonter. Quitte à perdre le ballon, autant que ce soit plus loin de leur surface. La réussite n’est pas au rendez-vous, parce que Lapoussin (70 ballons joués au coup de sifflet final, record du match) continue d’aimanter les ballons, et que le leader insiste à l’opposé, dans le dos de Stanley Nsoki, cherchant à mettre à rude épreuve la concentration aléatoire du Français. C’est dans le rétroviseur de l’ancien Niçois que s’engouffre Lazare Amani pour obtenir un penalty concédé par Brandon Mechele. Depuis les onze mètres, Vanzeir prend une leçon de géométrie et de grandeur. Comme un tennisman qui forcerait ses coups en jouant la ligne pour tenter d’enfin transpercer la défense de Rafael Nadal, le Diable se donne l’impression que seul un ballon au ras du poteau peut tromper l’aura de Mignolet. Son tir échoue du mauvais côté du montant.

La montée brillante du Danois Andreas Skov Olsen a changé la physionomie de la rencontre.
La montée brillante du Danois Andreas Skov Olsen a changé la physionomie de la rencontre.© belga

Peu-à-peu, en même temps que l’énergie unioniste descend suite à ce penalty manqué, Schreuder remet ses pièces au bon endroit. La montée au jeu d’Eduard Sobol replace De Ketelaere dans l’axe, puis celle d’Andreas Skov Olsen installe le Club dans un 3-4-2-1 qui remet la maîtrise technique au pouvoir. Associés à Buchanan et Lang, les deux gauchers font grimper la qualité du jeu brugeois d’un cran. Regroupés côté droit, les techniciens brugeois déploient une combinaison qui isole le Danois. Mauvais pied, mais excellent centre dans le ciel de la capitale : c’est l’histoire favorite d’Hans Vanaken, celle que l’homme aux deux Souliers d’or préfère pour s’inviter dans les cauchemars bruxellois. La reprise du front est clinique, le Club devient chirurgical.

L’Union tente encore, remettant son sort entre les pieds d’un Kaoru Mitoma brouillon mais hyperactif (cinq dribbles tentés). En une vingtaine de minutes, le Japonais touche 26 ballons, record de la fin de rencontre. Le magicien prêté par Brighton étale ses tours, mais se heurte à la résistance de Buchanan et la résilience de Clinton Mata, même si son centre en retrait dans la foulée de l’ouverture du score aurait pu offrir l’égalisation à un Deniz Undav trop discret dans la surface adverse. Finalement, alors que Felice Mazzù s’appuie sur les muscles d’Ismaël Kandouss pour contrarier la supériorité aérienne brugeoise, c’est à l’autre bout du terrain que Mitoma fera le plus parler de lui en accrochant Skov Olsen, parti à la conquête du but vide. Antonio Nusa, monté avec des bâtons de dynamite sous les crampons, boucle l’addition à 0-2. Le Club a plus maîtrisé l’enjeu que le jeu, dominant mieux ses nerfs que son adversaire, mais prend la tête du championnat à trois virages de la ligne d’arrivée. La preuve qu’engloutir de force un grand verre d’eau tiède n’empêche pas forcément de garder la tête froide.

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